Faire le marketing de l'IT auprès des métiers, une nécessité pour les DSI
Le travail accompli par l'IT ne parle pas de lui-même : telle est la dure réalité. Pour communiquer sur sa valeur, les DSI doivent développer un état d'esprit marketing et des compétences narratives dans tous les rangs de leur département. Quatre d'entre eux témoignent sur cet enjeu clef.
PublicitéLa manière dont quelque chose est perçu est importante, en particulier pour les organisations IT internes. Si les DSI sont parfaitement conscients de la valeur essentielle créée par leurs équipes, cette valeur n'est pas toujours évidente pour les parties prenantes et les clients. Chacun peut espérer que son travail parle de lui-même, mais la réalité est que les responsables informatiques doivent communiquer sur les réalisations de l'IT, afin que les autres métiers puissent comprendre pourquoi et comment celles-ci comptent pour eux. En d'autres termes, ils doivent penser et agir comme des spécialistes du marketing, en façonnant le message de l'IT de telle façon qu'il résonne.
L'incapacité à communiquer efficacement la valeur de l'IT contribue à de nombreuses frustrations auxquelles les organisations technologiques sont confrontées aujourd'hui, qu'il s'agisse de l'absence d'implication en amont dans le processus de prise de décision stratégique, du manque de soutien financier pour les initiatives clés ou du faible engagement des employés. Cela affecte même l'impact perçu. Une étude de l'Info-Tech Research Group a établi une corrélation directe entre la satisfaction globale à l'égard des technologies de l'information et la satisfaction à l'égard de la communication de l'IT.
Kirk Ball, vice-président exécutif et directeur des systèmes d'information de la chaîne de supermarchés Giant Eagle, fait remarquer qu'il n'est plus possible de séparer la technologie du métier ; la technologie est le métier. Mais il faut travailler pour transformer les perceptions de longue date et rendre la proposition de valeur de votre organisation tangible pour tous vos partenaires métiers. Lors d'une récente table ronde virtuelle, Kirk Ball a rejoint Claus T. Jensen, directeur de l'innovation de l'entreprise spécialisée dans la télémédecine Teledoc Health, Marykay Wells, DSI du groupe d'édition Pearson, et Anna Reuhl, directrice principale de l'architecture d'entreprise pour la branche matériaux de performance et revêtements de l'industriel Dow. Ensemble, ils ont discuté des stratégies qu'ils utilisent pour marketer la valeur de leur organisation IT et de la manière dont ils développent un état d'esprit et des compétences en matière de marketing au sein de leurs équipes.
Le message compte
Peu d'informaticiens se lèvent du lit en se disant : « J'ai hâte d'aller marketer la technologie aujourd'hui ». Pourtant, chaque membre de la DSI fait du marketing pour l'organisation informatique tous les jours. Chaque conversation laisse une impression. Dans le même temps, les personnes avec lesquelles ils communiquent sont bombardées de milliers de messages par jour, dont elles ne retiennent qu'une douzaine. Dans cet environnement extrêmement bruyant, chaque mot compte. Le jargon et les acronymes qui n'ont aucune signification pour vos partenaires métiers ne font que s'ajouter à la confusion générale.
PublicitéIl n'y a rien de mal à se passionner pour les fioritures d'une nouvelle technologie innovante ou pour les nuances techniques d'un plan d'atténuation des cyberrisques. Mais si l'on n'est pas capable d'en parler d'une manière naturelle et qui résonne auprès de ses interlocuteurs, il sera difficile de se faire comprendre de ses partenaires surchargés d'informations. Les métiers veulent comprendre ce qu'ils y gagnent. Pour obtenir leur adhésion aux initiatives de l'IT et asseoir la crédibilité de la DSI, il faut articuler ces avantages - et les conséquences de l'absence de mise en oeuvre de la technologie - dans le contexte des problèmes et des résultats métiers. « Avec certains groupes, je sais que si je n'adapte pas ma façon de leur parler et le vocabulaire que j'utilise, je risque de les perdre en 30 secondes », explique Kirk Ball.
L'organisation d'Anna Reuhl chez Dow applique également cette approche multilingue à la communication avec les métiers, en s'adaptant à la langue à laquelle chaque public est le plus habitué. « Nous avons tendance à privilégier le langage et le storytelling de l'industrie, car c'est la langue vernaculaire de 95 % de l'entreprise. Et sur le plan stratégique, nous avons tendance à utiliser un langage similaire à celui de la recherche et du développement ou de l'innovation », explique-t-elle. « Ainsi, dans le domaine de l'architecture, lorsque je suis avec un groupe qui ne sait pas nécessairement ce qu'est l'architecture d'entreprise, je l'explique dans le contexte de la R&D et de l'innovation. » Même de simples changements dans la formulation peuvent faire une énorme différence dans les perceptions. M. Jensen donne l'exemple d'« intégré » par rapport à « aligné ». Les mots sont similaires, mais ils génèrent des impressions différentes. À un niveau plus large, de nombreux DSI ont entrepris ces dernières années des efforts de repositionnement interne de leur organisation, reconnaissant que le terme d'IT a des connotations très spécifiques, qui ne donnent pas une image complète de la manière dont ils favorisent la transformation et les résultats pour le métier.
Ce qu'il faut en retenir ? La manière dont nous nommons les choses a de l'importance - pour la façon dont les autres nous perçoivent, pour savoir s'ils nous écouteront et même pour la façon dont nous nous percevons nous-mêmes.
Le pouvoir du storytelling
L'un des moyens utilisés par les grands dirigeants pour communiquer une vision convaincante est de raconter des histoires. Marykay Wells, de Pearson, se souvient avoir réalisé à quel point cette compétence est puissante lorsqu'Andy Bird a rejoint l'entreprise en tant que PDG. « Il venait de Walt Disney International, une entreprise où tout tourne autour du storytelling. Il a suffi de l'écouter pendant quelques mois pour comprendre à quel point il était efficace, en tant que dirigeant, pour communiquer sa vision d'une manière que chacun puisse réellement la comprendre et la soutenir, puis apprendre à raconter sa propre version de l'histoire à ses équipes », explique Mme Wells. En plus de donner l'exemple aux autres, il faut leur fournir des cadres pour les aider à surmonter la page blanche, en particulier parce que, comme le souligne Kirk Ball, beaucoup de personnes ne savent tout simplement pas comment bien raconter une histoire.
Mme Reuhl adopte une approche qui devrait trouver un écho auprès des membres de l'équipe IT les plus axés sur les processus. Elle utilise un tableau blanc pour tracer le parcours de l'histoire qu'elle souhaite communiquer. « Je commence par me demander quel est l'objectif que je veux atteindre. Comment je veux que le public se retrouve une fois l'objectif atteint ? Que voulons-nous qu'il pense ? Qu'il ressente ? Qu'est-ce que nous voulons qu'il demande ? J'ai l'habitude de faire une ébauche qui me mène du point A au point B - de l'endroit où l'audience se trouve aujourd'hui au résultat - et je travaille ensuite sur le contenu au milieu. Mais je commence toujours par ce que je veux que le public visé fasse à la fin », détaille-t-elle. M. Jensen insiste sur le fait que l'objectif est primordial. « Il y a une différence entre le storytelling et le fait de raconter des histoires. Assurez-vous de savoir pourquoi vous racontez l'histoire et ce que vous essayez d'atteindre pour que l'histoire transmette le message que vous voulez qu'elle transmette. » La façon dont vous présentez l'histoire a également son importance. Dans le cadre de la composante storytelling de l'académie de leadership de Giant Eagle, les participants apprennent à utiliser des images et des données pour raconter l'histoire et à utiliser des métaphores tirées du contexte de l'auditoire pour expliquer comment la technologie les aidera à atteindre leurs objectifs.
Il convient de noter que les histoires ne doivent pas toujours être des présentations formelles et préparées. Elles peuvent également jouer un rôle important dans le « marketing du quotidien ». En interagissant avec leurs clients dans le cadre de leurs activités, les professionnels de la technologie peuvent utiliser leurs compétences en matière de narration pour éduquer partenaires et parties prenantes, que ce soit pour susciter leur enthousiasme au sujet de l'état futur ou pour comprendre où se situe un problème. Claus T. Jensen se souvient d'un moment, au début de sa carrière, où il a dû faire un choix. Il pouvait continuer à être l'expert incroyable auquel personne ne voulait parler en raison de la manière dont il présentait les informations. Ou bien il pouvait devenir un conteur, quelqu'un qui explique ce que la personne a besoin de savoir de manière qu'elle puisse l'utiliser. « J'ai décidé de devenir un conteur », relate-t-il, « afin d'avoir un impact positif sur le monde de façon plus directe ».
Développer un état d'esprit et des compétences marketing dans l'ensemble de la DSI
Même les responsables IT férus de marketing ont du mal à faire adopter à leurs équipes un état d'esprit marketing et à développer leurs compétences en matière de narration et de communication. M. Jensen, qui a parrainé et animé un programme de formation sur la narration pour ses équipes dans trois entreprises différentes, explique que la première chose à faire est de reconnaître que ce n'est pas quelque chose qu'on leur a enseigné à l'école. Cela va les amener à sortir de leur zone de confort, et c'est tout un processus que d'opérer ce changement. « J'envisage les choses en trois étapes », explique-t-il. « Tout d'abord, il faut changer ce que l'on fait pour commencer à changer l'image de ce que l'on fait dans son organisation et la façon dont on se présente. Ensuite, il faut changer sa façon de penser. Car si vous n'adoptez pas cet état d'esprit et ne l'incarnez pas vous-même, ce ne sera pas crédible. La troisième étape consiste à changer votre façon d'influencer. » Le programme de storytelling fait partie d'un parcours de formation pluriannuel qui comprend cinq semestres thématiques de six mois, auxquels tous les membres de son organisation participent. Le storytelling est tellement important pour lui qu'il y consacre un semestre entier. « Cela montre que le leadership n'est pas réservé aux cadres, que tout le monde peut choisir de devenir un leader », explique-t-il. « Il ne s'agit pas d'une simple formation. Il s'agit plutôt de prendre conscience du rôle que l'on souhaite jouer dans le monde technologique de demain. En tant que leader, ce n'est pas nous qui déterminons la façon dont les gens se présentent. Ce sont eux qui font ces choix. Nous leur expliquons qui nous sommes, qui nous pourrions être et pourquoi ils doivent y réfléchir. »
Mme Wells est tout aussi déterminée à donner la priorité à la formation au sein de son organisation, et cela va au-delà de la salle de classe traditionnelle. Dans le cadre d'un programme appelé « heures d'apprentissage », les experts techniques rencontrent leurs collègues métiers et ont la possibilité de s'informer sur un nouveau produit en cours de développement, de partager des idées et de collaborer. « Vous perdrez votre public si vous ne comprenez pas le fonctionnement du métier et la valeur que vous pouvez lui apporter », fait remarquer Mme Wells. « Cela leur permet de se réunir, d'apprendre et de s'enseigner mutuellement. Lorsqu'ils repartent, ils pensent à l'impact de leur travail sur celui de l'autre et à la manière dont ils peuvent travailler ensemble pour créer de la valeur pour l'entreprise. »
Établir des liens avec les métiers permet non seulement aux informaticiens d'être plus à l'aise pour parler le langage de leur public, mais leur donne également plus d'occasions de comprendre les problèmes métiers de leurs partenaires et de les informer sur la manière dont ils peuvent les aider à répondre à leurs besoins. Anna Reuhl a vu cette dynamique se déployer chez Dow, qui a investi dans des équipes de relations métiers alignées sur chacune des branches d'activité. « C'est une passerelle à double sens », observe-t-elle. « Nous informons les métiers de ce qui se passe dans le domaine des technologies de l'information et nous nous assurons que les besoins des métiers sont satisfaits par le biais de ces mêmes technologies. »
Intégrer le marketing dans la stratégie
Les organisations qui développent et exécutent intentionnellement des plans de marketing sont moins susceptibles de tomber dans le piège d'une communication « unique » et « générale » et réussissent mieux à communiquer un récit qui positionne l'organisation technologique comme un partenaire stratégique et un anticipateur innovant. C'est l'une des leçons apprises lors d'ateliers de marketing technologique avec les DSI et leurs équipes.
L'équipe de Kirk Ball chez Giant Eagle illustre bien comment la mise en oeuvre d'une stratégie efficace permet de s'assurer que le marketing reste en tête des préoccupations. « Nous essayons d'être attentifs au public et de lui transmettre une histoire. Et il ne s'agit pas seulement de raconter une histoire destinée à l'extérieur, mais aussi en interne », précise-t-il. « Je laisse également l'équipe contribuer à l'élaboration de l'histoire, parce qu'alors ce n'est pas la mienne, c'est la nôtre. Une fois que l'histoire est racontée en interne, on commence à s'assurer de la cohérence entre les différents points de contact et les différentes façons dont les membres de l'équipe technologique racontent celle-ci. »
Il est facile de supposer que tout le monde comprend la valeur qu'apporte l'organisation technologique, en particulier maintenant que la technologie est ancrée dans tous les aspects de l'entreprise. Mais il est rare que le travail parle de lui-même. Les DSI qui réussissent façonnent le récit grâce à une communication efficace et à l'instauration d'un état d'esprit marketing au sein de leur organisation. Comme le fait remarquer Marykay Wells, « les actifs technologiques représentent désormais une part considérable de nos actifs et de la valeur de notre entreprise. Nous devons donc faire en sorte que les collaborateurs commencent à y penser et à en parler différemment, pour renforcer l'idée que la technologie est au coeur de l'entreprise. »
Pour faire passer le message, il faut s'efforcer de combler les lacunes en matière de communication et de recadrer les perceptions, tant au sein de l'organisation technologique qu'à l'extérieur. « Je dis toujours à mon équipe que si votre public ne vous comprend pas, c'est votre problème, pas le leur », explique M. Jensen. « Lorsque vous travaillez dans un domaine spécialisé comme celui de la technologie, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que les gens vous comprennent. Parfois, vous devez leur dire la même chose à dix-sept reprises et ne pas être frustré que cela ne colle pas. Car si cela n'a pas marché, c'est parce que vous n'avez pas assez bien raconté l'histoire. »
C'est, comme il le dit, une dure vérité. La bonne nouvelle, c'est que les DSI peuvent donner aux membres de leurs équipes les outils nécessaires pour qu'ils deviennent de meilleurs communicants et des ambassadeurs de l'organisation. Peut-être que vos collaborateurs ne se lèveront pas le matin en pensant au marketing, mais ils seront mieux équipés pour façonner un récit qui trouvera un écho auprès de leur public et démontrera tous les avantages et la valeur de l'organisation technologique. Le type de marketing auquel nous faisons référence ici n'a rien à voir avec le battage médiatique, les paillettes ou la réalisation d'une vente. Il s'agit de communiquer l'art du possible et d'être capable de raconter une histoire qui incite les gens à faire le voyage avec vous. Plus vous y parviendrez, plus vous serez crédible, plus on vous fera confiance et plus vous aurez d'occasions de créer de la valeur pour l'entreprise.
Article rédigé par
Dan Roberts, IDG NS (Adaptation par Aurélie Chandèze)
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