L'Etat améliore la gestion de ses ressources humaines dédiées aux SI


De l'IT et des hommes
S'il n'est de richesse que d'hommes, c'est également vrai pour le numérique. Les hommes sont au coeur de la transformation numérique. Et la gestion du changement est nécessaire. Peut-être paradoxalement, le numérique peut aussi servir à améliorer les relations humaines, notamment entre des...
DécouvrirL'Etat adopte une vision interministérielle des carrières de ses ingénieurs informaticiens sous l'égide de la DINSIC. En attendant les techniciens.
PublicitéLa gestion des ressources humaines reste un sujet délicat pour la fonction publique d'Etat. Le nombre important de métiers autant que d'agents, la variété et la complexité des statuts et les difficultés politiques en sont bien sûr des raisons. Il en résulte une certaine inertie contraire au bouleversement actuel des métiers, en particulier dans les métiers en forte évolution comme dans le numérique. Malgré tout, des initiatives sont prises pour faire bouger les choses. La récente évolution d'un corps d'ingénieurs en informatique désormais à vocation interministérielle est là pour le prouver. Il s'agit du corps des ISIC (Ingénieurs en Systèmes d'Information et de Communication) du ministère de l'intérieur . D'autres évolutions sont en attente, comme l'ouverture d'un corps de techniciens SIC selon des modalités similaires.
Mais pourquoi parler de corps ? Dans la fonction publique, il existe plusieurs types de collaborateurs, gérés par des statuts. Normalement, lorsque l'on parle de fonctionnaires, il s'agit d'un agent bénéficiant d'un statut précisant une catégorie (Pour faire simple : A pour les cadres, B pour les agents de maîtrise, C pour les exécutants), un corps (regroupement d'emplois souvent rattachés à une administration donnée), un grade (niveau d'avancement dans le corps) et un échelon (base du calcul de rémunération avec une grande importance à l'ancienneté). Le statut est obtenu par l'agent par exemple suite à la réussite à un concours, il ne peut pas être négocié. La plupart des corps sont liés à des ministères précis mais il existe déjà des corps interministériels comme celui des attachés d'administration.
Statut et contrat
Dans le cas des ISIC du Ministère de l'Intérieur, il s'agit d'un corps de catégorie A possédant trois grades : ingénieur, ingénieur principal et ingénieur hors classe. Une première vague d'affectations interministérielles a eu lieu entre septembre 2015 (ouverture du concours) et le1er mars 2016 (affectation des agents). 44 postes ont été ouverts et 32 affectations ont effectivement été faites. Outre la sélection du jury, quelques désistements ont eu lieu, certains candidats ayant préféré renoncer au bénéfice du concours. Le possible corps des TSIC à vocation interministériel sera lui de catégorie B.
Il existe aussi des contractuels : ceux-ci bénéficient d'un contrat de travail négociable, limité à trois ans et renouvelable une fois. Au-delà des six ans, certains contractuels deviennent des collaborateurs permanents en contrat à durée indéterminée.
En plus de ces personnels internes, l'Etat peut recourir, comme n'importe quelle organisation, à des prestataires extérieurs qui lui sont alors facturés par une société de service,
Couvrir un besoin de ressources humaines
Publicité« Beaucoup d'informaticiens ignorent qu'ils peuvent être recrutés par l'Etat en tant qu'agent fonctionnaire ou contractuel » déplore Charlotte Cador, chargée de mission RH-SIC à la DINSIC (Direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication). Or l'actuel développement des services numériques dans les administrations entraîne un essor des métiers de l'informatique dans la fonction publique. Et l'Etat a du mal à recruter. Charlotte Cador reconnaît : « les profils IT qui nous intéressent sont très recherchés. »
A cela s'ajoute une difficulté culturelle : le recrutement d'administratifs ou de techniciens est rodé dans la plupart des ministères mais pas celui d'informaticiens. Il n'y a des corps d'accueil dédié que dans les administrations où l'informatique est intimement liée au coeur de métier (Finances, Intérieur, Défense...). Les autres ministères sont donc plus ou moins bien pourvus en fonctionnaires spécialisés dans l'IT. A cela s'ajoute un autre problème : chaque ministère constitue normalement un silo isolé des autres. En théorie, il est bien sûr possible pour un agent de demander un détachement ou une mobilité pour prendre un poste en dehors de son ministère de rattachement mais c'est très souvent au détriment de sa carrière, étant éloigné de la visibilité de sa hiérarchie, celle qui va décider de sa carrière (notamment pour l'avancement au choix).
Une situation hétérogène à traiter
Il existait un important corps d'ingénieurs en informatique au Ministère de l'Intérieur, le corps des ISIC. Ce corps était initialement prévu pour couvrir les seuls besoins de ce ministère. La récente réforme de ce corps a abouti à le transformer en corps à vocation interministérielle. Concrètement, sa gestion se fait toujours à partir du Ministère de l'Intérieur mais les postes proposés peuvent être dans tous les ministères sans qu'il ne s'agisse de détachement ou de mobilité. Faire évoluer de cette façon un corps existant n'était-il pas se compliquer la vie ? « Les situations étaient trop hétérogènes dans les différents ministères pour que l'on puisse réellement procéder autrement » justifie Charlotte Cador. Même si certains ministères craignent de perdre leurs rares compétences internes propres si celles-ci ont la possibilité d'aller dans d'autres administrations facilement.
La réforme s'est également accompagnée d'une série d'autres mesures. Déjà, le recrutement a évolué de Bac+3 à Bac+5. En plus, la formation a été instaurée comme une obligation d'une part à chaque changement de poste, d'autre part au moins tous les trois ans. Enfin, la rémunération a été revalorisée. Charlotte Cador précise : « nous nous approchons dumarché pour des diplômés d'une école d'ingénieurs en informatique moyenne. » Pour l'Etat, le recours aux contractuels restera toujours nécessaire sur ce secteur en constante évolution et dans lequel l'expérience fait souvent l'expertise. Toutefois utiliser ce corps autant que possible génère, à terme, plus de valeur « S'appuyer majoritairement sur des ressources humaines qui ne resteront quequelques années oblige à les former au contexte spécifique de l'Etat (notamment les marchés publics), génère une frustration chez ceux qui seraient bien restés mais voient leur contrat arriver à leur terme et revient plus cher » confirme Charlotte Cador.
Faciliter la carrière des ingénieurs
Pour l'Etat, le gain est donc évident. Mais pour les ingénieurs en informatique eux-mêmes ? Le fait que le corps soit à vocation interministérielle entraîne que l'affectation dans tel ou tel ministère se fasse sans processus de détachement. Charlotte Cador résume cet avantage avec une expression : « il n'y a plus d'effet loin des yeux loin du coeur. » Bien entendu, c'est là, malgré tout, un point de vigilance particulier pour la DINSIC puisque le corps reste géré par un ministère précis, en l'occurrence le Ministère de l'Intérieur.
Surtout, c'est pour les ingénieurs de ce corps ISIC refondé la capacité à postuler sur un vivier d'emploi interministériel. Le nombre d'opportunités proposé n'a donc plus rien à voir. Enfin, et ce n'est pas le moindre des avantages, la formation régulière est prévue dans le cadre même du statut.
La formation au coeur de la vie du corps des ISIC
Face aux évolutions technologiques permanentes, cette formation régulière est indispensable. Mais une formation continue perlée est-elle appropriée quand des révolutions ont lieu, par exemple le cloud ? « Au dela des dispositifs de formation continue de chaque ministère, nous voulons avoir une approche pragmatique » tranche Charlotte Cador. Sur le cloud, par exemple, outre les formations proposées par chaque administration, les agents des différents ministères voient leurs compétences renforcées au fur et à mesure du déploiement de l'offre de la DINSIC.
Pour pallier un manque de compétence interne, l'Etat procède comme n'importe quelle organisation en utilisant notamment e recours à des prestataires externes, les formations et en capitalisant sur les expériences au fil des mises en oeuvres. Elle ajoute : « sécurité, data-analyse, etc. Les besoins sont très différents selon les ministères. Chaque ministère prend les mesures adéquates pour couvrir ses besoins, le cas échéant avec l'appui de la DINSIC. »
Laisser le temps au temps
La DINSIC estime qu'il y a environ 18000 agents en charge des systèmes d'information dans l'ensemble des ministères, sans compter les opérateurs (établissements publics comme la SNCF) ni les personnels en charge des opérations militaires. Le recensement est très complexe, tant les statuts sont variables d'une administration à l'autre. Tous n'ont pas vocation à intégrer rapidement le corps ISIC. Si les ingénieurs du Ministère de l'Intérieur qui étaient membres de l'ancienne forme de ce corps ont automatiquement basculé les intégrations d'autres agents se feront au cas par cas. « Nous n'avons ni la possibilité ni la volonté de forcer les gens » insiste Charlotte Cador.
Cela dit, étant donnés la revalorisation du corps et les opportunités de postes plus nombreuses, la bascule devrait pouvoir se faire sans trop de difficulté. Pour le cas particulier des ingénieurs en détachement depuis au moins cinq ans dans un ministère différent de leur ministère d'origine, l'administration pourra prendre l'initiative de proposer une intégration dans le corps interministériel.
Le corps va aussi être alimenté classiquement par des concours. Concours interne, bien sûr, pour permettre des évolutions de personnels actuels (en particulier catégorie B). Le concours externe s'adresse aux jeunes diplômés. Et un troisième concours s'adressera aux cadres expérimentés du secteur privé ou associatif. Chacun de ces concours va faire l'objet d'une communication externe.
Echapper au cloisonnement
Cette communication a déjà commencé en amont de la première session du concours. C'est ainsi qu'un de ses amis, cherchant du travail, a transmis le tract présentant le concours externe à Raphaël Bevenot. Jeune diplômé en 2015 de l'ISIMA (Institut supérieur d'informatique, de modélisation et de leurs applications) à Aubière près de Clermont-Ferrand, cet ingénieur en informatique a débuté dans une petite SSII parisienne comme consultant en décisionnel. Informé par accident, il décide donc de passer le concours. Après l'avoir réussi, il a été affecté à la DINSIC au 1er mars où il participe au programme des SIRH ministériels, en appui aux DSI de chaque ministère afin de garantir la prise en compte des (mauvaises) expériences passées.
« J'ai depuis toujours une attirance pour le Service Public, c'est à dire l'utilité aux autres, et je voulais contribuer à relever le défi de la modernisation d'une très grande institution, l'Etat » justifie-t-il. Mais, comme il disposait déjà d'un emploi, il n'a pas passé d'autre concours. Au début, peu au fait des particularités de la fonction publique, il ne voyait pas l'intérêt d'un corps interministériel. Mais il a vite compris : « je suis très heureux de pouvoir échapper à un cloisonnement que je n'avais pas perçu initialement. »
Plus prosaïquement, les avantages d'avoir réussi ce concours ne sont pas minces. Raphaël Bevenot reconnaît volontiers : « chacun sait qu'il y a des avantages à travailler dans la fonction publique et, en intégrant ce corps, ma rémunération a augmenté de 20% par rapport à mon premier poste dans le secteur privé. »
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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