HPC + quantique + IA : la potion magique pour accélérer la recherche pharmaceutique ?
La start-up française Qubit Pharmaceuticals est parvenue à calculer avec précision le comportement de petites molécules sur un émulateur quantique d'une dizaine de qubits seulement. Laissant augurer de premières applications dans la pharmacie dans un avenir relativement proche.
PublicitéCréée il y a trois ans et spécialisée dans la conception de nouveaux médicaments contre le cancer et les maladies inflammatoires, la start-up Qubit Pharmaceuticals effectue une percée dans la simulation de molécules, grâce à des calculs quantiques... eux-mêmes réalisés sur un simulateur. Cette modélisation parfaite des molécules permettra, dans un second temps, de prédire le comportement chimique de celles-ci à la précision de la physique quantique. « Nous pourrons alors faire les erreurs inhérentes au processus de développement d'un médicament dans un ordinateur plutôt qu'en laboratoire », imagine Jean-Philip Piquemal, directeur du laboratoire de chimie théorique de Sorbonne Université et du CNRS ainsi que co-fondateur et directeur scientifique de Qubit Pharmaceuticals.
Schématiquement, l'industrie pharmaceutique vise à identifier des cibles thérapeutiques - un élément de l'organisme impliqué dans le développement d'une pathologie - et d'y lier chimiquement des molécules médicamenteuses afin d'en modifier le comportement, et ainsi agir sur ladite pathologie.
Partage des tâches entre HPC et quantique
Pour accélérer ce processus - on estime la durée moyenne de développement d'un médicament à environ 15 ans -, Qubit Pharmaceuticals mise sur des outils de simulation numérique, tant pour identifier des cibles thérapeutiques nouvelles que pour générer de petites molécules, devenant autant de candidates à de futurs médicaments. « Nous travaillons à construire un jumeau numérique de cibles thérapeutiques, pour en comprendre le fonctionnement et ainsi être en mesure d'en modifier le comportement », explique le Pdg de Qubit Pharmaceuticals, Robert Marino. La start-up travaille ainsi sur sept cibles identifiées à date. Ces jumeaux numériques sont bâtis avec des systèmes HPC (high performance computing, soit les supercalculateurs 'traditionnels') et de l'IA, complétés par certains calculs effectués sur des systèmes quantiques.
« Et on retrouve ce partage des tâches tout au long de notre processus », reprend le Pdg. Que l'on parle de simulation, de validation des candidats médicaments ou de génération de nouvelles molécules, sans données expérimentales de départ. Alors que la start-up d'environ 60 personnes, regroupées dans la pépinière Paris Santé Cochin et à Boston, n'a commencé à travailler sur son portefeuille de médicaments qu'au second semestre 2023, elle a déjà lancé de premiers tests de candidats médicaments sur la souris, ciblant les cancers du sein résistant aux traitements traditionnels.
« Activer les avantages quantiques au plus vite »
Si la deeptech avait déjà utilisé les systèmes quantiques de la start-up française Pasqal lors de la conception de ses jumeaux numériques, afin d'y effectuer les calculs les plus complexes, donc les plus coûteux sur HPC, elle vient de franchir une nouvelle étape, via un émulateur quantique, appelé Hyperion 1. Développé avec Sorbonne Université, et bénéficiant d'un financement de 8 M€ sur 4 ans dans le cadre du plan France 2030, ce système vise à augmenter la précision des calculs sur le comportement de petites molécules. « L'objectif est d'obtenir des données plus précises permettant d'entraîner des modèles d'IA plus petits », résume Jean-Philip Piquemal. Autrement dit de constituer des bases de données de molécules modélisées avec davantage de précision afin d'améliorer les résultats de l'IA et d'en réduire les coûts.
Publicité« L'informatique quantique est particulièrement adaptée pour effectuer les calculs de la physique quantique, reprend le scientifique. Notre approche consiste à activer ces avantages quantiques le plus vite possible, via des constructeurs de systèmes quantiques, mais aussi via l'émulation. Ce qui permet de préparer les algorithmes, totalement différents sur les architectures quantiques. » Les premiers travaux sur l'émulateur Hyperion 1 s'inscrivent dans cette logique et visent à réduire le nombre de qubits nécessaires à la résolution d'équations de la physique quantique. « Pour de petites molécules (comme H2 ou LiH), nous avons résolu l'équation de Schrödinger (équation fondamentale de la physique quantique, NDLR) avec seulement 10 ou 11 qubits, là où la théorie en prévoyait entre 200 et 300 », indique Jean-Philip Piquemal.
Un roadmap plus rapide qu'attendu
La conséquence ? Les applications pharmaceutiques auraient besoin d'un nombre de qubits plus limité qu'imaginé au départ. Plusieurs centaines devraient ainsi suffire pour les usages que cible la start-up. « Ce qui nous permet aussi de nous engager dans une approche de co-design avec les constructeurs de systèmes quantiques, car nous savons de combien de qubits nous avons besoin », reprend le directeur scientifique. Pour ce dernier, les premiers résultats issus d'Hyperion 1 devraient, par ricochet, accélérer la roadmap de développement des systèmes quantiques.
En complément :
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Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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