Interopérabilité PMBOK & ITIL dans la gouvernance des Services
Différences et synergies des deux référentiels à travers l'expérience de deux experts, Harout Khatchadourian, (Directeur associé, KNL & Partners) et Laurent Duenas (Directeur associé, Synopse).
PublicitéDepuis plusieurs années, les DSI mettent en oeuvre des référentiels ; les études/ingénierie ont choisi les démarches projets PMBOK et/ou CMMI, la production/exploitation s'est orientée vers ITIL. Ces référentiels cohabitent souvent sans tirer profit de leurs complémentarités.
Approches différentes
Au premier abord, les deux référentiels semblent poursuivre différentes finalités. Le PMBOK focalise son attention sur le « projet », ITIL met les « services » au coeur de ses préoccupations. Il apparaît alors un partage de responsabilités : construire des SI via des projets, les exploiter en délivrant des Services. Cette dichotomie masque le fait que le Service fait partie du vocabulaire des projets PMBOK et des opérations ITIL. Pour PMBOK, le Service est le bien tangible et spécifique fourni au client, c'est-à-dire l'objet « créé ». Pour ITIL, le Service est un SI qui facilite un processus business, c'est-à-dire l'objet « a créé et géré ». Dans les deux cas, le client achète et utilise le Service ; un ensemble de fonctionnalités, d'infrastructures, de prestations et de garanties (disponibilité, continuité...). La dichotomie Études (PMBOK)/Production (ITIL) perd son sens ; l'interrelation est plus complexe et leur synergie contribue aux Services IT dans leur globalité.
Le cycle de vie de chacun des référentiels est spécifique car dépendant de l'angle de vue du Service. PMBOK évoque un cycle de vie des projets en 3 phases : initiale, intermédiaire et finale, peu formalisées contrairement aux domaines/processus. ITIL formalise le cycle de vie des Services IT en 5 phases : stratégie, conception, transition.... PMBOK peut être employé dans certaines phases du cycle de vie des Services telles que la « conception » ou le « déploiement ». Le cycle de vie des projets est donc inclus dans celui des Services sauf lors de la mise en place d'ITIL ou de nouveaux processus qui doivent être géré en mode projet.
La troisième différence est l'échelle de temps. PMBOK organise et pilote les activités sur la durée, finie, d'un projet. Les processus ITIL visent une capacité permanente à délivrer des prestations. La visibilité dans le temps, l'aspect discontinu des projets et continu des opérations impliquent un management adaptatif. La gestion financière est directement concernés par ces différences dans l'optimisation globale des ressources, avec une approche Capex ou Opex. En termes de RH, la gestion des compétences et l'affectation des collaborateurs sur des activités peuvent être un facteur de risque pour le projet ou le service si une gestion globale n'est pas envisagée.
Enfin, le point fondamentalement différent est le management : l'un vise la maîtrise de l'innovation, l'autre l'industrialisation. PMBOK aide à concevoir un artéfact, intègre la notion d'aléas propre à tout projet et préconise une adaptation continue aux évolutions. ITIL privilégie l'anticipation de situations connues ; il organise la capacité à délivrer des Services de façon constante conformément aux niveaux de services. Le premier développe une culture du sur-mesure, le second cherche à standardiser les réponses. Le premier développe la créativité dans le projet, similaire aux processus d'ingénierie des systèmes, le second vise à limiter l'improvisation, à rendre les opérations répétables tels les processus de l'industrie manufacturière.
PublicitéPoints de rencontre
Trois points nous semblent importants. La corrélation des portefeuilles est le premier. Dans ITIL, la gestion du portefeuille de Services vise à définir l'offre de la DSI : étudier et proposer de nouveaux Services, puis les approuver financièrement. Dans le PMBOK, la gestion du portefeuille de projets centralise la structuration et la coordination des projets, valide leur financement et les priorise entre eux en fonction des ressources, de la stratégie de l'entreprise et des Services. Il vise donc à approuver les projets qui constitueront l'offre de Services à venir. Le processus de gestion du portefeuille de « Service » se positionne en amont, car plus stratégique, et celui des « projets » en aval, tel une activité tactique dans l'application de la stratégie.
Le second point concerne le management. Le PMO (« Project Management Office ») qui poursuit une mission tactique et opérationnelle au niveau des projets ; approuver, prioriser, planifier, suivre l'avancement, contrôler et optimiser l'emploi des ressources. Dans ITIL, le CAB (« Change Advisory Board ») a pour mission d'approuver les changements en fonction de leur intérêt pour l'entreprise, de leur planification, de leur financement et de leur impact sur l'environnement. Le PMO se situe au niveau global des projets, celui du CAB reste plus proche des composants et sécurise les changements (en mode projet ou non).
Dernier point, les rôles. ITIL en décrit plusieurs mais le manager de processus est omniprésent. PMBOK formalise uniquement le rôle du manager de projet. Le premier a un rôle d'animation opérationnel d'un processus. Ses responsabilités sont transverses à tous les Services pour un processus donné. Elles sont permanentes et couvrent le pilotage de la performance et des coûts, l'animation et le dimensionnement des RH et l'amélioration du processus. Le second a également un rôle d'animation de ressources et de pilotage vers un objectif. Il est focalisé sur une « étape » du cycle de vie d'un Service IT, identifié comme un projet, mais n'est pas transverse à tous les Services. Ses responsabilités sont limitées à la durée du projet. Aucun lien de subordination n'existe entre les deux acteurs mais ils doivent se rendre des comptes mutuellement. Enfin, deux rôles spécifiques ITIL, « Service Design Managers » et « Release managers » sont similaires au rôle générique du manager de Projet et peuvent couvrir les domaines de connaissances du PMBOK.
En conclusion, les deux référentiels partagent les mêmes finalités. Il n'y a pas d'opposition entre l'excellence projet et processus industriel ; les deux doivent être menés de front. Il est essentiel de comprendre leur valeur ajoutée respective et d'avoir une vision globale afin de mutualiser leurs apports dans des structures de gouvernance idoines.
Article rédigé par
Haroutioun Khatchadourian, Directeur Associé de KNL & Partners
Haroutioun Khatchadourian est fondateur et associé de KNL & Partners. Il est spécialisé dans le management de projet et les audits d'organisation des systèmes d'information. Il est notamment compétent dans les projets d'évaluation, de sélection de produits et d'intégrateurs, les négociations de contrats ainsi que le pilotage de grands contrats d'Infogérance et de projets en offshore.
Avant de créer KNL & Partners, H. Khatchadourian a passé plus de 28 ans dans l'industrie des systèmes d'information chez Syseca (Manager de projet), GSI (Manager de projet), Cap Gemini (Manager de projet et consultant), META Group (Directeur d'agence et consultant) et R3D Conseil (Directeur général de la filiale française).
Il est diplômé de Supelec et détient également un Diploma (Master of Science degree) de l'University College of London. Il est certifié ITIL Service Manager et e-SCM. Il est formateur ITIL et en management de projet. Il est membre de l'ISACA.
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