Juridique

Jean-Marc Torrollion (Président de la FNAIM) : « La crise sanitaire pourrait rebattre les cartes de la répartition de valeur dans l'immobilier »

Jean-Marc Torrollion (Président de la FNAIM) : « La crise sanitaire pourrait rebattre les cartes de la répartition de valeur dans l'immobilier »
Jean-Marc Torrollion, Président de la FNAIM, se plaint que seules 40 % des études notariales sont effectivement équipées pour une dématérialisation complète.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°181 !
Ce que le Covid-19 a appris aux DSI

Ce que le Covid-19 a appris aux DSI

Pendant la crise sanitaire, le business continue. Indubitablement, la crise sanitaire du Covid-19 aura eu et va continuer d'avoir un impact, probablement durant plusieurs années, sur l'économie. Plutôt que de se replier sur soi, c'est le moment de remettre à plat les processus. C'est le moment...

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Pour la FNAIM, la crise sanitaire du Covid-19 a révélé les archaïsmes du marché de l'immobilier où la dématérialisation est très en retard alors que les agents immobiliers et les promoteurs sont prêts. Elle pourrait donc amorcer une réflexion sur une refonte importante des procédures qui pourrait commencer par la pérennisation des dispositions provisoires.

PublicitéFondée le 11 février 1946, la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier) est une union de syndicats professionnels français du domaine de l'immobilier. Son président, Jean-Marc Torrollion, comme d'autres acteurs de l'immobilier, s'est alarmé des conséquences du confinement associé à la crise sanitaire du Covid-19. En effet, si on ne peut évidemment plus réaliser de visites de biens, un grand nombre de ventes déjà négociées se sont retrouvées bloquées avec la fermeture des études notariales où la vente définitive doit être conclue par acte authentique. Le sujet a été particulièrement sensible pour le cas particulier des VEFA (Ventes en Etat Futur d'Achèvement ou « ventes sur plans »), portant un préjudice certain aux promoteurs. A l'instigation des acteurs de l'immobilier, le gouvernement a mis en oeuvre une expérimentation de l'acte notarié par vidéo-conférence. Le sentiment de la FNAIM est sensiblement différent de celui exprimé par le Conseil Supérieur du Notariat.

« Du jour au lendemain, nous n'avons plus eu de nouvelles du Conseil Supérieur du Notariat » se plaint Jean-Marc Torrollion, Président de la FNAIM. Certes, il reconnaît que les actes authentiques concluant les ventes sont largement dématérialisés avec signature électronique depuis des années. Mais, jusqu'à présent, cela supposait la présence physique des parties dans l'étude. Jean-Marc Torrollion relève : « le fond du problème est bien d'un côté la vérification de l'identité des personnes et, de l'autre, la certification de la liberté du consentement des acquéreurs. » Comme Me Marie-Hélène Pero, porte-parole du Conseil supérieur du notariat et notaire à Chevreuse, l'a rappelé, le notaire intervient en bout de chaîne, quand la vente est quasiment conclue et que tous les éléments ont été rassemblés en amont.

Du Système D à l'expérimentation verrouillée juridiquement

« Trois acteurs (banque, agence et notaire) sont concernés dans le processus final de l'acte notarié. Dans le contexte actuel, rares sont les signatures qui ont pu être finalisées même quand les études sont équipées [en vidéoconférence]. En effet, de nombreuses contraintes persistent en attendant le déconfinement ; les conditions financières (obtention et déblocage de prêts), des contraintes administratives (dossiers incomplets et difficulté de récupérer les documents nécessaires), l'impossibilité de déménager, et le chômage partiel » observe pour la part la porte-parole du réseau Foncia.

PublicitéEn attendant le décret instituant une procédure provisoire par vidéoconférence, certaines études ont eu recours au Système D. « Avant le 3 avril, certaines études s'étaient mises à des applications diverses, y compris WhatsApp, pour réaliser des procurations sous seing privé en vérifiant que la personne en vidéo était celle dont le notaire avait la carte d'identité en main » mentionne Jean-Marc Torrollion. Une telle procuration est suffisante pour qu'un mandataire (concrètement, un clerc de notaire dans la plupart des cas) puisse parfaire la vente dans l'étude au nom du client. Et, de fait, cette procédure a permis de débloquer des ventes dans l'immobilier ancien. La procuration sous seing privé n'a rien d'exceptionnel en matière immobilière.

Trop d'études non-équipées

Or les VEFA ne peuvent bénéficier de tels arrangements : la procuration sous seing privé y est interdite par la Loi. Le décret du 3 Avril 2020 a donc permis le déblocage de certains dossiers urgents. Mais pas partout. En effet, il est nécessaire que l'étude soit équipé du fameux dispositif de vidéoconférence agréé par le CSN. Jean-Marc Torrollion dénonce : « seulement 40 % des études sont actuellement équipées. Certes, le CSN a appelé celles-là à partager avec leurs confrères l'équipement. Mais, au final, 20 % des études n'ont pas rouvert et 40 % ont fonctionné en mode dégradé avec le matériel des études équipées. »

Pour Jean-Marc Torrollion, « la crise a pris à revers la profession de notaire. » Le Covid-19 révèle finalement le retard pris par un trop grand nombre d'études notariales alors même que tous les outils et les dispositions réglementaires ou professionnelles sont prises. Bien entendu, le président de la FNAIM invite le gouvernement à pérenniser les dispositions provisoires. Me Marie-Hélène Pero ne fermait certes pas la porte à cette possibilité mais en considérant nécessaire de d'abord tirer les leçons de l'expérimentation.

Une crise en attendant une révolution ?

Derrière les retards pris en matière de dématérialisation intégrale de la vente immobilière, il y a beaucoup de questions qui se retrouvent soulevées. Me Marie-Hélène Pero pointait celle de la signature électronique qualifiée dont les notaires aimeraient disposer eux-mêmes en tant qu'officiers publics. « La crainte des notaires est sans aucun doute que, demain, n'ayant plus à voir leurs clients, la valeur ajoutée de l'acte authentique soit revue à la baisse » juge Jean-Marc Torrollion. Rappelons que, dans les pays anglo-saxons, le concept même d'acte authentique n'existe pas et les ventes immobilières sont des affaires d'agents et d'avocats.

Pour Jean-Marc Torrollion, « l'essentiel de valeur est en amont de l'acte authentique, avec la négociation aboutissant à la promesse de vente. Or la profession d'agent immobilier a su largement dématérialiser tous ces process amonts. Et la question doit être posée de la bascule de la valeur ajoutée. La crise sanitaire pourrait rebattre les cartes de la répartition de valeur dans l'immobilier ». En tous cas, ce qui est certain, c'est que tous les acteurs tentent de tirer à eux la couverture, en comptant sur la déstabilisation des autres. Il reste à savoir qui va remporter le plus gros morceau.

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