Jean-Charles Hardouin (Arkema) : « cloud ou pas cloud, c'est un combat d'arrière-garde »


Maîtriser les coûts et optimiser les niveaux de services à l'heure du cloud
Alors que de plus en plus de grandes entreprises basculent vers le cloud public, en tout ou partie, arrive un nouveau profil de collaborateur dans la DSI : le FinOps. Celui-ci a pour rôle unique d'optimiser l'architecture et l'emploi des ressources afin de fournir le meilleur compromis entre les...
DécouvrirJean-Charles Hardouin, CIO d'Arkema, est à la tête d'une DSI centralisée et globalisée. Pour un industriel de la chimie tel qu'Arkema la transformation digitale porte à la fois à la fois sur l'amélioration de l'efficacité opérationnelle, de l'expérience client ainsi que de l'expérience des salariés du Groupe. Enfin, le « sens de l'histoire » guide évidemment les chantiers du groupe.
PublicitéCIO : Comment est structurée la DSI d'Arkema ?
Jean-Charles Hardouin : Nous ne disposons pas de DSI par Business Unit mais d'une DSI majoritairement centralisée et globalisée. Cela dit, le niveau de globalisation est variable.
Par exemple, l'infrastructure, y compris le poste de travail, est globalisée à 100 % au niveau groupe. Par contre, au niveau des applications, nous avons un historique plus hétérogène mais nous globalisons au maximum au fur et à mesure des projets.
La DSI comporte 350 personnes sur différents sites tels que Lyon, Colombes, Philadelphie, Singapour et Shanghai. Le directeur IT pour l'Asie, basé initialement, à Singapour est passé à Shanghai depuis de nombreuses années avec le développement de notre activité en Chine.
Majoritairement les Business Unit n'ont pas de département IT en propre. Bostik, racheté en 2015 avec 80 sites dans le monde, disposait d'équipes IT dans plusieurs pays, dans un modèle décentralisé. Nous procédons à une intégration par paliers, en commençant par l'infrastructure puis, petit à petit, l'applicatif, à chaque fois avec les équipes associées.
Côté infrastructures, si nous sommes encore propriétaires de nos équipements dans des Data Centers externalisés, nous travaillons aux évolutions en mode IaaS.
CIO : Comment arbitrez-vous entre ce qui internalisé et ce qui externalisé, y compris au niveau des ressources humaines ?
Jean-Charles Hardouin : Les 350 internes en charge de notre IT disposent des compétences clés avec des expertises à la fois sur l'IT et sur nos métiers. Ce sont des experts fonctionnels, des architectes techniques, des chefs de projets et des pilotes de sous-traitance.
La sous-traitance repose majoritairement sur des contrats de services avec unités d'oeuvre et engagements de résultats. Il reste un peu de régie mais marginalement. Notre centre de compétences SAP comprend ainsi un front-office dans nos locaux en France et en Chine et un back-office en dehors de nos locaux en Inde.
Pour les opérations systèmes nous avons un modèle dans une logique « follow the sun » où nos prestataires sont présents en France, au Vietnam et aux Etats-Unis.
CIO : Au niveau applicatif, comment votre SI est-il architecturé ?
Jean-Charles Hardouin : Le coeur du système -aucune originalité dans notre secteur !- est construit sur SAP. Evidemment, à l'époque où il a été mis en oeuvre, il n'existait que le mode licence. Mais le monde est de plus en plus hybride avec des applications toujours plus en mode service [XaaS, notamment SaaS]. Le choix XaaS/On Premise est parfois possible, parfois pas, mais ce n'est pas la question. Cloud ou pas cloud, c'est un combat d'arrière-garde.
Par exemple, historiquement, nous étions un client Lotus Notes dans un modèle On-Premise. Quand nous avons choisi d'opter, pour la bureautique et la collaboration, pour Microsoft Office 365, la question était sur la table. Mais la bonne orientation, le sens du marché pour ne pas dire de l'histoire, était le mode SaaS. Nous avons juste dû gérer les contraintes ce cybersécurité et de réglementation.
Autres exemples : Success Factors et Salesforce ont été choisis avec les métiers pour leurs fonctionnalités. Il se trouve que c'étaient des produits en SaaS. Le SaaS n'a pas été un choix a priori.
Il faut d'ailleurs reconnaître que, de plus en plus souvent, on n'a plus le choix.
PublicitéCIO : N'est-ce pas gênant ?
Jean-Charles Hardouin : Il faut nous adapter, avec deux points de vigilance particulière : les données et la cybersécurité. Il n'y a pas de classement absolu et a priori entre le On Premise et le XaaS : il faut regarder, comparer en profondeur, au cas par cas. Et garder la fresque d'ensemble en tête afin de garantir la cohérence et l'intégrité de notre paysage SI. Il faut reconnaître que le XaaS soulève des questions d'infrastructure réseau et d'intégration plus importantes. Et il nous faut adapter les procédures de maintien en conditions opérationnelles, d'autant que celui-ci est beaucoup sous-traité.
CIO : Et concernant le coeur de votre SI, comment va-t-il évoluer ?
Jean-Charles Hardouin : Nous sommes actuellement en réflexion. La trajectoire, c'est bien sûr vers S/4 Hana. Nous menons des expérimentations de la BI/BW en mode XaaS mais notre choix n'est pas arrêté. Quant au « coeur ECC », avant de choisir On Premise ou XaaS (SaaS, PaaS, SAP en mode licence sur IaaS...), nous allons d'abord définir notre trajectoire applicative.
CIO : Il y a actuellement des tensions entre clients de Oracle et cet éditeur. Quelle est votre base de données ?
Jean-Charles Hardouin : Nous avons aujourd'hui plusieurs systèmes SAP, certains sous Oracle, en effet, d'autres sous SQL Server. Le sujet est revisité depuis l'annonce de Hana.
CIO : Et concernant le logiciel libre, quelle est votre position ?
Jean-Charles Hardouin : Ce n'est pas aujourd'hui un sujet majeur pour nous. Comme tout le monde, nous avons évidemment des systèmes Linux. Mais, en tant que tel, le logiciel libre n'est pas notre préoccupation. Nous n'avons aucun prosélyte du sujet. Nous étudions au cas par cas.
CIO : Un grand sujet récurrent du moment est la transformation digitale. Est-ce qu'un industriel de la chimie comme Arkema, opérant essentiellement en B2B (malgré quelques marques B2C), est concerné ? Et, si oui, en quoi consiste-t-elle chez vous ?
Jean-Charles Hardouin : Bien sûr que nous sommes concernés ! Il faut admettre que les niveaux de maturité sont variables selon les secteurs et que la chimie n'a pas été « early adopter ». Nous n'avons pas de Chief Digital Officer en tant que tel chez Arkema mais l'un de nos directeurs généraux, Christophe André, est notamment en charge d'architecturer le programme de transformation digitale en associant métiers et IT.
Cette configuration est très positive car, pour commencer, elle évite une rivalité malsaine entre digital et IT. Ensuite, le travail réalisé sous la houlette d'un directeur général part du métier. Et chaque responsable métier a un interlocuteur identifié côté IT. En matière de transformation digitale, si on oublie la DSI (et c'est facile avec le SaaS), même pour des Proof Of Concept (POC), les ennuis arrivent très vite : intégration délicate, solidité de l'architecture déficiente, sous-estimation des sujets de Cyber Sécurité, etc.
Notre transformation digitale suit trois axes : l'amélioration des processus en vue de l'excellence opérationnelle, l'expérience client et l'expérience collaborateur (plus d'agilité, plus de collaboration). Le tout ne s'envisage bien sûr qu'avec une dimension mondiale.
Nous avons déjà bien avancé et de manière structurelle sur la partie purement industrielle, les premiers chantiers sont lancés sur les deux autres axes.
CIO : Quels projets avez-vous mené sur la digitalisation de vos process industriels ?
Jean-Charles Hardouin : Par exemple, nous visons l'amélioration de la maintenance via la maintenance prédictive. Nous avons des POC de 4D (3D et planning temporel) pour optimiser la conduite de nos projets industriels.
L'Internet des Objets [IoT] est également un sujet car nous disposons déjà de beaucoup de données issues de la fabrication. Il existe de très nombreuses solutions sur le marché qui pourraient nous aider à mieux les exploiter et nous sommes en train de réfléchir à ce que sera notre choix.
Côté expérience collaborateur, il s'agit d'aider celui-ci dans son travail quotidien. Bien entendu, une des applications de la réalité virtuelle, c'est la formation des opérateurs à leur futur poste en usine. Sur l'usine de Honfleur, qui fabrique des tamis moléculaires servant à la séparation de molécules, la réalité virtuelle a été utilisée pour concevoir l'usine et permettre aux futurs opérateurs de réagir dans une démarche de co-conception. Cela a notamment permis d'améliorer les postures pour réduire la pénibilité mais aussi d'optimiser l'accès à des pièces. En tout, une centaine de points de conception ont été améliorés. Nous avons gagné en temps sur le projet et en maîtrise par les opérateurs.
CIO : Quels sont vos grands chantiers à venir ?
Jean-Charles Hardouin : Nous poursuivons nos déploiements SAP et nous industrialisons nos centres de compétence. Les grands projets mondiaux ne sont pas encore entièrement déployés partout, comme la gestion des talents (Success Factor), la GRC (Salesforce, déployé aujourd'hui surtout aux Etats-Unis)... Nous avons également un programme de transformation digitale des achats avec par exemple la qualification des fournisseurs (avec Bravo Solution en SaaS) au niveau mondial. Nous travaillons aussi à améliorer notre offre en matière de BI/Reporting et notre Master Data Management.
Dans le contexte de notre programme Digital, nous réfléchissons à ce qui doit être purement défini au niveau groupe, au niveau régional ou au niveau local. Mais, au coeur, il restera toujours la donnée. La création d'un Datahub et la gouvernance de la donnée sont ainsi des sujets majeurs. S'il n'y a pas de maîtrise de la donnée, il n'y a pas de transformation digitale possible. Il nous faut bien identifier comment casser les silos.
Et dans le contexte d'évolution considérable de l'offre technologique, qu'il s'agisse des produits, des acteurs ou des approches de collaboration, nous devons évidemment travailler à l'évolution des compétences que nous devons maîtriser en interne.
Bien entendu, n'oublions pas qu'en cas d'acquisition ou de cession, l'IT restera sur le chemin critique.
CIO : Et le GDPR ?
Jean-Charles Hardouin : Nous l'appréhendons dans le cadre plus général de notre programme Groupe de Cyber Sécurité. Le Règlement Européen n'est qu'un des aspects de la question des données personnelles. Il y a aussi la Loi Cyber en Chine, le cadre propre aux Etats-Unis... Nous avons une démarche au niveau groupe associant des responsables IT, RH et métiers.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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