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Jean-Charles Verdier (Groupe Rocher) : « Nous choisissons des fournisseurs inspirants capables de nous faire embrasser les évolutions »

Jean-Charles Verdier (Groupe Rocher) : « Nous choisissons des fournisseurs inspirants capables de nous faire embrasser les évolutions »
Jean-Charles Verdier, DSI du Groupe Rocher, veut industrialiser la digitalisation.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°169 !
Quand le numérique transforme l'entreprise pour de bon

Quand le numérique transforme l'entreprise pour de bon

La transformation numérique est un terme tout à fait galvaudé. "Galvauder" a un sens précis : déprécier, gâcher, gaspiller un talent ou une action pour des fins médiocres. Car, aujourd'hui, tout le monde prétend mener une transformation numérique. Il en résulte une défiance, ou un haussement...

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DSI du Groupe Rocher (Yves Rocher, Petit Bateau, Stanhome...), Jean-Charles Verdier estime que son rôle est avant tout de transformer l'entreprise grâce aux technologies. L'heure n'est plus seulement aux POC ou aux expérimentations mais bien au passage à l'échelle.

PublicitéCIO : Comment est organisé le Groupe Rocher ?

Jean-Charles Verdier : Nous avons une dizaine de marques de cosmétiques, dont les trois marques historiques Yves Rocher, Dr Pierre Ricaud et Daniel Jouvance, une marque de mode (Petit Bateau) et enfin les produits pour la maison Stanhome. Chaque marque dispose de son entité propre. La plupart sont des entreprises intégrées récoltant-fabriquant-distributeur. Si Stanhome est en vente directe, les autres marques sont disponibles sur de multiples canaux mais toujours en propre : VPC, e-commerce, magasins...
Selon les marques et les pays, les magasins sont soit des franchisés soit des établissements en propre. En France, les deux tiers des magasins Yves Rocher sont en franchise, dans d'autres pays ils peuvent être essentiellement en propre. Cette logique de contrôle direct de la distribution fait partie de la philosophie du groupe depuis l'origine. Issu d'un rachat, Petit Bateau a, en plus de ses propres magasins, une présence en vente indirecte. En tout, le Groupe est présent dans près de 117 pays sur les marchés de la cosmétique, du textile et habillement, de l'embellissement de la maison et du bien-être.

CIO : Et comment est organisé le SI de ces différentes entités ? Y-a-t-il des mutualisations ?

Jean-Charles Verdier : Chaque marque a son propre SI métier, les trois marques historiques Yves Rocher, Dr Pierre Ricaud et Daniel Jouvence étant regroupées du point de vue IT. Les autres disposaient bien sûr d'un SI propre lors de leur rachat par le groupe et l'ont gardé.
Le SI groupe comporte les fonctions support transverses : Finances, Achats, Ressources Humaines, Logistique... Il repose sur un SAP ECC 6 managé. Nous ne disposons quasiment plus de salles machines internes. Nous avons externalisé depuis longtemps nos infrastructures dans des datacenters managés mais elles ne sont pas mutualisées entre marques (en dehors des trois marques historiques). Nous avons lancé un programme de migration vers le Cloud appelé « Ops 2020 » afin de pouvoir utiliser les vertus du Cloud public pour une partie de nos applications. En tant que DSI groupe, je gère donc des outils IT des usines jusqu'au e-commerce en passant par SAP et les systèmes de caisses.



CIO : Comment envisagez-vous cette migration vers le cloud ?

Jean-Charles Verdier : Nous avons une stratégie « SaaS First ». Autrement dit, si un SaaS répondant à nos besoins est disponible pour une fonction, nous le choisissons. En deuxième choix, nous optons pour un hébergement dans le cloud public, pour lequel nous avons choisi Google Cloud Platform. Enfin, nous recourons au cloud privé dans des infrastructures managées pour certaines applications. De ce fait, notre SI sera à moyen terme hybride entre cloud privé et cloud public.
La priorisation des projets nous amène à privilégier telle ou telle évolution. Par exemple, même si à terme notre dernier datacenter disparaîtra, nous avons préféré refaire le site e-commerce de la marque concernée, ce qui était plus important.

PublicitéCIO : Pourquoi avez-vous adopté le SaaS de Salesforce ?

Jean-Charles Verdier : Nous avions mis en place Adobe Campaign pour le seul marketing. Nous adoptons aujourd'hui Salesforce. Nous avons commencé le déploiement de Marketing Cloud, choisi il y a un an.
Mais chaque technologie est potentiellement remplacée par une autre tous les dix-huit mois. Nous avons donc besoin de nous lier avec des acteurs capables de suivre ces révolutions perpétuelles. Nous avons choisi Salesforce parce qu'il est un leader technologique et fonctionnel, ce qui nous garantit de pouvoir bénéficier au fur et à mesure des évolutions à venir sur la relation client.
Il y a 50 ans, Yves Rocher souhaitait déjà leur anniversaire à ses clientes, parfois une fois au nom du magasin et une fois au nom de la vente par correspondance. La relation client est dans notre ADN et le coeur de notre business model. Aujourd'hui, nous avons besoin de plateformes pour aller plus loin dans une relation personnalisée et en omnicanal, liant e-commerce, magasins, CRM... Si, demain, par exemple, la montre connectée s'impose comme un canal de contact, nous devons pouvoir suivre.
Au-delà de bons produits, nous choisissons des fournisseurs inspirants capables de nous faire embrasser les évolutions à venir : Adobe ou Salesforce pour la relation client, Google et AWS pour la data, SAP, etc.



CIO : Avec une démarche de personnalisation comme celle-là, comment s'est passée votre mise en conformité RGPD ?

Jean-Charles Verdier : Depuis toujours, nous sommes très attachés à la relation que nous avons avec nos clientes. Nous collectons donc beaucoup de données personnelles et le RGPD a été un sujet pris très au sérieux. Nous avons un département « Intelligence Cliente » dont l'objet est le traitement de la data client, qui est pour nous un sujet coeur de business.
Tout d'abord, nous avons nommé un DPO. Puis nous avons développé une stratégie, formé et sensibilisé nos collaborateurs avant d'entamer une démarche de vérification de nos sous-traitants. Pour terminer, nous avons mis en place des évolutions pour tenir compte du Privacy by Design et du droit à l'oubli. Le traitement avec respect de la data cliente à toujours été clé dans notre culture.

CIO : Quel est le rôle de l'IT dans le service cliente ?

Jean-Charles Verdier : Tout d'abord, nous mettons en place des projets technologiques pour garder notre avance marketing : personnalisation, temps réel face à l'impatience des clients... Par exemples, il peut s'agir des logiciels de caisses, des outils de services clients, des programmes de fidélité... Bien évidemment, nous avons la responsabilité du bon fonctionnement des applications qui sont évidemment de plus en plus critiques.
Nous devons aussi apporter une vision technologique pour garantir la pérennité du SI. L'IT n'est pas pour nous une simple fonction support mais le moteur du développement de l'entreprise. Le SI a parfois été construit au fil de projets ponctuels. Il faut aujourd'hui le transformer, en garantir l'évolutivité et en faire le moteur de la transformation du business. Bien entendu, la DSI doit aussi répondre aux défis technologiques.
Un autre rôle est aussi de faire changer la culture de l'entreprise vis-à-vis des technologies de manière générale. D'entreprise de cosmétiques, nous devenons entreprise technologique de cosmétiques. Cela implique de changer la relation entre la DSI et les métiers mais aussi l'image de la DSI, qui doit être vue comme une direction des technologies. Enfin, il nous faut surtout changer le comportement des collaborateurs.

CIO : Est-ce que vous devez devenir une direction de la transformation ?

Jean-Charles Verdier : La DSI a un rôle de transformation, d'évangélisation sur les technologies, d'influenceur des usages. Mener des POC digitaux, ou même des projets digitaux, c'est terminé. Le digital est partout, il faut désormais le passer à l'échelle, bousculer le business model, diffuser une culture pour bouger les lignes.
La technologie a tellement progressé qu'il n'y a plus de problème de faisabilité. Tout est possible. La transformation digitale, c'est celle des métiers. Et c'est au DSI d'expliquer cela. La question est de faire traiter la technologie par la direction générale et de faire arbitrer les sujets technologiques par tous les métiers de l'entreprise. Chez nous, le concept de dette technique est bien compris.
Travailler avec une start-up, c'est tester un comportement, un usage, bref faire un POC. Ce n'est plus la question. La question, c'est le passage à l'échelle, pas d'adopter une petite start-up mais d'industrialiser le digital.



CIO : Quel seront vos prochains défis ?

Jean-Charles Verdier : J'en vois trois.
Tout d'abord, nous avons beaucoup travaillé sur la transformation digitale de la relation cliente et l'omnicanalité. Il faut maintenant s'occuper de la transformation digitale des autres métiers, amener à la digitalisation des tâches des autres collaborateurs via, par exemple, le RPA ou l'analytique. Pour certains, la révolution sera le cloud ou la mobilité. Pour un contrôleur de gestion, ce sera peut-être le RPA. La question de la digitalisation, c'est « qu'est-ce qui permettra d'améliorer notre travail, notre façon d'opérer ? ».
Le deuxième défi, c'est l'harmonisation des SI. Nous devons aussi passer à plus de standards. Harmonisation et standardisation permettent d'aller plus vite.
Enfin, peut-être surtout, il y a la diffusion de la culture de l'agilité et du digital. Nous avons déployé SCRUM et nous sommes en train de déployer SAFE. Mais, s'il est facile d'être agile à trois dans un bureau, la difficulté réside dans le passage à l'échelle. Le changement d'ailleurs est beaucoup plus important pour les métiers que pour la DSI. Nous nous devons d'agir en facilitateurs.

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