Stratégie

François Madjlessi (CIO Ponts ParisTech) : « pas de promesse, du pragmatisme ! »

François Madjlessi (CIO Ponts ParisTech) : « pas de promesse, du pragmatisme ! »
François Madjlessi, DSI de Ponts ParisTech, insiste sur la nécessité de se focaliser sur l’innovation d’usage avant d’envisager l’innovation technologique.

Arrivé en poste juste avant le premier confinement lié à la crise sanitaire, François Madjlessi s'est focalisé sur la continuité d'activité de l'école des Ponts Paritech. Il a fallu adapter dans l'urgence le SI, notamment les logiciels de CAO ayant un intérêt pédagogique, avec recours au cloud public pour des solutions qui n'étaient pas du tout prévues pour cela.

PublicitéOn peut rêver d'une meilleure entrée en matière. Jusqu'alors DSI de l'Université Paris Dauphine, François Madjlessi a pris ses fonctions de CIO de l'école des Ponts Paritech en pleine crise sanitaire, juste avant le premier confinement. Cet établissement a des particularités fortes et une histoire ancienne (voir encadré) mais n'était guère préparé à affronter la crise. Ses besoins spécifiques généraient en effet des difficultés particulières. Et, d'une culture très fortement technologique, l'école avait l'habitude de compter sur ses seules forces sans recourir, par exemple, à du cloud public.

« Nous disposons d'environ 150 applications, essentiellement en local sur nos propres datacenters internes, une partie étant d'ailleurs issue de développements propres internes » indique François Madjlessi, CIO de Ponts ParisTech. Il y a trois parties assez distinctes dans l'informatique de cet établissement : l'informatique administrative et de gestion, l'informatique pédagogique (celle utilisée pour les enseignements) et l'informatique de recherche. Contrairement à beaucoup d'établissements cumulant enseignement et recherche où les chercheurs maîtrisent en général leurs propres outils, toute l'informatique est ici entre les mains du service informatique.

La continuité pédagogique avant tout

Lorsqu'est survenue la crise sanitaire, il n'y avait pas même un système de vidéoconférence adapté disponible. La priorité numéro 1 a été d'assurer la continuité de l'activité pédagogique, tant sur les cours magistraux que sur les travaux dirigés. Or les travaux dirigés requièrent l'usage de logiciels techniques pas du tout conçus pour être disponibles en mode web, du moins lorsqu'ils sont installés on premise au sein du datacenter d'un établissement. Ponts ParisTech utilisent par exemple les logiciels Matlab, Catia, Abaqus, Transcadet, Pléiades, Rhinocéros, ST1 et Pythagore. François Madjlessi se souvient : « en urgence, nous avons déployé Teams et Zoom pour assurer la continuité pédagogique en nous appuyant sur le cloud public. Nous avons aussi eu recours à Azure pour créer des salles de cours virtuelles. »

Ouvrir un accès au datacenter, même avec un VPN, est en effet un générateur de failles. Avec le soutien d'Insight, les logiciels ont donc été virtualisés et déposés sur Azure. « Il est impossible, d'un point de vue pratique, de mettre tous ces logiciels dans un poste virtuel » avertit François Madjlessi. Outre la question des licences (qu'il faut gérer : les décomptes s'effectuent différemment dans le cloud et on premise), la migration est aussi une question technique. François Madjlessi précise : « il faut, application par application, repenser l'architecture pour réaliser la virtualisation et basculer le logiciel dans le cloud. Les effets de bord techniques et juridiques sont nombreux. Par exemple, il faut savoir éteindre des ressources inutilisées pour ne pas exploser les coûts : c'est un nouveau monde pour nous. » Bien entendu, il a fallu former étudiants et enseignants à cette nouvelle forme d'usage. La disponibilité des logiciels était, du coup, complète, 24 heures par jour, sept jours par semaine, à partir de n'importe où, y compris du domicile des étudiants ou des enseignants.

PublicitéLe domaine administratif à refondre... après

Côté administratif aussi les difficultés ont été importantes. Deux domaines méritent des refontes, les outils en place étant aujourd'hui obsolètes. D'un côté, il y a la fonction finances, reposant actuellement sur le logiciel SSP de GFI qui ne sera plus maintenu au 1er janvier 2023. De l'autre, la gestion de la scolarité repose sur un ancien développement interne. Il est prévu en 2021 de mener des appels d'offres pour renouveler ces outils structurants. Un marché a déjà été remporté par Ernst & Young pour l'assistance à maîtrise d'ouvrage dans le choix d'un nouvel outil de gestion financière. « Le seul but de ces outils, c'est que ça marche » martèle François Madjlessi. De fait, personne n'a jamais innové avec un logiciel de comptabilité... Il n'est pas prévu de recourir à du SaaS en la matière. François Madjlessi se rappelle : « à l'époque où j'étais en poste à l'Université Paris Dauphine, nous avions envisagé une bascule SaaS pour tous les établissements du réseau PSL [Paris Sciences Lettres] et nous avions alors eu la preuve que l'offre n'était pas mature. Le coeur administratif devrait donc reposer sur nos datacenters. »

Les collaborateurs de l'école ont été dotés en urgence de PC portables puissants avec un grand écran pour travailler confortablement de chez eux. Ces postes ont été équipés d'un VPN et connectés de ce fait au datacenter interne de l'école. La capacité réseau de celui-ci a été doublée en se reposant toujours sur l'opérateur Céleste. Le déploiement s'est opéré par ordre de priorité des métiers exercés tel que précisé par la direction de l'école. 140 connexions bien cadrés ne posent pas de véritables problèmes de sécurité, contrairement à des milliers pour la pédagogie.

Et de multiples petits sujets vitaux

« Face au Covid, pas de promesse, du pragmatisme ! » insiste François Madjlessi. De nombreux sujets se sont ajoutés aux grands blocs fonctionnels déjà évoqués. Par exemple, il a fallu organiser les élections des représentants des élèves au conseil d'administration de l'école. Pour cela, l'école a eu recours à une solution SaaS, Avmeeting d'Alphavote. La participation, par rapport à l'année précédente, a triplé... « Nous allons probablement conserver ce système au-delà de la crise sanitaire. C'est encore un exemple de l'accélération de la transformation digitale par le Covid » se réjouit le CIO.

Et puis il a fallu assurer les événements incontournables en les basculant du physique au digital, le tout dans l'urgence, avec des outils en place ou aisément disponibles, donc avec un peu d'astuce. Pour la diffusion des voeux de la directrice, le CIO a ainsi employé Teams Live Event, ce qui a permis d'accueillir un millier de participants. Tous les trois mois, l'école organise un séminaire école-entreprises, les Matinales des Ponts, qui accueillent plus de deux cents participants. Pour ces événements, les intervenants ont été dotés de pieuvres Logitech et de caméras et l'ensemble a été réalisé sous Teams. Enfin, un séminaire de formation doctorale alternait des présentations en plénière et des ateliers mais il était impossible de monter une solution dédiée en quelques jours. Une astuce a permis de réemployer Teams pour cela : une réunion par atelier plus une réunion plénière, avec des liens en commentaire pour passer de l'une à l'autre.

Des leçons tirées

Pour François Madjlessi, « l'ère n'est pas à la transformation majeure ou à l'innovation technologique mais bien à l'innovation d'usage. Il faut comprendre les enjeux, trouver avec astuce une solution adéquate et accompagner les utilisateurs. Sans aucune prouesse technique, nous cherchons à contourner les irritants et les blocages. »

Dans les mois à venir, l'école va devoir poursuivre une véritable transformation. Celle-ci va reposer d'abord sur la consolidation de ce qui a été lancé dans l'urgence. Les outils doivent être pérennisés, sécurisés et fiabilisés. Pour l'ensemble, il va également falloir garantir la continuité d'activité et la sécurité, encore une fois, des dispositifs. Enfin, Ponts ParisTech va relancer les projets de modernisation de son coeur applicatif qui a été mis en pause à cause de la crise sanitaire. D'une manière générale, il s'agira d'accentuer la transformation numérique et d'accroître la collaboration.

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