Grand Théma : chez Michelin et Servier, le cloud public reste cantonné à ce qu'il fait le mieux
Extensible, facturé à l'usage et disponible mondialement : le cloud public affiche des caractéristiques intéressantes pour certains besoins. Mais pas pour tous, en particulier dans l'industrie. Comme l'illustrent Michelin et Servier, invités de notre émission Grand Théma.
PublicitéLe cloud public a 18 ans (AWS ayant lancé ses premiers services en 2006). Et a atteint une forme de maturité. Dans l'esprit des décideurs IT, l'approche du cloud a aussi évolué. Hier encore assez dogmatique, elle se veut plus mesurée, misant sur les points forts du cloud public là où ils ont du sens, dans le contexte particulier de l'entreprise. C'est ce type de démarches qu'illustrent Michelin et les laboratoires Servier, invités de notre dernier Grand Théma.
Du côté de l'industriel de Clermont-Ferrand (avec un chiffre d'affaires de plus de 28 Md€), Thierry Cognon, le responsable datacenters, cloud et plateformes au sein de la DOTI (Direction opérationnelle de la transformation digitale et des systèmes d'information), dessine l'évolution des usages du cloud public au sein de la multinationale, passés d'une forme de curiosité, à une utilisation du IaaS jusqu'à une approche privilégiant désormais le PaaS. « Notamment pour nous aider à moderniser le parc applicatif », indique Thierry Cognon. Pour arriver à environ un quart du parc applicatif fonctionnant sur ce type d'environnements.
L'usine résiste au cloud
Pourquoi pas davantage ? D'abord parce que le cloud n'est pas adapté aux besoins des 80 usines de Michelin dans le monde, pour des questions de temps de latence. Sur ces sites, l'industriel mène un projet de modernisation de ses infrastructures déployées localement, faisant converger informatique de gestion (IT) et informatique de production (OT). Un projet pluriannuel dit de Unified Edge Infrastructure, « le programme d'infrastructures le plus important actuellement en interne », pour lequel le cloud public ne joue qu'un rôle accessoire, d'agrégation de données ou d'entraînement de modèles d'IA.
Visionnez l'émission des rédactions du Monde Informatique et de CIO avec les témoignages de Michelin et de Servier (vidéo, 35 min.)
A ces limites techniques, s'ajoutent des contraintes de confidentialité des données, reposant sur une classification de celles-ci. Seuls les niveaux les moins confidentiels sont aujourd'hui ouverts au cloud public, « avec des mesures de sécurité différentes en fonction de la classification correspondante », précise Thierry Cognon. Même si Michelin a commencé à travailler avec un fournisseur français certifié SecNumCloud pour héberger certaines applications relevant de son niveau de classification le plus exigeant.
Chez Servier, le cloud cantonné aux filiales
De leur côté, les laboratoires Servier (22 000 personnes) ont intégré une composante cloud public dans un programme plus global de modernisation des infrastructures, baptisé Orion. « Ce programme embarquait quatre promesses : la capacité à travailler de n'importe où, n'importe quand et avec n'importe quel périphérique ; une unification de l'expérience utilisateurs ; un renforcement de la collaboration ; et, enfin, la modernisation d'une infrastructure qui avait bénéficié de peu d'investissement depuis plusieurs années », détaille le DSI groupe, Hubert Tournier. « Il fallait que l'infrastructure ne soit plus un problème. »
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Hubert Tournier, DSI groupe de Servier : « même si le taux d'indisponibilité du cloud est faible, les arrêts de production que ces indisponibilités engendreraient représente des millions d'euros perdus chaque année. »
Prévu sur 5 ans et doté d'un budget de 125 M€ - avec 300 collaborateurs mobilisés - Orion embarque le déploiement de plaques continentales reposant sur le cloud, associée à une migration vers ce type d'environnements d'applicatifs exploités par les filiales. « Au commencement du programme, peut-être par effet de mode, une migration complète de nos infrastructures dans le cloud était envisagée et ce, avec tous les principaux fournisseurs du marché. La démarche a été recentrée sur un seul fournisseur et nous avons acté que les datacenters français, assez modernes, n'avaient pas besoin d'être remplacés », reprend le DSI.
Visionnez l'émission des rédactions du Monde Informatique et de CIO avec les témoignages de Michelin et de Servier (vidéo, 35 min.)
Ce qui, in fine, confère au cloud une empreinte assez modeste au sein d'Orion, Servier exploitant ses applications majeures depuis ses datacenters en France. « Toutes les applications traditionnelles ne sont pas adaptées au cloud. Il faudrait les repenser pour un traitement plus distribué, souligne Hubert Tournier. S'y ajoute notre périmètre industriel - avec 16 usines dans le monde -, où tout arrêt de production coûte extrêmement cher. De l'ordre de centaines de milliers d'euros par heure perdue. Or, même si le taux d'indisponibilité du cloud est faible, cela représente des millions d'euros perdus chaque année. »
Migration progressive du parc applicatif
« Par contre, dans beaucoup de nos autres pays que la France, nos équipes sont petites et nous y exploitons des salles informatiques locales. Dupliquer cet effort n'était pas pertinent », souligne Hubert Tournier. D'où le déploiement de 5 plaques continentales sur le cloud, dans une logique de cloud privé sur Microsoft Azure. Ce recours au cloud est accompagné d'un programme de migration progressive du parc applicatif vers des solutions mutualisées, hébergées sur le cloud. « Nous en sommes à 60% en termes de niveau d'avancement », précise le DSI, qui vise la fin 2025 pour l'achèvement de cet effort.
En complément :
- Pauline Flament, CTO de Michelin : « Le IaaS et le PaaS ne nous ont pas désintermédiés »
- Le blog de la DSI de Michelin
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Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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