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Facturation électronique : le report de la réforme bouscule les chantiers de mise en conformité

Facturation électronique : le report de la réforme bouscule les chantiers de mise en conformité
Cyrille Sautereau, le président du FNFE lors de la journée de la facture électronique, le 7 mars : « On a mis 30 ans pour arriver à un taux de 15 ou 20% de factures électroniques. C’est la conséquence de l’absence de règles communes. » (Photo : R.F.)

Ouf, deux ans de plus pour adopter la réforme ! Sauf que ce report engendre certaines difficultés et génère des surcoûts dans les entreprises. Elles tentent en effet de devancer l'échéance de 2026, mais se heurtent à des obstacles pratiques.

Publicité« Nous avons assisté à beaucoup d'évolution en termes de calendrier et de périmètre. Ce qui oblige à repenser les scénarios de mise en conformité au sein des entreprises ». Pour Christophe Viry, le directeur du marketing produit de Generix, un éditeur candidat à devenir PDP (Plateformes de dématérialisation partenaires), le report de la réforme de la facturation électronique se traduit inévitablement par une refonte des projets au sein des organisations qui avaient débuté leur adaptation. Un projet souvent difficile et coûteux, car il suppose de traiter de nombreux cas particuliers et de revoir de multiples processus. « Qui plus est, les entreprises doivent rester en veille réglementaire sur le sujet en permanence, car le chantier est encore appelé à bouger. Il faut accepter de travailler dans un mode d'amélioration continue. On parle d'une réforme très complète dans un pays complexe sur le plan réglementaire. Le report du lancement du PPF (le Portail Public de Facturation sur lequel se connecteront les PDP privées, NDLR) est le reflet de cet état de fait », reprend Christophe Viry, qui s'exprimait lors de la journée de la facture électronique 2024, organisée le 7 mars par le FNFE (Forum national de la facture électronique).

Un ballon d'oxygène... et des difficultés

L'objectif pour les entreprises qui ont démarré tôt leur mise en conformité - pas moins de 1300 d'entre elles s'étaient ainsi inscrites pour le pilote censé démarrer début 2024 dans le calendrier de la réforme avant son décalage - consiste à ne pas perdre l'élan et à minimiser les surcoûts que le report va entraîner. « Nous estimons désormais que le pilote en production démarrera mi-2025 ou au troisième trimestre 2025, reprend Christophe Viry. Avec l'exposition de l'annuaire, que j'espère pour fin novembre, ce sont de nouveaux éléments à intégrer au planning des projets. » Si le délai peut permettre aux DSI et aux DAF d'approfondir certains sujets laissés de côté dans les plannings initiaux (rationalisation des solutions, décommissionnement de solutions existantes, extension à l'international, transformation de la fonction finance, etc.), il n'en pose pas moins un certain nombre de questions au sein des organisations.

« Le report de la réforme nous a apporté un ballon d'oxygène, mais a rapidement soulevé des difficultés. Comment conserver la mobilisation des équipes deux ans de plus ? », lance ainsi Cédric Lollier, le chef de projet MOA finance de Fnac Darty. Le groupe a commencé sa mise en conformité dès 2022, en raison d'un paysage applicatif existant nécessitant de nombreuses adaptations. « Nous avons décidé d'aller au bout des développements entamés, mais de décaler d'un à deux ans les travaux programmés ensuite. Et, même si nous avons décidé de réduire la voilure, l'enveloppe budgétaire consacrée au sujet reste conséquente en 2024 », résume le chef de projet. Par ailleurs, le report a également des impacts sur d'autres projets : « nous avions gelé des investissements pour les programmer sur la période post-réforme, indique Cédric Lollier. Avec le décalage de deux ans, ce n'est plus tenable. » Fnac Darty a, enfin, pris le parti de devancer l'échéance de la réforme, en basculant des flux de facturation en avance de phase pour éviter une transition en mode Big Bang.

PublicitéInteropérabilité : tout n'est pas réglé

Ces travaux en amont de la date butoir ne vont pas sans soulever des difficultés pratiques, faute de disposer d'un certain nombre de composants clefs. Comme en témoigne Pierre Bonsack, de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France : « nous venons de migrer sur notre future plateforme PDP @GP cinq fournisseurs rattachés à cinq PDP ou prestataire d'EDI différents. Il faut le faire à la main, au cas par cas. Disposer d'un réseau d'échanges et d'un annuaire représenterait une simplification importante dans la mise en oeuvre, d'autant que cet environnement change en permanence. » Si l'AIFE a bien promis la disponibilité de l'annuaire des organisations assujetties à la réforme avant la fin 2024, la disponibilité d'un réseau d'échange, permettant d'assurer l'interopérabilité entre PDP, reste attendue. Pour ce faire, un prototype basé sur l'ensemble de spécifications européennes Peppol, visant à simplifier des échanges de documents d'approvisionnement électroniques dont des factures, a été initié en France, réunissant 60 participants dont 40 candidats PDP. Objectif : traiter des flux en production dès le premier semestre de cette année.

« On a mis 30 ans pour arriver à un taux de 15 ou 20% de factures électroniques à base de données structurées. C'est la conséquence de l'absence de règles communes, qui comprennent certes un cadre commun et un timing défini - c'est l'objet de la réforme -, mais aussi une organisation de l'écosystème », dit Cyrille Sautereau, le président du FNFE (Forum national de la facture électronique). « Sans réseau et sans fonctionnalité de découverte, la mise en conformité sera lente. L'interopérabilité en réseau, régulée par une autorité, est le seul moyen de passer à l'échelle », reprend Christophe Viry.

Simplifier l'intégration avec les éditeurs de logiciels comptables

La DGFiP indique qu'elle est en train de rechercher une autorité publique assurant la gouvernance du réseau Peppol hexagonal. Le report de deux ans de la réforme apparaît donc, une fois de plus, salutaire, tant le sujet de l'interopérabilité nécessaire entre les différents composants techniques semble avoir été pris en compte tardivement par l'administration. Cela vaut pour le lien entre PDP, mais aussi pour l'intégration entre PDP et OD, les opérateurs de dématérialisation, soit les multiples éditeurs de logiciels gérant la facturation au sein des entreprises. « Quand il dépose une facture sur une PDP émettrice, un éditeur doit être assuré que la facture va arriver à bon port. Pour ce faire, les 500 éditeurs concernés ne vont pas développer un connecteur pour chaque PDP », souligne Thierry Hardion, vice-président du SDDS, une association d'éditeurs et de prestataires spécialisés. Ce dernier attend donc la publication par l'AIFE d'une API correspondant au minimum attendu par la réforme et permettant de simplifier ces intégrations.

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