Jean-Philippe Caillat (3M) : « le déploiement de notre ERP a permis à l'IT de montrer sa valeur ajoutée »


Innover et garantir la performance : un duo à assurer
Les DSI ne peuvent se permettre de sacrifier l'un au profit de l'autre. D'un côté, il leur fait innover et permettre l'innovation métier. De l'autre, "il faut que ça marche" : la performance est une obligation, même un pré-requis. Pour cela, comme en témoignent les DSI de grands comptes interrogés...
DécouvrirL'activité IT de la société 3M est moins connue que ses produits grand public comme Scotch ou Post-it. Et pourtant, elle est en pleine mutation autour du déploiement d'un ERP global basé sur SAP. La firme s'intéresse aussi à l'industrie du futur et à la transformation digitale. Jean-Philippe Caillat, IT Manager EMEA de 3M, nous en dit plus sur cette transformation.
PublicitéCIO : Quelles sont les stratégies IT de 3M ?
Jean-Philippe Caillat : Pour notre organisation IT, la première des priorités est de s'assurer que les systèmes soient opérationnels chaque jour, avec un pilotage du service efficient. Ensuite, une attention croissante est portée sur les aspects sécurité informatique et gestion du risque. Enfin, les deux grands sujets que sont la gestion de nos infrastructures, réseaux en particulier et le pilotage des projets liés aux stratégies de l'entreprise.
La stratégie de notre entreprise s'appuie sur 3 leviers majeurs : le portfolio management, l'innovation et la Business Transformation. Cette dernière est rendue possible grâce à la mise en oeuvre d'une initiative majeure portée par les métiers et soutenue par la mise en place d'un ERP centrée sur SAP. Connu sous le nom 3M ERP, le coeur est basé sur SAP et nous y associons des modules comme Workday ou Salesforce dans le cloud ou des modules très spécialisés pour le pricing comme Vendavo ou Vistex par exemple.
CIO : Ce 3M ERP est-il finalisé ?
Jean-Philippe Caillat : Nous sommes en plein déploiement. 90% des ventes ont basculées en Europe, puis viendra le tour du Moyen-Orient, Afrique et quelques pays de l'Est. Lors de la prochaine release, nous devrions être à 96% sur la zone Europe. Aux Etats-Unis, l'ensemble du business a basculé cet été et un autre plan de déploiement sur plusieurs années est prévu pour les usines. En Europe, nous avons réalisé des pilotes avant de commencer le déploiement à partir d'août 2015, la France par exemple a basculé à l'été 2016. Les prochaines étapes concernent l'Asie. Nous sommes dans une seule instance, process communs et globaux, avec la création d'une gouvernance centralisée s'appuyant sur des global process owners, des area process owners avec une validation et une priorisation globales. On met en place un véritable backbone structurant pour nous concentrer sur les métiers.
CIO : Comment est organisée la DSI de 3M avec la mise en place de cet ERP ?
Jean-Philippe Caillat : En Europe, depuis les années 90, nous nous sommes « européanisés » en commençant par le déploiement d'applications centrales notamment d'order management sur du mainframe, puis la Finance. Peu à peu, nous avons éliminé les applications locales. Le plus problématique est venu du manufacturing avec une stratégie historique de best of breed très chronophage et coûteuse. Nous avons développé il y a 5 ans une stratégie mondiale d'un ERP central commun pour ne plus rencontrer ce genre de problème. Aujourd'hui, la DSI se transforme au sein de la zone EMEA que je gère. Nous ne développons pratiquement plus et nous nous orientons vers l'assistance en maîtrise d'ouvrage avec un pilotage de sociétés de conseil et de service.
Nous avons deux gros moteurs de déploiement. L'infrastructure qui est très globalisée depuis longtemps.
PublicitéDe 2007 à 2017, je suis passé de « Je décide de mon infrastructure network en France » à « j'implémente une architecture décidée par quelqu'un d'autre » puis « je soutiens le déploiement d'équipes globales qui déploient des solutions dans mon pays ». Avec ce système, nous avons réalisé des économies d'échelle importantes. Il y a 5 ans j'avais 134 serveurs et aujourd'hui 2 centralisés sur des datacenters aux Etats-Unis et en Angleterre.
CIO : En matière de compétences et de talents, comment avez-vous géré cet aspect ?
Pour accompagner ces évolutions, nous avons mis en oeuvre différentes initiatives dans le cadre de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, pour gérer les talents, assurer le développement de nouvelles compétences et la création de nouvelles fonctions au niveau européen. En France, par exemple, nous avons créé une équipe de 5 ingénieurs réseaux disposant d'une expertise sur la VoIP pour travailler sur des projets comme la sécurisation physique de nos réseaux, d'abord au niveau européen puis au niveau global. D'autres collaborateurs IT ont évolué vers d'autres métiers et ont rejoint d'autres organisations de l'entreprise. Il y a certaines compétences dans les pays qui ne sont plus utiles comme sur les serveurs et le stockage, centralisées maintenant au niveau des datacenters. Les zones de compétences importantes au niveau local sont les réseaux, la mobilité et la VoIP.
CIO : Et le second moteur ?
Jean-Philippe Caillat : Il s'agit des applications. Au niveau des pays, les équipes fonctionnent comme assistant à la maîtrise d'ouvrage. La gestion des évolutions dans SAP et le pilotage du legacy dans la plupart des cas sont dédiés aux équipes européennes. Concernant les systèmes historiques, il faut distinguer ceux qui vont être remplacés par SAP et d'autres qui sont non SAP, non 3M ERP, mais qui sont stratégiques. Par exemple, nous avons un centre de distribution à Saint-Ouen l'Aumône avec une solution LM d'A-Sis et un autre centre en Allemagne disposant d'un système créé en interne par 3M Allemagne. Il n'est pas prévu de porter ces deux systèmes sur SAP dans un horizon proche. Nous créons autour de du 3M ERP des modules pour gérer le legacy stratégique au niveau européen.
CIO : Comme dans les infrastructures, est-ce que le domaine des applications demande une réorganisation ?
Jean-Philippe Caillat : L'organisation de nos équipes applications va évoluer pour ne former qu'une seule et même équipe ayant pour mission de gérer le legacy et SAP, et ce pour répondre plus efficacement aux problématiques business. Tout ce qui concerne SAP est géré au niveau global. Comme nous sommes une seule instance SAP, il faut prioritiser et regrouper les demandes. Quand notre ERP sera totalement déployé au niveau global, nous disposerons alors d'une plateforme performante pour accélérer le déploiement de nos innovations technologiques.
CIO : Est-ce que votre métier change et est-ce que vous vous rapprochez des métiers ?
Jean-Philippe Caillat : Au niveau du siège, on se pose la question de savoir s'il y a un intérêt à garder de l'IT au niveau local. La réponse est oui, il y a plein d'opportunités vis-à-vis des clients : la proximité, filtrer les problèmes, comprendre comme utiliser le système, définir leur business case. Les métiers sont en général très bons sur les process, mais sur les questions liées à la data, au système, ils doivent s'adresser à l'IT. Le déploiement de notre ERP a permis à l'IT de montrer sa valeur ajoutée dans l'entreprise au plus grand nombre.
CIO : Où en êtes-vous dans votre démarche cloud ?
Jean-Philippe Caillat : Actuellement, nous ne sommes pas « All cloud », mais nous souhaitons exploiter ces technologies pour transférer des applications, notamment pour des besoins d'optimisation de capacité. Nous travaillons avec Amazon et Microsoft. Certaines de nos business units, comme dans le domaine de la santé, réalisent du software et ont besoin du cloud. Par ailleurs, nous avons des solutions cloud comme Workday ou Salesforce.com.
CIO : Comment faire pour assurer la résilience ?
Jean-Philippe Caillat : Il y a des projets sur la partie infrastructure. Il faut renforcer la capacité de réponse opérationnelle, notamment sur la base de données. Des investissements supplémentaires vont nous permettre de renforcer la continuité opérationnelle. Bien évidemment, les enjeux de sécurité informatique sont plus que jamais au coeur de nos stratégies et de nos développements.
CIO : Avez-vous été impactés par le RGPD ?
Jean-Philippe Caillat : Oui, nous avons été impactés. Nous avons classifié nos applications en différentes classe (de 1 à 4) et sécurisé les classes 1 et 2. D'ailleurs, cette réglementation européenne est répliquée dans d'autres régions du monde, comme par exemple au Brésil. Dans ce contexte, nous nous devons donc de nous adapter en permanence pour répondre aux exigences de l'application de la directive.
CIO : Quelle est votre position sur l'innovation ?
Jean-Philippe Caillat : Nous travaillons beaucoup sur l'industrie 4.0. Nous avons des programmes mondiaux avec des usines pilotes en Europe (Allemagne et Pologne). La majorité des initiatives incluent la robotique et l'automatisation, car cela s'adresse aux industriels et aux ingénieurs process qui connaissent ces sujets. On doit redéfinir les frontières historiques du travail avec les usines. Nous allons travailler maintenant au niveau du SCADA et de la récupération des données machines, notamment pour tout ce qui est de l'analytique en temps réel. C'est un véritable challenge, car c'est un nouveau territoire à défricher. Pour ce faire, nous allons déployer la méthode agile en constituant des équipes pluridisciplinaires. L'objectif est de donner corps à des tendances actuelles comme la maintenance prédictive, l'analytique en temps réel, pour améliorer la productivité.
CIO : Y a-t-il une passerelle entre ERP et industrie du futur ?
Jean-Philippe Caillat : Il y a une voie royale entre SCADA, MES (Manufacturing Execution System) et ERP. Nous mettons actuellement en place des process assistés pour les opérateurs. Cela permet d'améliorer les contrôles de qualité, répondant à des problèmes de formation, d'erreurs humaines, etc.
Un autre axe de travail est lié à la data avec des datalakes et notamment des « edge repository ». Il s'agit d'un endroit pour stocker de la donnée temporaire afin de la qualifier et ensuite la conserver. Par exemple sur des données de températures, les erreurs ou alertes sont intéressantes à garder. Nous concentrons également nos efforts sur l'analytique. Historiquement nous sommes forts dans la Business Intelligence et le datawarehouse. Mais l'arrivée de SAP a un peu bouleversé cette expertise. Il faut remettre les fondamentaux en place et regarder les éléments prédictifs. Sur ce dernier point, il est impératif d'avoir beaucoup de données pour obtenir des résultats probants.
Article rédigé par

Jacques Cheminat, Rédacteur en chef LMI
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