Stratégie

Hervé Thoumyre, CIO de Carrefour : « Nous avons économisé 70 millions d'euros entre 2007 et 2010 »

Hervé Thoumyre, CIO de Carrefour : « Nous avons économisé 70 millions d'euros entre 2007 et 2010 »

Un DSI doit faire adhérer les métiers, urbaniser le système d'information, optimiser leSourcing, motiver les équipes, piloter une gouvernance globale. Ce sont quelques uns des axes d'action d'Hervé Thoumyre depuis qu'il est CIO de Carrefour. Il a réalisé 70 millions d'euros d'économies sans arrêter de projets.

PublicitéJeudi 31 mars, Hervé Thoumyre, CIO du groupe Carrefour, a exposé les bonnes pratiques mises en place à la DSI du numéro deux mondial de la grande distribution afin d'optimiser les services rendus par l'informatique. Hervé Thoumyre s'exprimait à l'occasion d'une table ronde sur le thème de la Gouvernance IT organisée par Luc Domissy dans les locaux de l'ESCP à Paris, dans le cadre du groupement des grandes écoles G9+ et plus particulièrement du GP Informatique Arts & Métiers ParisTech. Hervé Thoumyre est lui-même ancien élève des Arts et métiers de la promotion 84. 

Il est arrivé à la tête de la DSI en octobre 2007. Quels sont les bénéfices de la gouvernance qu'il a mise en place depuis cette date ? « En matière de dépenses, de  cash out, entre 2007 et 2010, il y a eu un gain de 0,1% du chiffre d'affaires, soit 70 millions d'euros d'économies, le tout sans avoir arrêté de projets » répond Hervé Thoumyre. Il poursuit « Nous délivrons les projets. Nous sommes plus sélectifs sur les conditions de lancement depuis trois ans et nous avons toujours délivré la solution avec la prise en charge par les métiers. Nous avons su maîtriser les investissements. Les utilisateurs adoptent mieux les outils, et il y a ainsi un meilleur retour sur les projets. » 

Hervé Thoumyre évoque un contexte historique où il était difficile de faire passer les nouveaux projets. Le géant de la grande distribution possédait des systèmes d'information très hétérogènes. Les nouvelles solutions s'empilaient sur les anciennes qui demeuraient, avec une accumulation de coûts. Il n'y avait plus de marge de manoeuvre pour réaliser des économies. Les utilisateurs restaient pour certains sur leurs anciens applicatifs sans adopter les nouveaux. « Il y avait une difficulté à délivrer les projets de transformation dans l'entreprise » reconnaît le CIO,  cela par manque d'adhésion des métiers. 

« Chez Carrefour, l'informatique fait partie de l'intendance critique » décrit-il. Il rappelle que les solutions informatiques doivent être adaptées au contexte. Dans les nouveaux pays tels que la Chine, « il faut des solutions IT simples » dit le CIO, une informatique robuste et économique, mais dans des pays saturés comme la France, il faut gagner des parts de marché. Tout cela se déroule dans un cadre de gouvernance d'entreprise où il y a une volonté de capitaliser sur la marque Carrefour avec Carrefour Market, City, Planet, ... « Nous cherchons à réaliser aujourd'hui  des économies d'échelle,  et à soutenir l'innovation grâce aux systèmes d'information » poursuit Hervé Thoumyre.

Dès lors, la gouvernance de l'IT a été définie en novembre 2007 avec une organisation matricielle. Chaque pays a la possibilité de gérer en interne ses propres solutions et ses services, via ses budgets, tout en faisant appel à des centres de services communs à un niveau global. Par exemple, pour les systèmes d'encaissement des magasins - soit 80 000 caisses -, les décisions sont prises au niveau local par pays. A l'inverse, ...

PublicitéPhoto : Hervé Thoumyre, CIO de Carrefour (D.R.)



... un outil de pricing a été déployé de manière identique au niveau mondial, car il s'agit de diffuser les mêmes bonnes pratiques dans l'ensemble du groupe.  Quant aux équipes de gouvernance, elles sont situées à l'échelle mondiale. 

Les règles du jeu sont définies chaque année et communiquées de manière claire. Des notes de cadrage sont ainsi émises depuis les directions fonctionnelles vers les pays en ce qui concerne les solutions, le sourcing, les partenariats, le pilotage, les infrastructures ... Une implication directe des métiers par pays est obligatoire pour les projets. La gestion de la demande est réalisée au niveau mondial. Le pilotage financier est devenu plus précis qu'avant grâce aux centres de services. Des règles d'architecture sont définies pour ce qui touche à l'urbanisation, l'infrastructure, l'intéropérabilité et les technologies. 

A présent, « nous allons nous attaquer aux infrastructures » annonce Hervé Thoumyre. Côté Data Centers, « nous passons de 30 centres informatiques à 4 » annonce-t-il. Les postes de travail qui sont au nombre de 100 000 avec 30 configurations différentes, vont être revus avec l'objectif d'une seule configuration. Dans ce cadre, la virtualisation des postes de travail devrait être réalisée au niveau de chaque magasin. Quant aux télécoms, ils ont déjà été mis à niveau. 

Parmi ce qui a déjà été réalisé, « nous avons énormément travaillé au référencement, à la mondialisation des achats IT et aux benchmarks. Nous avons développé des systèmes d'enchères. La fonction des achats des systèmes d'information a été séparée de la DSI. Trois niveaux de partenariats ont été définis » liste Hervé Thoumyre. 

Un des points d'attention concerne l'urbanisation des systèmes d'information. L'informatique doit être robuste et cela est lié à l'urbanisation des flux. « Il faut qu'il y ait le moins d'échanges entre les blocs applicatifs » estime Hervé Thoumyre. Ce sont les flux qui pénalisent les applications anciennes. Il faut adopter une vision urbanisée du système d'information comme dans une ville. « Mais il faut une vision de Lego et non de puzzle. Dans un puzzle, chaque pièce a une place unique et est irremplaçable, ce n'est ni modifiable ni agile. Avec un Lego, on utilise des briques, que l'on peut moderniser » décrit le CIO. Il poursuit : « moderniser est mieux que transformer, car la transformation c'est beaucoup d'efforts ». 

Pour le DSI, il faut avoir cette carte du système d'information, cette vision et la gérer en termes de priorités. Il faut définir les règles de construction. « Chez Carrefour, nous avons une trentaine de briques », dit-il après réflexion. Le système d'information réunit ...



... trois à quatre modules verticaux, qui s'appuient eux-mêmes sur quatre modules transverses, eux-mêmes pouvant utiliser trois à quatre briques. 

L'architecture du système d'information a énormément d'importance. Il faut que les flux d'échanges soient limités sinon il y a des soucis de latence. Hervé Thoumyre prend l'exemple du m-commerce et du e-commerce. Il faut définir où sont situées les données maîtres, le prix, la référence de l'article. Tout va dépendre alors des hypothèses de dimensionnement. Dans le cas d'un programme de fidélisation, si l'on table sur une proportion de 10% des clients qui sont nomades - c'est-à-dire qui font leurs courses dans un autre supermarché que celui où ils vont d'habitude - et que ce pourcentage passe soudain à 15%, le samedi entre 16 heures et 19 heures, l'impact sera majeur si le système d'information n'a pas été prévu pour cela.

Lors du passage en caisse, afin de vérifier et de valider les points de fidélité, une transaction devra remonter quand il s'agit nomades jusqu'à un serveur national de fidélité. Le serveur va s'engorger si cela n'a pas été prévu. Il y aura un ralentissement de ligne de caisse, or dans un supermarché quand une caisse s'arrête, une heure plus tard on ferme le supermarché, les gens laissant les caddies dans les rayons et s'en allant. « C'est toute la différence entre un pilote et un système opérationnel » insiste Hervé Thoumyre. C'est pourquoi il faut faire robuste et simple en matière de systèmes d'information. Pour autant, la SOA ne semble pas figurer dans la ligne de mire du DSI. 

Parmi les autres axes d'action du CIO, on citera les RH, la communication et l'innovation.  « La gestion des RH est extrêmement importante, car il faut mobiliser les équipes et les motiver » souligne Hervé Thoumyre. Idem, communiquer est stratégique, car l'informatique est un sujet obscur pour beaucoup de gens, il faut donc présenter ce que l'informatique réalise. Autre point : la gestion des assets et l'inventaire du cycle de vie. « Il faut vérifier que l'on dispose du bon nombre de licences » relève le CIO qui indique également que Carrefour fait un focus sur la sécurité car l'enseigne est souvent ciblée. Au bout du compte, le DSI doit être comme un tennisman, à la fois par la qualité de ses appuis et son toucher de balle. Comment peut-il assurer le succès de ses missions ? « Il faut traiter les utilisateurs comme des clients ! »

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