Google ou l'appétit de l'ogre
PublicitéGoogle, la succes story de la Silicon Valley, a très faim. Faim de profits, faim de nouveaux produits tous azimuts, faim de jeunes compagnies à absorber. Tellement faim que même Microsoft s'en inquiète et dénonce les tentations monopolistiques de ce concurrent qu'il n'a pas vu arriver. Belle ironie du sort. Google : faim de loup, faim d'ogre, ou obésité adolescente en vue ? C'est, de fait, un des maux américains les plus répandus... La force de Google tient d'abord a son appétit féroce sur son marché naturel : la publicité en ligne. Les résultats du premier trimestre 2007, publiés le 19 avril, confirment la tendance : le groupe, qui tire 99% de ses revenus des recettes publicitaires, a connu une hausse de 62,9% de son chiffre d'affaires et de 69% de son bénéfice, qui atteint un milliards de dollars pour le trimestre, contre « seulement » 592 millions de dollars au premier trimestre 2006. Et cette croissance sur son marché surperforme largement celle de ses compétiteurs. Google, déjà très largement leader de la publicité en ligne en Europe, s'arroge ce trimestre 76% du total des recettes publicitaires sur les moteurs de recherche aux Etats-Unis, contre seulement 59% en 2006. Écrasant au passage son challenger Yahoo !, qui doit se contenter de 16,3%, et repenser sa stratégie. De quoi faire rêver le marché, qui valorise aujourd'hui Google à 160 milliards de dollars. Deux fois plus que Boeing, un peu plus qu'IBM...L'adolescent a bien grossi depuis son introduction en bourse en août 2004, et ne semble pas près de s'arrêter... Google a aussi de plus en plus faim pour des compagnies a fort potentiel. La stratégie de croissance dans la Silicon Valley passe assez naturellement par l'achat de sociétés aux services complémentaires. Google pousse le modèle à son paroxysme. Google veut contrer Microsoft en proposant une suite bureautique en ligne ? La société s'offre Writely, le logiciel de traitement de texte collaboratif sur Internet, et sort une suite de plus en plus complète...Sans bien savoir comment la monétiser. L'offre Google Video ne décolle pas face à son compétiteur local YouTube ? Qu'à cela ne tienne : Google rachète YouTube pour 1.6 milliards de dollars. YouTube perd plus d'un million de dollars par mois, et les procès qui l'attendent nécessitent de fortes provisions, et vont mobiliser les avocats de Google et les talents de négociateur de ses dirigeants pendant de long mois. Qu'importe, les utilisateurs adorent : n'est ce pas ce qui compte ? Aujourd'hui, c'est DoubleClick, société spécialisée dans la vente d'espaces publicitaires en ligne, qui tombe dans l'escarcelle de Google, pour 3,1 milliards de dollars. C'est cher payé, mais cela renforce l'ogre sur l'amont de sa chaîne de valeur, et c'est malin. Cela fait cependant beaucoup à avaler d'un coup pour une société dont la stratégie de diversification ne semble pas très lisible. Et surtout, cela ne laisse plus grand chose à manger sur ce marché. Il va falloir trouver d'autres gibiers. Google a aussi faim de nouveaux produits et services développés en interne. Google Maps, Gmail, Google Earth, Google News, Google Finance, Google Docs, Froggle, Google Base. La liste est longue, et ne va pas s'arrêter tant ce lancement perpétuel semble être ancré dans les gênes de la société. Combien sommes-nous à connaître ces services, pourtant souvent très innovants ? Ils ne rapportent aujourd'hui rien, et sont parfois en deçà de leurs compétiteurs directs. Google Docs, la suite bureautique gratuite et en ligne, est ainsi nettement moins convaincante que ses compétiteurs Zoho ou ThinkFree. Mais qu'importe, il faut manger, beaucoup et vite, pour être leader. Surtout, pour soutenir tout cela, Google a faim de serveurs ! Espaces de stockage et de distribution de données, ils sont la clé du développement de l'entreprise. Google est aujourd'hui, de très loin, l'entreprise qui en achète le plus au monde. Pour environ 2 milliards de dollars cette année ! Mais que va faire notre ogre de tout cet espace de stockage, et de toutes ces données qu'il ingère à un rythme effréné ? Alors, Google : ogre gentil ou ogre méchant ? « Don't be evil » - ne soit pas mauvais, comme le proclame la philosophie affichée par la compagnie, ou intentions plus subtiles ? Dans la Silicon Valley, ils sont de plus en plus nombreux à s'inquiéter de l'appétit insatiable de Google. Car Google a aujourd'hui tendance à manger de tout. Et il n'est pas sûr que la société de Mountain View soit capable de tout digérer aussi vite. La mauvaise graisse pourrait s'accumuler et alourdir le nouveau géant, s'il ne sait la transformer en muscle. Aujourd'hui, tout semble réussir au bon ogre Google. Il pourrait devenir mauvais s'il ne sait tempérer son ardeur. Et, à y regarder de plus prés, la façon dont il va digérer et restituer toutes ces données dont il semble avoir un appétit sans fin sera un des grands enjeux des années à venir dans la région.
Article rédigé par
Dominique Piotet, Président de l'Atelier BNP Paribas à San Francisco
Diplômé de l'Institut d'Etudes politiques de Paris et du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a été responsable de la stratégie e-business au sein de La Poste, consultant et est aujourd'hui Président de l'Atelier BNP Paribas à San Francisco.
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