Hervé Constant, DSI de GRTgaz : « Il faut donner envie aux métiers de nous utiliser »


Les données, de la valeur métier à la conformité GDPR
S'il est admis dans tous les discours convenus que la Data est au coeur du business, encore faut-il savoir comment mettre en oeuvre ce beau principe. Les témoignages de GRTgaz, GRDF et In Extenso en montre ici des exemples. Enfin, la prochaine application du Règlement Général sur la Protection des...
DécouvrirDevenu DSI de GRTgaz en 2011, Hervé Constant a terminé la séparation informatique avec Engie. Il a lancé un grand projet pour les utilisateurs, et en prépare d'autres sur le cloud et l'innovation.
PublicitéCIO : Vous êtes un DSI atypique, vous ne venez pas de l'informatique, pour commencer quelques mots sur votre parcours ?
Hervé Constant : J'ai effectué l'ensemble de ma carrière dans le secteur du gaz mais je ne suis DSI de GRTgaz que depuis 2011. Je suis passé par différents métiers. Au début, le terrain, celui de la distribution, en manageant des équipes de maintenance et d'exploitation du réseau. J'ai adoré la partie RH dans cette première fonction. Une deuxième vie m'a mené à une fonction achats très particulière pendant six à sept ans, j'ai travaillé à l'international pour négocier des approvisionnements en gaz puis en gérer les RH. Troisième étape, l'IT, un domaine à l'époque inconnu pour moi, assez complexe et « jargonnant » de premier abord. Mais le digital et l'IT sont une composante assez impressionnante de la transformation des entreprises.
CIO : C'est vous qui avez demandé, ou on vous a proposé ce poste de DSI ?
Hervé Constant : En fait, on m'a proposé un poste de management. J'ai un profil de manager, c'est comme ça que je suis arrivé à la DSI. Ce qui m'a toujours intéressé dans mon parcours, c'est le changement, et j'aime voir les résultats de mes actions sur les choses « dures », celles qui sont quantifiables, ou « molles », celles qui tiennent à la matière humaine.
CIO : Quel type de DSI êtes-vous, en dehors de votre parcours, de quoi êtes-vous porteur ?
Hervé Constant : Nous devons réfléchir aux technologies, mais pas que... Le côté social, au sens large, de mon poste est essentiel, pour savoir comment transformer, « désiloter », « déverticaliser » l'entreprise par l'IT. Je crois qu'un SI ne peut pas se construire en solitaire, qu'on ne peut faire un SI de qualité qu'en étant dans l'interaction et l'empathie avec les métiers. Et en gardant comme impératif : les usages. Nous nous mettons à la place de l'utilisateur en permanence, en embarquant le management.
De plus, le monde de l'informatique est un écosystème ouvert sur le monde et en perpétuel mouvement. L'IT peut donc apporter cet état d'esprit à l'entreprise. Il faut que nos métiers profitent de nous, qu'on partage avec eux.
CIO : Quand on pense à GRTgaz, on pense d'abord à la séparation informatique avec votre maison mère, est-elle effective ?
Hervé Constant : Oui, définitivement. Une première séparation informatique eu lieu en 2008 avec EDF, une deuxième avec GDF Suez, devenu Engie, en 2011. Cette deuxième phase est totalement achevée, elle a pris trois ans pour se terminer fin 2014. L'autre grand changement qui a marqué la DSI de GRTgaz a été le passage à Office 365 qui a permis d'externaliser les services de messagerie de l'entreprise. Les utilisateurs en sont très satisfaits, la DSI aussi.
PublicitéCIO : Deuxième grand sujet, votre projet de nouvelle organisation MoveIT. Quelles sont les caractéristiques ?
Hervé Constant : Nous avons désormais une organisation bimodale. D'un côté, les quatre domaines classiques d'une DSI (le front office de la relation Métiers et utilisateur, les projets, la partie exploitation / production et l'architecture d'entreprise), de l'autre les activités digitales. L'idée est que le digital accompagne la transformation et que les usages sont la clé de tout. Quand je suis arrivé dans l'IT, j'ai dit aux équipes « on ne construit pas un produit, on répond aux usages ». Notre seul juge de paix c'est : est-ce utile ?
Aujourd'hui, la révolution qui se profile chez nos salariés, c'est celle des services et des usages. Elle touche nos 4 500 utilisateurs, dont plus de la moitié en mobilité.
Comment se traduit cette révolution ? On implique de plus en plus les utilisateurs dans la construction des outils et dans le choix des matériels qu'ils utilisent. Ils ont le choix de leur matériel dans un catalogue, alors qu'auparavant tous les utilisateurs d'un même profil recevaient le même matériel. Comme ils sont davantage impliqués, les utilisateurs sont plus attentifs à leur matériel, celui-ci est adapté à leurs usages quotidiens, ils sont plus responsables, il y a moins de réparations. Et il a fallu changer aussi notre façon d'acheter : finie la massification des achats directement auprès des constructeurs, mais des achats plus agiles via un distributeur. C'est 20 à 25% d'économies au final sur le TCO du poste. Nous utilisons le modèle économique du Cigref pour piloter et benchmarker nos coûts.
CIO : Cloud public, privé, hybride, où en êtes-vous sur ce sujet ?
Hervé Constant : Nous avons une forte réflexion sur notre transformation vers le cloud public. Les questions ne manquent pas : on y met quoi, on y va comment, est-ce qu'on déplace une partie de notre SI, une partie d'applications critiques ou pas ? Nous avons adopté une démarche particulière. Pendant six mois, d'octobre à mars, nous sommes sortis de l'entreprise pour rencontrer les acteurs du marché, les experts, les offreurs de solutions ou encore nos pairs. De quoi se forger une opinion globale.
Début mars, nous sommes entrés en séminaire avec des représentants des différents métiers de la DSI. Nous allons faire nos choix stratégiques d'ici à l'été avec un certain nombre de critères déjà définis pour les fournisseurs potentiels comme principalement la réversibilité et la sécurité. Mais nous ne sommes pas entrés sur ce sujet uniquement via le prisme de la réduction des coûts: le sujet c'est avant tout d'obtenir la meilleure qualité globale - disponibilité, time to market... Nous ne sommes pas non plus partis de zéro, nous avons plusieurs services en SaaS, Office 365 dont j'ai déjà parlé, d'autres pour les achats, les RH, la finance, et même, c'est propre à notre métier, les données météo !
CIO : Comment abordez-vous l'innovation ?
Hervé Constant : Nous travaillons sur plusieurs idées. Par exemple, une pour nos chefs de secteur, les exploitants du réseau. Au cours d'une journée, ils doivent gérer de nombreuses tâches dans différentes applications. Notre promesse de valeur a consisté à mettre en oeuvre avec eux un portail consolidant ces tâches. Les drones sont également devenus un axe prometteur. Nous avons l'obligation, notre activité est très règlementée, de surveiller nos installations, nous le faisons à pied, en voiture, en hélicoptère, et maintenant nous commençons à le faire par drone. Pour l'IoT, les cas d'usage sont encore à venir. Mais nous avons créé un Lab IoT pour pouvoir tester ces cas d'usage.
Evidemment, je n'oublie pas les données. Avec 32 000 km de canalisations à exploiter, surveiller et conduire, nous disposons de beaucoup de données internes. A cela s'ajoutent des données externes (caractéristiques du terrain, végétation au-dessus des canalisations, météo....). Si on les croise, on peut faire de la maintenance prédictive. Là aussi nous avons créé un lab, un Data Lab avec des data scientists. Notre direction du digital, intégrée à la DSI, travaille aussi sur des applications mobiles, toujours pour nos utilisateurs et l'amélioration des usages. L'une d'elles permet par exemple d'enregistrer la trace GPS d'inspection de nos canalisations à partir d'un smartphone, ce qui évite aux techniciens d'utiliser une tablette durcie lourde et encombrante. Tout est dans le smartphone et s'intègre ensuite dans les bases de données du SIG.
CIO : Comment se présente votre budget 2017 ?
Hervé Constant : Notre budget s'élève à environ 120 millions d'euros, Capex et Opex mélangés. Nous avons, dans le cadre de notre nouveau projet d'entreprise, proposé au régulateur (la CRE, Commission de régulation de l'énergie) des investissements qu'il a accepté sur des technologies innovantes comme les smart grids. Nous déployons des projets dans la gestion des données multi-énergies pour les fiabiliser et les rendre accessibles en open-data et participons à certains projets de smart grid au plan régional.
Article rédigé par

Didier Barathon, Journaliste
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