Gestion des risques juridiques : éviter les sources de conflits
Plus on met les projecteurs sur les malversations financières, plus on en oublie les responsabilités de tous les autres pans de l'entreprise. D'un point de vue économique, l'entreprise entretient le paradoxe d'être à la fois le meilleur créateur de richesses et le plus grand générateur de risques, et cela quelque soit son secteur d'activité.
PublicitéLe contexte de crise mondiale qui perdure depuis 2008, accentué ces dernières semaines avec l'ampleur des déficits de certains états et la crise de confiance dans la zone Euro, offre une nouvelle démonstration du grand écart qui existe entre discours et réalité économique. Dans ce type de situation, la gestion des risques revient au coeur des préoccupations.
Pour les entreprises comme pour les collectivités et les instances publiques, cette thématique est plus que jamais d'actualité. Quand on en arrive au contentieux, il est trop tard. Beaucoup de conflits auraient pu être évités si l'anticipation et la prévention des risques juridiques avaient été bien menées. A l'origine d'une majorité des litiges, on retrouve encore trop souvent des contrats mal rédigés ou mal bornés, laissant place à toutes les interprétations possibles, ainsi qu'une mauvaise identification des responsabilités. Dans nos civilisations de droit écrit, il existe de multiples règlementations. La question est de déterminer qui doit les faire respecter et comment. Les juristes d'entreprise, aidés par des systèmes d'information adaptés, ont un rôle moteur pour participer à cette indispensable prévention, vérifiant que les projets sont bien conformes aux règles et à l'éthique.
Les risques juridiques dans les domaines informatique et technologique, à la fois complexes et variés, en sont une excellente illustration. L'investissement IT des entreprises et du secteur public se chiffre en milliards d'euros. Il représente un enjeu économique fort, en période de réduction des coûts. Or, qui dit hautes technologies dit haut niveau de risques, à toutes les étapes d'un projet, que ce soit en termes de responsabilité par rapport au droit (social, environnemental, etc.) qu'au regard des risques de réputation et médiatique, quand l'image de l'entreprise et la personnalité des dirigeants sont mises en cause.
L'analyse des contentieux informatiques de ces dernières années est instructive, et la jurisprudence plutôt fournie. On peut classer ces risques juridiques en plusieurs grandes familles qui représentent autant de situations vécues dans de petits comme de grands projets.
- La rupture des pourparlers. Beaucoup d'avant-projets démarrent sur un simple « tope-là » sans contrat formel. En cas de rupture fautive, l'entreprise est mal préparée.
- L'incontournable débat entre obligation de résultat et obligation de moyens. Si la première est sans ambiguïté (le résultat est atteint ou non), la seconde oblige l'entreprise à faire la preuve que tous les moyens nécessaires n'ont pas été fournis.
- Le manquement aux obligations de conseil. Il existe une grande disparité sur la nature des obligations de conseil du prestataire, avec une notion de prévisibilité qui entre en compte. Les projets web sont ici une source de conflits récurrents.
- La validité des fameuses « clauses limitatives de responsabilité ». Celles-ci font actuellement l'objet d'un contentieux important. La veille juridique est nécessaire sur ce point pour assurer la pleine effectivité des clauses négociées.
PublicitéLes assureurs ont pris conscience de la portée de ce type de risques. A l'image du courtier AON, qui a mis en place un observatoire anonyme des sinistres des projets technologiques, recensant une large typologie de risques.
Il est important que les entreprises prennent pleinement conscience des enjeux que ces risques font peser sur leur activité. Le recours au contentieux est long et fastidieux.
Une bonne maîtrise de ces risques, facilement identifiables, passe avant tout par la prévention et la préparation contractuelle. Car il est plus facile de sortir d'un litige quand il a été prévu un cadre clair et précis où la négociation garde toutes ses chances. On ne « recycle » pas un contrat-type pour un nouveau projet : il faut à chaque fois repartir à zéro et se donner le temps d'une vraie réflexion sur les risques avant signature, entre les différentes parties prenantes. Une étape de « déminage » nécessaire pour éviter les conflits si le projet dérape.
« Il est important que les entreprises prennent pleinement conscience des enjeux que les risques juridiques font peser sur leur activité. Le recours au contentieux est long et fastidieux. Une bonne maîtrise de ces risques passe avant tout par la prévention et la préparation contractuelle. » expliquent ainsi Maîtres Christiane Féral-Schuhl et Bruno Grégoire Sainte-Marie du Cabinet Féral-Schuhl / Sainte-Marie
Article rédigé par
Patrick Deleau, Président de Legal Suite
Titulaire d'une maîtrise en Droit des Affaires et d'un DESS de Finance, Patrick Deleau a occupé successivement depuis les années 80 les fonctions de Credit Manager chez Digital Equipment France, de Directeur Juridique chez Wang France et PrimeComputer Vision France, puis de Directeur Administratif Groupe chez Matra Datavision. Il devient en 1993, le Directeur juridique du Groupe Steria pendant 10 ans. Ses 25 ans d'expérience et de responsabilités dans les domaines du droit
des affaires et des technologies de l'information ont permis à Patrick Deleau de devenir un véritable expert de la sécurité juridique, du « risk management » et des problématiques juridiques internationales.
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