Interviews

Jean-Claude Laroche, DSI d'Enedis : « Nous avons une ambition, avoir la totalité de la DSI en mode agile ».

Jean-Claude Laroche, DSI d'Enedis : « Nous avons une ambition, avoir la totalité de la DSI en mode agile ».
Le DSI d'Enedis, Jean-Claude Laroche réorganise sa direction pour être en avance sur les démarches agiles (photo Bruno Lévy).
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°156 !
Transformer la DSI pour innover en business

Transformer la DSI pour innover en business

Le métier veut du neuf. La direction générale veut de l'innovation. Mais le quotidien doit toujours être assuré. Le DSI doit donc à la fois servir l'innovation globale de son entreprise, en être un moteur, mais aussi savoir transformer l'organisation de son propre service. Démonstration au travers...

Découvrir

La DSI d'Enedis que dirige Jean-Claude Laroche change, parce que l'entreprise, l'ex-ERDF, se transforme  pour devenir un acteur des systèmes énergétiques décentralisés, proches des clients. Dans ce contexte, la DSI fait de l'agilité son maître-mot.

PublicitéCIO : Comment la DSI d'Enedis répond-elle  aux demandes des métiers ?

Jean-Claude Laroche : « D'abord, répondre aux demandes des métiers c'est sa vocation ! Mais cette action est en pleine transformation, on le vérifie à l'échelle de nos quatre comités de gouvernance du SI : le comité des SI techniques, celui des SI de la relation avec les clients et les territoires, celui des SI support de la transformation numérique et celui des SI des fonctions transverses, comme les ressources humaines ou les finances. Nous sommes en pleine transformation parce que notre périmètre a évolué. Notre budget a fortement augmenté entre 2011 et 2016 pour accompagner notre mutation et il s'est stabilisé depuis. D'acteur du réseau, nous sommes devenus un acteur des systèmes énergétiques décentralisés. Les besoins en SI permettant de gérer toutes les dimensions de la transition énergétique ne cessent d'augmenter, ce qui n'est plus le cas des ressources que le distributeur peut allouer au SI. Ce contexte nécessite de faire évoluer la relation que la DSI entretient avec les métiers, pour mieux prioriser les besoins, tout en répondant plus vite et de manière plus ajustée aux attentes.
La DSI d'Enedis se réorganise donc pour être en avance sur les démarches agiles. Par exemple, le SI Linky est conçu en mode agile, ce qui n'est pas encore le cas pour tous les SI d'Enedis. Pour autant, nous essayons désormais d'éviter les développements, avec des cycles en V. Nous avons une ambition, passer à l'échelle pour l'agilité de la DSI et l'organiser en conséquence en interne et dans sa relation avec les métiers. Nous décentralisons les priorisations des besoins au niveau des équipes agiles, de la gestion des « backlogs », et nous impliquons  les acteurs de terrain dans les équipes de développement. Naturellement, cela suppose d'éclairer le sens dans lequel doivent s'effectuer les priorisations, la vision de moyen et long termes des évolutions des métiers et de leur SI, ce qui devient le rôle premier des comités de gouvernance.





CIO : Que signifie une DSI totalement en mode agile ?

Jean-Claude Laroche : C'est une DSI dans laquelle l'organisation des équipes de développement se structure par grande chaîne de valeur pour l'entreprise. Vous travaillez avec un budget donné, dans  vos usines agiles structurées par chaînes de valeur et dimensionnées par le budget, chaque usine développant quelques grands SI. Une usine agile est composée de plusieurs équipes agiles qui peuvent se secourir mutuellement en fonction des urgences du moment.
Cette agilité, nous ne la concevons pas seulement en termes de développement  mais aussi de modulation de nos efforts sur chaque SI en fonction des besoins et de la stratégie du moment. Tout cela suppose un travail amont d'urbanisation et d'architecture du système d'information. Enfin, grâce à la démarche devops, nous faisons entrer l'agilité jusqu'à la mise en production. Sur certains SI emblématiques de la démarche, nous sommes en capacité de développer des évolutions et de les mettre en production à la volée. C'est dans ce mode ultra agile que fonctionne la plateforme de monitoring et de pilotage de notre parc applicatif appelé idatha.

PublicitéCIO : Vous avez été nommé il y a un an à ce poste, avec quelle mission ?

Jean-Claude Laroche : Le sujet principal pour la DSI d'Enedis est de «  faire du design to cost » dans le cadre d'un budget stabilisé, tout en répondant aux enjeux stratégiques du distributeur, enjeux liés notamment au développement économique et à la transition énergétique des territoires.
C'est un défi dans la mesure où simultanément notre SI est confronté à un effet volume important dû à Linky. Huit millions de compteurs étaient déjà installés fin 2017, nous arriverons à 35 fin 2021. Derrière ce déploiement, nous traitons des flux d'information en croissance massive et, forcément, plus vous déployez de compteurs, plus vous augmentez le nombre de serveurs et de vos équipements.
Sur le plan fonctionnel, nous mettons en service une nouvelle version de notre back office et de nos chaînes facturières pour nous adapter à Linky. Nous prévoyons le développement des services qui seront rendus possibles par ce compteur, par exemple l'autoconsommation collective. Pour prendre cet exemple précis, dans un immeuble où sera installée une source d'énergie alternative, il sera possible de reconstituer les flux entre le détenteur de cette source d'énergie et les habitants de l'immeuble, sur la base des données fournies par Linky. Nous développons donc et mettons en place toutes les fonctionnalités autour de ces nouveaux services : autoconsommation collective justement, mais nous prévoyons également les modes de fonctionnement des bornes de recharge de voitures électriques par exemple. Vu de la DSI, et dans cette phase de transition, nous avons deux systèmes d'information en parallèle, l'un pour les anciens compteurs, l'autre pour Linky. Nous créons donc les conditions pour décommissionner au plus vite le plus ancien et récupérer ses données dans le nouveau SI.





CIO : Etes-vous absent du métier de transport de l'électricité donc du réseau ?

Jean-Claude Laroche : RTE assure le transport au-dessus de 63 000 volts, en dessous de ce niveau de tension nous assurons la gestion du réseau de distribution en apportant l'électricité directement chez les clients. Pour les clients particuliers, avec Linky nous n'aurons quasiment plus d'interventions sur les compteurs, tout se fera à distance ou presque, que ce soit pour les relevés, la mise en service, les changements de niveau de puissance. Tout cela entraîne une évolution des métiers en interne à Enedis : en particulier nous créons des équipes polyvalentes d'intervention sur le réseau ou chez le client, étant donné que les équipes spécialisées exclusivement sur les interventions clients verront leur charge de travail diminuer fortement. Nous réorganisons et optimisons les tournées d'intervention de ces équipes, avec de nouveaux outils de planification terrain.

CIO : Quels sont vos choix en matière de cloud computing ?

Jean-Claude Laroche : Nous restructurons notre infrastructure informatique en trois niveaux de service. D'abord, celui du cloud public, pour proposer très rapidement une offre de machines et de services filtrée par un courtier, pour des Si ne présentant pas de sensibilité particulière. Ensuite, une offre interne « standard », et enfin une offre interne d'infrastructure de haut niveau de sécurité. Nous restons prudents sur l'utilisation du cloud public : récemment, les failles Meltdown et Spectre ont bien montré que les cyber attaques peuvent descendre très bas dans le hard et que le cloud public peut être plus vulnérable qu'un SI interne.


 


CIO : L'un des grands sujets d'actualité porte sur la conformité GDPR, où en êtes-vous à la DSI d'Enedis ?

Jean-Claude Laroche : Nous avons sur ce sujet une structure de gouvernance au sein d'Enedis, un comité de direction ad hoc avec des représentants des directions du numérique, du juridique et de la DSI. Un pilote est désigné pour ce projet, notre CIL et futur DPO. Lui est là pour piloter tous les aspects de la conformité règlementaire et sensibiliser les acteurs de terrain. Pour la partie purement SI, c'est un très gros chantier, la DSI s'est dotée d'un responsable GDPR qui est le RSSI et qui pilote notre groupe de travail en lien étroit avec le futur DPO.
Je voudrais prendre un peu de recul sur ce sujet. Le GDPR ne peut s'envisager de manière isolée, car de nombreux textes entrent en vigueur sur la circulation des données et leur sécurité et nécessitent des traitements différents. Par exemple, il existe un projet de règlement européen sur la libre circulation des données autres que personnelles. Nous devons donc adopter une vision plus large du paysage des données et faire co-exister données et méta données permettant leur contrôle, le tout dans le cadre d'une gouvernance générale de la donnée. A mon avis, de plus en plus les données seront associées à un « passeport », précisant leur origine, leur propriétaire, leur nature, qui peut y avoir accès, leur durée de validité, etc.. . C'est pourquoi Il faut mettre en place une gouvernance de la donnée, qui dépend à Enedis du patron du numérique et chacun doit y être sensibilisé à l'intérieur de l'entreprise. La DSI est dans ce cadre la mieux placée pour offrir les systèmes qui permettent de gérer les données conformément à leur niveau de sensibilité.

CIO : Une question plus personnelle, quels mots vous définissent le mieux ?

Jean-Claude Laroche : L'important à mes yeux en tant que DSI, c'est de proposer une vision sur ce que deviendront dans quelques années les SI et leur modalités de développement et de maintien en condition opérationnelle, dans un cadre où ils sont de plus en plus liés au coeur de métier du distributeur. J'essaie de me placer dans l'anticipation et la conduite du changement. Dans cette vision, les modalités de mise en oeuvre des changements que je propose sont résolument dans la décentralisation et le collaboratif. Il est également important de co-construire la vision avec les équipes dans l'IT, les équipes gèrent de nombreux projets avec des échéances de très court terme, une raison de plus de travailler notre vision et notre anticipation et d'essayer de traduire ces idée en réalité ».

Partager cet article

Commentaire

Avatar
Envoyer
Ecrire un commentaire...

INFORMATION

Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.

Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire

    Publicité

    Abonnez-vous à la newsletter CIO

    Recevez notre newsletter tous les lundis et jeudis