Heineken rebrasse ses ERP pour fédérer son organisation
Le DSI de Heineken, Ing Yan Ong, vise environ 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires grâce au numérique. Un objectif qui passe notamment par un gigantesque projet de consolidation des 45 ERP du groupe.
PublicitéEntreprise familiale vieille de 159 ans, la société néerlandaise de brasserie Heineken doit sa longévité à un flux constant d'innovations. Fondée par l'entrepreneur Gerard Adriaan Heineken en 1864, qui cherchait à rénover une ancienne brasserie dans le centre d'Amsterdam, la société brassicole qui portera plus tard son nom est devenue synonyme de bière néerlandaise, facilement reconnaissable à sa bouteille verte à l'étiquette étoilée rouge. Heineken a été le premier brasseur à introduire des laboratoires de contrôle de la qualité. Aujourd'hui, elle possède plus de 300 marques et est vendue dans plus de 190 pays.
Pourtant, en 2023, le brasseur doit faire face à de nouvelles contraintes, telles qu'une récession attendue, la hausse des prix de l'orge et de l'énergie, et des pénuries dans la chaîne d'approvisionnement en aluminium. L'entreprise doit également attirer des clients plus jeunes dans un contexte de concurrence croissante des microbrasseries, de hausse des prix du marché et de nouvelles attitudes vis-à-vis de la consommation d'alcool. Pour Ing Yan Ong, DSI monde de Heineken, le parcours pour maintenir la pertinence d'une marque de bière historique commence par la simplification de l'ERP, l'adoption de méthodologies agiles et la refonte des relations avec les clients et les fournisseurs à l'ère de la généralisation de l'analytique et des communications personnalisées.
Priorité à la connectivité
Heineken a historiquement excellé dans l'établissement de liens solides avec les consommateurs, ses fournisseurs et employés, mais ces relations sont aujourd'hui bouleversées par le croisement des expériences physiques et numériques. Dans le cadre de la stratégie EverGreen 2021 de Heineken, qui vise à assurer l'avenir de l'entreprise, à s'adapter à la dynamique du marché et à sortir plus fort de la pandémie, l'objectif est de transformer numériquement l'entreprise et ses relations avec les parties prenantes. C'est cette volonté de devenir le « brasseur le mieux connecté » qui s'affiche comme première priorité de l'organisation numérique et technologique (D&T) de Heineken.
« Devenir le brasseur le mieux connecté, c'est s'assurer que nous renforçons les relations avec nos clients, nos consommateurs, fournisseurs et employés dans un contexte entièrement numérique », poursuit Ing Yan Ong, qui relève du CDO et était auparavant directeur principal des services d'information mondiaux. Historiquement, le chemin de l'entreprise vers le consommateur passait par des représentants commerciaux qui allaient de bar en bar pour prendre des commandes au moyen de formulaires papier. Les technologies ont amélioré ce processus, en permettant la commande en ligne et en l'enrichissant de fonctions prédictive, offrant aux bars des idées et des recommandations sur les boissons populaires auprès des clients et sur ce que les autres points de vente locaux commandent.
PublicitéL'IA pour optimiser les opérations dans les brasseries
La prolifération du numérique est telle que Heineken le considère comme une activité à part entière, et vise au moins 10 milliards d'euros (10,7 milliards de dollars US) de revenus par le biais des canaux numériques au cours des trois prochaines années. Lors du troisième trimestre 2022, la société a réalisé 4,3 milliards d'euros de ventes via les canaux numériques, soit plus de deux fois et demie le total enregistré à la période comparable de l'année précédente. Pour Ing Yan Ong, les plateformes comme SAP, Salesforce et Microsoft alimentent cette croissance. Mais Heineken y ajoute des technologies plus émergentes. La plateforme IoT de brasserie connectée de la société, par exemple, est utilisée pour ingérer et traiter les données dans les brasseries, ce qui donne aux équipes locales la possibilité d'analyser, ajuster, tester et optimiser les processus de production.
Pour accroître l'efficacité opérationnelle, les brasseries sont équipées de systèmes IoT et Edge pour collecter et analyser les données issues des processus de production. (Crédit : Heineken)
Parallèlement, une nouvelle plateforme d'IA, AIDDA (artificial intelligence, data driven advisor, dynamic advisor), donne aux représentants commerciaux un meilleur aperçu des prix, des stocks et des promotions. Ing Yan Ong affirme que la plateforme a déjà permis de détecter et de résoudre des problèmes de churn (départs de clients), et d'améliorer le bilan carbone en réduisant de 30 % les déplacements des vendeurs grâce à un acheminement optimisé. Par ailleurs, Heineken a également utilisé des technologies d'IA pour rapprocher la couleur de la bière Heineken de celle de l'or. « Il s'agit vraiment de passer d'une façon assez traditionnelle de faire des affaires à une démarche privilégiant le dialogue [avec les clients], afin d'aider réellement les points de vente », explique Ing Yan Ong. « Notre rôle est de veiller à ce que les points de vente réussissent, ce qui contribue également à notre réussite ».
L'agilité d'une organisation fédérée
La taille de Heineken représente à la fois une opportunité et un défi pour le département numérique et technologique dont les tâches vont de l'aide à la conception de nouveaux réfrigérateurs intelligents à l'organisation d'ateliers avec l'équipe de robotique, en passant par la modernisation de quelque 45 ERP et 3 500 applications au sein de 85 entités opérationnelles. L'agilité est devenue essentielle, tant dans les démarches issues du terrain (bottom-up) que dans celles impulsées par la direction (top-down). Sur le plan stratégique, Ing Yan Ong indique que le conseil d'administration a apporté son soutien au lancement d'une nouvelle stratégie numérique et qu'il collabore étroitement avec son CDO, qui siège au conseil d'administration. L'accent est également mis sur l'amélioration des performances des équipes. Heineken a adopté le travail flexible en équipe, en adoptant des méthodes agiles et en introduisant deux équipes produits portant plus de 80 expérimentations où les gens peuvent apprendre à appliquer les méthodes de travail Scrum (qui visent à accélérer l'exécution des tâches) et agiles. S'affirmant désormais comme une organisation agile, Heineken s'efforce maintenant d'harmoniser son ERP, ce qui représente une occasion de réunifier un patrimoine applicatif fragmenté.
La modernisation des ERP passe par le cloud
Cette nouvelle 'dorsale numérique' se compose d'un noyau SAP S/4HANA allégé et d'un ensemble de plateformes commerciales basées sur le cloud, qui remplacent les ERP existants dans 80 sociétés du groupe. Selon Ing Yan Ong, cette dorsale permettra aux différentes sociétés d'offrir une expérience client transparente, de mettre en place des processus de bout en bout efficaces et de garantir l'évolutivité sur tous les marchés.
« Cela nous permettra de déployer rapidement de nouvelles capacités à travers l'ensemble du groupe et de maximiser la valeur des données au sein et entre les sociétés », explique Ing Yan Ong. « En 2022, nous avons terminé la phase de conception et de construction, nous lancerons des projets pilote du nouveau système dans certaines [sociétés d'exploitation] cette année, et nous commencerons le déploiement industriel en 2024 avec l'intention de terminer le déploiement dans les six prochaines années ».
Former aux enjeux du numérique
La croissance de Heineken nécessite toutefois des compétences supplémentaires et un changement d'éthique. Ing Yan Ong entend s'assurer que les collaborateurs sont prêts pour l'avenir à l'ère numérique. La plateforme d'apprentissage Digifit, accessible aux équipes du département digital & technology (D&T) et aux tiers, a joué un rôle important pour aider les employés à comprendre la nouvelle orientation de Heineken. Le DSI indique que 28 000 modules de formation ont été réalisés en 2022, allant des principes de base du numérique à des sujets plus complexes. « Notre rôle est de former Heineken aux apports du numérique », explique Ing Yan Ong. « Digifit offre une compréhension de base de ce qu'est le numérique, une partie de la terminologie, une approche de ce que cela va être et certaines des conséquences qu'il faut en attendre. Nous organisons également de nombreuses sessions avec les équipes de direction globales, voire régionales, pour les sensibiliser à la façon dont le monde va changer. Je pense que cela aide également à obtenir le soutien [des initiatives IT] ».
L'avenir, ajoute-t-il, est une question d'équilibre. D'une part, Heineken doit mettre en oeuvre sa dorsale numérique, et naviguer dans le travail considérable d'intégration et d'orchestration qui s'annonce. Dans un contexte de tension sur les compétences. « D'un point de vue technologique, faire fonctionner [la dorsale numérique] est une réussite, mais la mettre en oeuvre dans nos sociétés opérationnelles, changer les méthodes de travail et modifier les tâches et les rôles qui l'entourent pour s'assurer qu'elle est pleinement opérationnelle, c'est énorme. Au cours des 12 prochains mois, mon objectif est de veiller à ce que les utilisateurs concernés par les premiers pilotes adoptent le système et d'en tirer des enseignements, car nous allons l'étendre à 85 marchés au cours des six prochaines années ».
Article rédigé par
Doug Drinkwater, IDGNS (adapté par Célia Séramour)
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