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IA : la fièvre des PoC est en train de retomber

IA : la fièvre des PoC est en train de retomber
Après l’ère de la multiplication des PoC – souvent peu concluants -, les DSI se tournent vers leurs éditeurs traditionnels pour intégrer des fonctions d’IA prêtes à l’emploi. (Photo : Mina FC/Unsplash)

Les DSI abandonnent de plus en plus les PoC internes d'IA au profit de solutions commerciales prêtes à l'emploi. En cause : les taux d'échec élevés et les faibles rendements des projets pilotes développés en interne.

PublicitéAprès la disparition de milliers de prototypes d'IA de toutes natures, de nombreuses organisations réduisent leurs efforts internes et se tournent vers l'adoption d'outils d'IA prêts à l'emploi et proposés par des éditeurs. Environ la moitié des entreprises interrogées par Gartner à la fin de 2023 développaient leurs propres outils d'IA, un chiffre tombé à environ 20% seulement à la fin de 2024, indique John-David Lovelock, vice-président et analyste chez Gartner.

De nombreuses organisations mènent encore quelques PoC, mais le ralentissement du battage médiatique autour de l'IA générative pousse de nombreux DSI à se tourner vers des fournisseurs, qu'il s'agisse de fournisseurs de grands modèles de langage (LLM) ou de vendeurs de logiciels traditionnels dont les produits intègrent l'IA, reprend l'analyste.

De nombreux projets d'IA ambitieux lancés en 2024 ou plus tôt font désormais l'objet d'un examen interne en raison des taux d'échec élevés des PoC, ajoute John-David Lovelock. Une étude récente d'IDC a révélé que 88 % des PoC n'ont pas abouti à un déploiement à grande échelle, les DSI eux-mêmes ayant du mal à définir les critères de réussite d'un POC.

« L'année dernière, lorsque les DSI effectuaient des travaux de prototypage et recevaient beaucoup d'aide de la part de fournisseurs de services et de ressources internes, le taux d'échec était assez élevé même parmi les entreprises qui avaient déjà un bon pedigree en matière d'intelligence artificielle, explique John-David Lovelock. Et pour les entreprises qui n'avaient pas le même pedigree, ce taux d'échec était supérieur de plus de 50 % à ce premier ratio. »

Pas assez de matière grise

La « grande majorité » des clients d'Asperitas Consulting, société spécialisée dans le cloud et l'automatisation, utilisent aujourd'hui des outils d'IA prêts à l'emploi, déclare Scott Wheeler, responsable du département cloud au sein de l'entreprise. De nombreux clients d'Asperitas appartiennent aux secteurs des services financiers et de l'assurance, souvent considérés comme des bénéficiaires potentiels des fonctionnalités de la GenAI.

De nombreuses entreprises qui ont essayé de créer leurs propres outils d'IA se sont heurtées à des problèmes de manque d'expertise et de budget, explique-t-il. « Pour la plupart des gens, le jeu n'en vaut pas la chandelle, ajoute Scott Wheeler. Il faut disposer de la matière grise nécessaire pour bien faire les choses, et ces personnes sont très demandées. Il faut aussi avoir le temps et d'autres ressources en plus de ces cerveaux. »

John-David Lovelock (Gartner) a observé plusieurs variantes de PoC, certaines entreprises tentant de créer leurs propres modèles d'IA à partir de zéro et d'autres se concentrant sur l'ajout de fonctionnalités aux LLM existants. Pourtant, selon certains experts en IA, bon nombre de ces PoC moins ambitieux ont échoué ou ont donné des résultats décevants. Selon Eamonn O'Neill, directeur technique chez Lemongrass, fournisseur de services managés, la forte pression exercée par les dirigeants et les membres du conseil d'administration pour lancer des PoC d'IA générative a conduit à de nombreuses initiatives malheureuses. « Vous avez eu cette impulsion initiale, ce qui, en soi, n'est pas une mauvaise chose, dit-il. Mais une fois les PoC réalisés, la réaction a été de se dire que ce n'était pas très utile, car la qualité était assez faible. Personne ne semble comprendre comment utiliser la technologie correctement. »

PublicitéAttentes irréalistes

Avec l'enthousiasme initial suscité par l'IA générative, de nombreux chefs d'entreprise et responsables informatiques ont eu des attentes démesurées pour leurs PoC, ajoute Carmel Wynkoop, partenaire en charge de l'IA, de l'analytique et de l'automatisation au sein de la société de conseil en comptabilité et en gestion Armanino. Selon celle-ci, l'attitude des entreprises était la suivante : « attaquons-nous aux problèmes les plus épineux et attaquons-nous à l'IA. Or, ce que nous constatons est légèrement différent, avec des améliorations progressives dans les processus et dans le temps, mais pas sur les grands problèmes des organisations. »

De nombreuses organisations se sont lancées dans d'énormes projets d'IA avec un délai de mise sur le marché et de retour sur investissement très long, ajoute Carmel Wynkoop. « Si je m'attaque à mon plus gros problème avec l'IA pour commencer, cela peut se traduire par un projet d'un an. Et il se peut que je doive nettoyer un grand nombre de données et modifier le code GPT. »

Le marché a changé

Après la ruée vers les PoC d'IA de ces deux dernières années, la dynamique du marché a changé en 2025, souligne John-David Lovelock de Gartner. Au lieu de DSI cherchant par eux-mêmes à construire ou à acheter des outils d'IA, ce sont désormais les fournisseurs de logiciels qui proposent leurs add-on à base d'IA aux DSI, ces derniers visant désormais des résultats plus pratiques en matière d'IA générative. « Nous sommes habitués à ce que les DSI achètent des logiciels, et cette année, on va leur vendre des logiciels [d'IA] », explique-t-il. Dans certains cas, les DSI n'auront d'ailleurs pas le choix d'acheter ou non les compléments à base d'IA des éditeurs, reprend l'analyste. « Cette année, pratiquement tous les éditeurs de logiciels, pour pratiquement toutes les catégories de produits, proposeront une fonction d'IA générative, si ce n'est pas déjà le cas, affirme-t-il. Les vendeurs vont appeler leurs clients et leur dire : 'nous avons l'IA générative', et dans certains cas, vous arrivez un matin et vous avez une facture légèrement plus élevée et un nouveau bouton. »

L'autre conséquence ? Les entreprises ne sont plus incitées à créer leurs propres outils d'IA, leurs fournisseurs traditionnels couvrant une grande partie des fonctionnalités ciblées, explique Carmel Wynkoop d'Armanino.

Viser plus petit

Pour cette dernière, au lieu de tenter de résoudre leurs principaux problèmes avec l'IA, les entreprises qui manquent d'expertise approfondie sur le sujet auraient intérêt à viser plus petit, à adopter une démarche plus ciblée. « Si je commence par des initiatives qui me permettent d'obtenir des résultats rapides, de prendre de l'élan et d'améliorer l'efficacité d'un grand nombre de processus au sein de mon organisation, je pourrai alors bâtir la réputation de ce que l'IA peut faire et commencer à voir ces améliorations se concrétiser, explique Carmel Wynkoop. Ensuite, je pourrai analyser comment les gens changent de comportement et comment ils travaillent avec l'IA. »

À l'avenir, de nombreux projets de développement interne se concentreront probablement sur l'entraînement d'un modèle d'IA utilisant des données internes pour créer des fonctionnalités de niche, ajoute Scott Wheeler d'Asperitas. « Le modèle d'IA semble être un produit de commodité. Mais beaucoup d'entreprises disposent de jeux de données personnalisées et elles vont entraîner les modèles d'IA sur leurs données propriétaires. »

Ces modèles d'IA customisés sur des données propriétaires ont le potentiel de créer une grande valeur pour les entreprises, ajoute Daniel Avancini, directeur des données chez Indicium, un cabinet de conseil en IA et en données. « Il s'agit d'un produit de niche, mais il y a beaucoup de valeur pour l'entreprise, si nous réussissons. Au lieu de 20 PoC, nous pouvons avoir un seul produit porteur d'un retour sur investissement très important. »

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