L'entreprise numérique mobile et sociale : Plan d'action (première partie)
Dans l'article précédent du 10 mars 2014, Gérard Balantzian a mis en relief des exemples de la révolution numérique, entre autre les objets connectés et leurs applications, les outils qui se développent autour des réseaux sociaux et les solidarités qui s'auto-organisent. Face à l'inquiétude ressentie par les entreprises en matière de déplacement du travail et de l'emploi, il a suggéré un Plan d'action efficace.
PublicitéCette tribune est la suite de celle publiée la semaine passée.
Cet article porte sur les 8 recommandations clés de ce Plan d'action pour assurer la Transformation numérique de l'entreprise dans de bonnes conditions. Tout n'y est pas traité, mais seulement l'essentiel. Les extraits ci-dessous sont issus de sa conférence de mars 2014 à Paris. Ils fournissent aux managers, et en particulier à la DSI, des pistes de travail éprouvées qui méritent d'être explorées sur le terrain.
Cette semaine, nous allons étudier la première partie de ce plan d'action :
1 - Choisir d'abord une Posture appuyée sur une volonté politique, 2 - Donner du sens audible au Projet et le rendre intelligible par tous ,
3 - Choisir un Modèle qui co-crée de la valeur « responsable »,
4 - Libérer les usages en diffusant en même temps la responsabilité à tous les niveaux.
Dans la deuxième et dernière partie qui paraîtra la semaine prochaine, nous aborderons les points suivants :
5 - Eclairer les dirigeants qui souhaitent créer des chaînes d'alliance pour peser sur le marché,
6 - Accompagner par le questionnement ceux qui veulent changer le monde,
7 - Tenir compte des facteurs culturels en restant humain et fidèle à l'éthique,
8 - Mettre la relation au coeur de nos métiers et devenir un partenaire solide au service des nouvelles idées.
1- Choisir d'abord une Posture appuyée sur une volonté politique
La Posture vient avant le Modèle d'affaires. Il faut en même temps avoir une volonté politique. Mais contrairement au système de commandement vertical de l'entreprise-pyramide en silo, la Posture de « Modeleur» permet de choisir un Modèle qui englobe et fait coopérer tous les hommes. Il est donc circulaire. La dernière partie du XXème siècle vit émerger des Modeleurs d'un nouveau type comme Roland Moreno, Vinton G. Cerf, Robert E. Kahn, Tim Berners-Lee, Bill Gates, Steve Jobs, Jeff Bezos, Marc Zuckerberg, Jack Dorsey, Sergey Brin et Larry Page, David Filo et Jerry Yang, Jimmy Wales ( sans pouvoir tous les nommer). Dans l'ordre de cette énumération, ces innovateurs nous ont offert la carte de paiement bancaire, l'internet, les logiciels d'Office, l'iPhone, Amazon, Facebook, Twitter, Google, Yahoo et ... Wikipédia.
Pour être « Modeleur », il faut une surestimation de soi et faire un pari 'fou'. Steve Jobs termina son allocution de Stanford de 2005, en disant : « Soyez insatiables, soyez fous ! ». Mais durant les deux siècles précédents, il y eut d'autres Modeleurs : Robert Owen (1771 - 1858) inventa le communautarisme d'entreprise sociale pour sortir les ouvriers de leur misère (Karl Marx a écrit le Capital à la même période) ; Henry Ford (1863 - 1947) développa une idée révolutionnaire sur l'auto-mobile pour tous ; William Allen (1900 - 1985) démocratisa la mobilité par le transport aérien ; Muhammad Yunus fit un projet social fondé sur le microcrédit agissant en cercles élargis ; Akiko Morita (1921 - 1999), chairman of Sony Corporation, apporta la musique mobile aux oreilles de tous. Cette boucle circulaire d'innovation s'est élargie plus tard. Nous avons connu iTunes grâce à Apple.
On ne devient pas Modeleur : on l'est. Ses qualités intrinsèques sont le courage, le caractère, la détermination et une doctrine entrepreneuriale propre. Dans un monde qui n'est pas fixe, un modèle en chasse un autre. Les applications de géolocalisation ont été balayées par Maps. WhatsApp, est en train de détrôner le SMS comme les ERP ont mis fin aux développements sur-mesure assuré par la DSI. Mais on ne chasse pas un entrepreneur. Steve Jobs est revenu à la tête de Apple, après en avoir été évincé. Michael Dell dit récemment : « J'aurai seul le contrôle de Dell. Personne ne pourra me dire de partir... » (Lefigaro.fr - 27/10/2013). C'est une posture chevillée au corps et comme le disait Benjamin Franklin, « Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de ne jamais prendre de risques ».
Publicité2 - Donner du sens audible au Projet et le rendre intelligible par tous
Faire du « numérique dans son coin » sans qu'il n'y ait un service à valeur ajoutée de bout en bout ne sert pas l'entreprise à long terme. De plus, les enjeux sont de taille comme pour l'agriculture bio, l'aéronautique et le transport de voyageurs face au « low cost », la banque face aux « news players » qui proposent des comptes en ligne sans banque, l'éducation nationale face à la révolution des MOOCs, etc. On ne sait pas non plus jusqu'où va une innovation. Par exemple, l'imprimante 3D ouvre la voie d'une compétition perturbatrice des formes habituelles de production. Quel monde faut-il imaginer dès lors que la technique est partout ?
L'innovation numérique et la transformation ont un caractère incrémental. La « valeur d'effectivité », pour reprendre l'expression de Georges Epinette auteur et DOSI du Groupement des Mousquetaires, nécessite de « prendre en compte la variabilité subjective de la valeur apportée en fonction des métiers voire des individus et bien évidemment du moment » (https://www.cio-online.com, 24/02/2014).
En revanche, le sens, qui est l'élan de l'âme de l'entreprise, est dans la permanence. Il ne se limite pas seulement à la croissance quantitative, à la réduction des coûts, à la cupidité satisfaite, mais il peut s'exprimer de la manière suivante : « sauver le monde », « développer le bien-être pour tous », ou « revaloriser l'économie locale » « développer l'économie solidaire et alternative ». La portée du sens dépasse la mutualisation des ressources et des plateformes techniques.
En lisant le livre de Noam Chomsky « ll y a doctrine des bonnes intentions », j'ai compris qu'il y avait trois catégories d'individus : ceux qui se content de parler sans agir ; ceux qui parlent mais qui ne peuvent pas agir ; et enfin ceux qui parlent et qui agissent.
3 - Choisir un Modèle qui co-crée de la valeur « responsable »
3 - Choisir un Modèle qui co-crée de la valeur « responsable »
La valeur « responsable » prend appui sur la culture de l'engagement de tous, c'est-à-dire des références partagées quant à la co-responsabilité individuelle, entrepreneuriale et sociétale (www.cogouvernance.com). La culture numérique ne se dicte pas mais se co-construit. Comme l'affirme Anne Lauvergeon, Présidente de la Commission Innovation 2030 : « reconnaître en quoi l'innovation que vous proposez va respecter le rapport d'égalité à l'autre » et de rajouter : « l'économie du partage : le goût du bien en commun » (Madame Figaro, 7 et 8 février 2014, p.66). Par exemple, l'offre des partenaires fournisseurs nourrit l'offre de l'entreprise dans l'industrie, la restauration, le tourisme, l'assurance, etc. Les modèles de services numériques impliquent le client, en mobilisant les « systèmes de forces collaboratives».
Il faut donc activer ces forces dans les réseaux sociaux par une information circulaire qui fait 'grandir' les uns et les autres (exemple : l'encyclopédie gratuite en ligne, l'apprentissage coopératif à distance, le développement coopératif dans les pays en voie de développement) et qui facilite la vie quotidienne (exemple : les téléchargements sur mobile, la géolocalisation pour sauver une vie, les tags mobiles, les messages sonores, l'aide aux mal voyants, une veille active, la réservation instantanée, les visites virtuelles, le multi-canal intelligent, etc.).
La « valeur d'attractivité» ainsi que la « valeur de propagation de la réputation responsable » d'une offre s'appuient d'une part sur la facilitation de la vie du client et d'autre part sur la co-construction du bien commun : l'auto-partage, l'Auto-Lib nous font découvrir le plaisir de la vie en commun dans la cité. Les industriels de l'aéronautique ont décidé de partager la conception et la production des avions mais sont conscients, selon Latribune.fr (22/10/2012), des limites du partage des risques (le risque de change, le risque de cadence, le risque entrepreneurial, ...).
4 - Libérer les usages en diffusant en même temps la responsabilité à tous les niveaux
L'internet des objets libère les usages et en même temps apporte une assistance dont il est possible d'en tirer le meilleur profit. C'est un thème majeur que nous aborderons en 2014 (carrefourdumanagement.com). Par exemple, un assureur respecte normalement ses engagements contractuels lorsqu'il y a un accident de la route. Mais face à la « voiture 100% connectée » qui arrive, ne faut-il pas s'interroger en prenant de la hauteur sur ce qu'est la co-création de valeur responsable reliant, en mode réseau, le conducteur du véhicule, l'assureur, le garagiste, le constructeur automobile, les sous-traitants, le banquier, etc. ? Si un conducteur ne respecte pas la limitation d'alcool au volant, s'il ne répare pas à temps son véhicule, s'il conduit sans prudence malgré les consignes vocales lancées par le véhicule, il est le principal responsable en cas d'accident. Mais si le constructeur fournit des pièces défectueuses, ou si les répartitions ne sont pas assurées à temps, la voiture connectée le sait et le dit. Chacun prend alors ses responsabilités. Mais 'l'objet' a aussi sa part de responsabilité dès lors qu'il peut avertir d'un dysfonctionnement. Le décideur final n'est plus l'homme car l'objet peut se substituer à celui-ci et arrêter de fonctionner pour prévenir un risque.
On pourrait se poser les mêmes questions avec la domotique 2.0. comme l'aide personnalisée aux séniors et l'amélioration de l'autonomie à domicile, les tâches quotidiennes facilitées pour tous, toute la chaîne des fournisseurs d'aliments dès que le réfrigérateur signale une fin de stock, des réparateurs d'appareils défectueux mobilisés à temps, la sécurité de l'habitat assurée, la traçabilité des documents et l'aisance pour les retrouver, l'accès à l'information dans toutes les pièces, avec des aides financières et de crédit pour anticiper certains nouveaux travaux qui se présenteront, etc.
Au-delà de l'apprentissage des nouvelles interfaces homme-machine, le défi consiste à travailler sur la transformation sur le plan de l'épistémologie des nouvelles Missions. Il s'agit donc d'importants chantiers qui nécessitent un savoir-faire d'animation et un savoir-être mature pour être en mesure de responsabiliser ces Multiples dans le mouvement.
La suite sera présentée la semaine prochaine.
Article rédigé par
Gérard Balantzian, Auteur et conférencier
Pionnier dans le domaine du management et des systèmes d'information depuis 1982, Gérard Balantzian a initié en France le développement des schémas directeurs, de la cogouvernance® et des pratiques coopératives de transformation des systèmes d'information. Il a dirigé pendant plus de 20 ans l'antenne parisienne de l'Université de Technologie de Compiègne (IMI - Institut du Management de l'Information). Conférencier international, il est également auteur de nombreux articles dans la presse spécialisée.
Livres de Gérard Balantzian :
Aux éditions Masson : Les schémas directeurs stratégiques (1982, 1988, 1992) ; L'évaluation des systèmes d'information et de communication (1988) ; Aux Editions d'Organisation : L'avantage coopératif (1997) : Les systèmes d'information : art et pratiques (collectif) en 2002 ; Tableaux de bord pour diriger dans un contexte incertain, (collectif) en 2005 ; Aux éditions Dunod : Le plan de gouvernance du S.I. (2006, 2007, 2011) ; Aux éditions Hermès Lavoisier : Gouvernance de l'information pour l'entreprise numérique (2013).
Site de l'auteur : www.cogouvernance.com
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