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Kärcher a migré lentement, mais sûrement dans le cloud

Kärcher a migré lentement, mais sûrement dans le cloud
À tout petits pas, Kärcher est passé d'un SI entièrement on-premise en 2012 au « cloud only » en 2024. (Photo : Kärcher)

Le fabricant d'équipements de nettoyage Kärcher se frotte au cloud depuis 2012. Après des tests progressifs, des démarches de conviction de la direction générale et des équipes, l'exploration des différents hyperviseurs du marché, l'entreprise fonctionne aujourd'hui en « cloud only ». Au point de piloter des usines sans SI locaux.

PublicitéLe fabricant d'équipements de nettoyage Kärcher s'est lancé dans le cloud dès 2012. « À l'époque, l'entreprise a voulu déployer du e-commerce pour toutes ses offres », raconte Leonhard Kerscher, son DSI. Initialement, cela devait être géré à partir de son propre datacenter, pour l'ensemble de ses marchés dans le monde. « Cependant, les performances laissaient à désirer, avec des temps de latence trop élevés, vers l'Australie par exemple », poursuit le DSI.

Deux premiers cas d'usage

Kärcher a finalement opté à l'époque pour le CDN d'AWS. « L'équipe a dû procéder à de petits ajustements pour les sites web et les sites de e-commerce, mais le résultat a parlé de lui-même, se souvient le DSI. Les performances ont été améliorées sur tous nos sites dans le monde entier. » Ensuite, en 2013, l'industriel a développé une solution de gestion de flotte IoT, Kärcher Fleet, pour les équipements destinés aux entreprises. Kärcher a installé des unités de contrôle télématiques (UCT) dans ces derniers, unités qui alimentent une base de données centrale. Les données y sont traitées et renvoyées aux clients sous forme de tableau de bord. Et cet ensemble a également rapidement été déplacé dans le cloud. Microsoft Azure a alors été jugé insuffisamment mature, ce qui a conduit Kärcher et son cabinet de conseil interne en cloud, Zoi, à se tourner vers AWS. Ces applications IoT fonctionnent toujours sur AWS. Selon Zoi, ce projet de gestion de flotte a cependant été géré en mode Devops, sans réelle stratégie de migration dans le cloud.

La DSI de Kärcher a continué de lancer des projets cloud de cette façon jusqu'en 2016. Puis, il a déployé des serveurs Windows, des AMI (Amazon machine images) standardisés et le SGBDR RDS d'AWS. « Avec RDS, même les plus réticents au passage dans le cloud y ont pris goût, du moins pour l'informatique interne, se souvient Leonhard Kerscher. Les clusters SQL peuvent désormais être configurés en trois clics seulement, même avec une haute disponibilité lorsque c'est nécessaire ».

Nettoyage progressif du datacenter

Durant l'été 2016, avec ses différents projets réussis à son actif, Kärcher s'est finalement lancé sur la voie du "cloud first". « Nous avons décidé de passer au crible chaque application nouvellement installée ou faisant l'objet d'une mise à jour majeure pour savoir si elle pouvait basculer sur une plateforme cloud », poursuit le DSI. En dehors d'AWS, l'entreprise évalue ainsi systématiquement Microsoft Azure et Google Cloud, mais aussi Alibaba, car l'un de ses plus grands sites de production est installé en Chine, un marché important pour le groupe. En l'absence d'option cloud crédible, Kärcher a cependant continué de s'appuyer sur ses ressources on-premise.

En 2019, cependant, l'hébergeur de l'industriel a fermé son datacenter. Kärcher s'est donc vu contraint de changer son fusil d'épaule. Toutes les applications autres que SAP ou encore les espaces disque utilisateurs, etc. ont dû être déplacés dans le cloud en sept mois. La décision a alors été prise de passer au « cloud only », avec une stratégie multi-fournisseurs qui intègre AWS, Microsoft Azure et GCP à parts égales.

PublicitéArgument massue : la réduction des coûts

Pour obtenir la bénédiction de son conseil d'administration pour un projet d'une telle envergure, Leonhard Kerscher a misé sur un argument de poids : « nous étions sûrs de pouvoir réduire les coûts ». La migration concernait en effet environ 200 serveurs et plus de 100 applications. Parmi elles, des systèmes critiques pour la production comme le MES (manufacturing execution system), utilisé dans plusieurs usines, ou la gestion des AGV (automated guided vehicles) du fabricant Jungheinrich.

Après un appel d'offres et la comparaison des coûts des différents fournisseurs, Kärcher a porté son choix sur AWS. Les systèmes de Kärcher déjà présents le cloud d'Amazon et les compétences déjà formées sur ce dernier ont joué en faveur de l'Américain. « Il me tenait personnellement à coeur de ne pas faire de migration VMware ou Virtual-to-virtual dans la mesure du possible, rappelle par ailleurs le DSI de Kärcher. Chaque système devait être nouveau, installé en cloud-natif sur un système d'exploitation récent ».

Cure d'amaigrissement

La nouvelle approche a eu des effets positifs dès la migration. L'équipe IT a ainsi découvert plus d'une vingtaine de systèmes à moitié terminés qui prenaient de la place, mais n'étaient pas utilisés. Ils ont été désactivés et n'ont pas migré. Le DSI voit encore deux autres avantages principaux au passage dans le cloud. Pour commencer, l'équipe de migration a optimisé l'exploitation des ressources. En dehors des environnements de développement et de test pour les besoins de l'IT, elle a interrogé les métiers sur le nombre d'applications qu'ils utilisent réellement. « Le logiciel d'inventaire est l'un de mes exemples préférés, raconte le DSI. Il n'est utilisé qu'entre Noël et jour de l'An, mais dans l'ancien environnement, il fonctionnait 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an ! Désormais, il n'est actif que sept jours par an ».

Ensuite, l'équipe IT a adapté avec Zoi les volumes standards de ressources nécessaires aux applications. « Les fournisseurs disent toujours "pour utiliser mon application, vous avez besoin de 8 coeurs et de quatre Go de RAM au minimum" et c'est exactement ce que nous avons installé pour nos systèmes on premise - parfois même en prévoyant plus large, pour disposer de ressources tampons ». Pourtant, continue le DSI, près de 80% des applications les moins gourmandes fonctionnent très bien en dessous de ces niveaux. « Même s'il y a un incident et que le fabricant nous répond qu'il est lié à une exigence minimale non respectée, nous pouvons immédiatement revenir au dimensionnement standard et vérifier qu'il ne s'agit pas de la source de la panne ». Ces deux facteurs ont aidé la DSI à tenir sa promesse de réduction des coûts faite à la direction générale. « Au total, nous les avons réduits de 20 à 30% en 2020 par rapport à la situation précédant la migration », annonce Leonhard Kerscher.

Les plus sceptiques convaincus

Le long voyage de Kärcher vers le cloud, depuis ses premièrs projets tests jusqu'à la stratégie cloud-only, a été jalonné de résistances typiques. Mais le DSI et son prestataire interne Koi s'accordent sur le fait que leur expertise, leur background très technique, et proche du matériel, se sont révélés clé. Ils savaient ce qu'il était réellement possible de faire dans le cloud et ont pu convaincre les autres employés ayant un profil tech. La DSI a pu montrer aux plus sceptiques, comme l'équipe cybersécurité, qu'il était possible d'en faire davantage avec la nouvelle plateforme que sur site. Les équipes IT ont, par exemple, introduit de nouvelles zones réseau, apportant un degré de protection plus élevé qu'au sein du datacenter. Par ailleurs, les interventions d'astreinte de nuit sur le site on-premise, parce qu'un contrôleur de stockage était tombé en panne ou autre, appartiennent désormais au passé, ce type de responsabilité incombant désormais au seul fournisseur de cloud.

Avec la progression de la cloudification, la pression des métiers a également augmenté. « Or nous nous sommes rendu compte que la standardisation permettait de mettre à disposition des serveurs cloud beaucoup plus rapidement qu'avec le provisionning de VM, se réjouit Leonhard Kerscher. Mais l'un des plus grands atouts de notre parcours, c'est que désormais tout le monde - du conseil d'administration jusqu'aux techniciens - sait que l'informatique de Kärcher est dans le cloud ».

Dans le cloud pour y rester

En 2020, Kärcher a commencé à déployer Google Workspace dans le monde entier pour remplacer son environnement Exchange historique. « En matière de changement organisationnel, c'est certainement le projet le plus courageux qui a été mené par l'IT, estime le DSI de l'entreprise. La démarche a concerné chaque poste de travail, chaque boîte mail et chaque agenda, de sorte qu'il a fallu beaucoup communiquer et former ».

Sur cette base, l'entreprise a ensuite lancé "AI for everyone" à l'été 2024. Depuis, elle a déjà mis Gemini de Google à disposition de 13 000 de ses 17 000 employés et les a formés à son utilisation. « Pour un projet IT, cela a été l'occasion d'une importante gestion du changement : cela a valu un discours du DG pour le coup d'envoi, des stands d'information et même des T-shirts et des flyers ».

Durant tout ce temps, le service informatique de Kärcher n'est pas resté inactif en matière de le backend. Il a migré le CRM vers Microsoft Dynamics 365 en SaaS sur Azure. Il est passé à S/4 Hana en version Rise for SAP (dans le cloud). « Nous procédons de manière agile et la flexibilité du cloud nous aide énormément, insiste Leonhard Kerscher, par exemple pour faire monter et descendre rapidement les environnements de test ».

Le SI d'une usine hébergé dans le cloud

Cette philosophie a même été appliquée à une nouvelle usine de nettoyeurs haute pression au Vietnam. Depuis février 2024, elle fonctionne sans aucun système informatique local. « Nous avons des commutateurs réseau et des onduleurs pour pallier les éventuelles pannes, mais tout le reste provient du cloud », explique le DSI. Cela a permis d'économiser des coûts de datacenter - y compris le refroidissement-, ainsi que les coûts du démarrage et ceux de l'exploitation, puisqu'aucune équipe informatique n'a besoin d'être sur place.

Au cours de ces longues années de transition vers le cloud, le DSI estime avoir appris plusieurs choses. « Pour commencer, une telle stratégie ne fonctionne que lorsque l'ancien processus est mort, affirme le DSI. Ce n'est que lorsque les relations avec les anciens fournisseurs ont toutes été coupées et que tous les employés de l'entreprise savent que le cloud constitue le choix privilégié et que le changement s'opère réellement ».

« Et il faut insister, poursuit Leonhard Kerscher. En 2018, par exemple, nous avons continué d'installer on-premise les applications de pilotage des AGV, car nous pensions, avec le constructeur des machines, qu'elles ne fonctionneraient pas dans le cloud ». En 2019, elles ont finalement été migrées dans le cloud comme si de rien n'était et elles ont fonctionné sans problème. Persévérer, exiger des solutions compatibles avec le cloud de la part des fournisseurs de logiciels et convaincre par les faits, telles sont selon le DSI, les recettes du succès d'une transition complète dans le cloud.

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