Expérience utilisateur : chez Deezer, le Big Data ne suffit pas
Au sein de la plateforme de streaming, l'évolution de l'expérience utilisateurs n'est pas uniquement dictée par l'analyse des données d'usage. Une vision qui, seule, masque les besoins ou intentions des utilisateurs.
PublicitéAméliorer l'expérience utilisateur grâce à l'exploitation des données d'usage ? Évidemment, mais pas seulement, plaide Tom Abourmad, User Researcher au sein de la plateforme de streaming de musique Deezer. « La recherche sur la donnée d'usage s'arrête au pourquoi. Or, pour imaginer les fonctionnalités de demain, il faut être en mesure de remonter aux besoins des utilisateurs, à leur intention », indique le spécialiste, membre d'une équipe de quatre personnes spécialisées dans la recherche sur les comportements des utilisateurs, équipe elle-même intégrée au pôle produit/technologies de Deezer.
Pour guider les équipes produit, Tom Abourmad dispose de différentes méthodes, ce qu'il appelle sa boîte à outils. Du traditionnel focus groupe, aux questionnaires dans l'application en passant par les interviews modérées ou non, les tests ou études longitudinales. « Sans oublier la richesse des feedbacks spontanés des utilisateurs, au travers des avis qu'ils rédigent, des retours au service client ou des trackers d'expérience », ajoute le User Researcher. Ces derniers reposent sur des séries de questions soumises aux utilisateurs à des moments clefs (par exemple, quand ils s'apprêtent à résilier leur abonnement), permettant un suivi longitudinal de l'expérience vécue par les utilisateurs.
Etudes in-app : précieuses, mais à utiliser avec modération
Pour piloter ces campagnes, Deezer a peu à peu généralisé l'emploi de la plate-forme SaaS de Qualtrics, éditeur américain spécialisé dans l'étude du comportement des consommateurs en ligne un temps passé dans le giron de SAP. Le déploiement a débuté il y a environ deux ans, couvrant alors la consolidation et l'analyse de questionnaires assez évolués, selon Tom Abourmad. Depuis, le logiciel s'est étendu aux trackers d'expérience, mais aussi aux études in-app, de très courtes enquêtes injectées directement dans l'application dans un contexte d'usage particulier. « C'est une source de connaissances optimale pour les responsables produits et cela allège les sollicitations que nous recevons pour des études ad hoc. La difficulté réside dans le fait ces insertions doivent rester très légères pour les utilisateurs », indique le spécialiste de l'UX.
Le déploiement de Qualtrics a enfin permis à l'équipe User Research de s'inscrire dans les pas de celle spécialisée dans l'analyse de données. « Celle-ci produit beaucoup de tableaux de bord pour que les utilisateurs consultent les données en autonomie. Nous avons pu adopter la même approche, sur la donnée qualitative », observe Tom Abourmad. Un point important selon ce dernier. « Après avoir prouvé la valeur de nos analyses en interne, nous faisons aujourd'hui face à une multiplication des demandes d'études », reprend le responsable. A l'image des Data Office, l'équipe User Research mise donc sur l'autonomie croissante des utilisateurs dans l'analyse des données pour absorber cette demande croissante.
PublicitéAméliorer la fonction de Flow
L'intérêt de la démarche de recherche est notamment apparu sur la fonctionnalité dite de Flow de l'application de streaming. « Une fonction centrale de Deezer qui vise à répondre à la première question des utilisateurs : qu'est-ce que j'écoute ? Le Flow doit permettre aux utilisateurs de lancer rapidement de la musique qui va leur plaire », résume Tom Abourmad. Largement employée, la fonction génère une masse de données d'usage. « Sauf que ce monitoring faisait remonter autant de retours positifs que de potentiels d'amélioration », se souvient l'expert. L'intervention de l'équipe spécialisée dans la recherche sur l'UX permet alors de mettre en évidence que la fonction, qui agrège des morceaux mis en favoris et des suggestions de l'algorithme de recommandation, répond en réalité à des cas d'usage variés.
Tom Abourmad, User Researcher chez Deezer : « l'IA est évidemment appelée à jouer un rôle, surtout dans la digestion des données récoltées par l'application ». (Photo : D.R.)
« Nos recherches exploratoires ont montré l'importance de l'humeur de l'utilisateur, de l'ambiance dans laquelle il est plongé au moment d'utiliser le Flow », reprend Tom Abourmad. Ce constat aboutit à une évolution de la fonction, avec une option permettant à l'utilisateur de configurer son Flow en fonction de son besoin du moment, « en l'orientant vers davantage de découvertes musicales ou, au contraire, vers davantage de repasses. »
Les équipes de Deezer sont aujourd'hui mobilisées sur l'IA. « Cette technologie est évidemment appelée à jouer un rôle, surtout dans la digestion des données récoltées par l'application », assure Tom Abourmad, qui observe toutefois que l'IA ne va pas résoudre d'un coup de baguette magique toutes les questions autour de l'interprétation des données. Selon lui, l'IA générative en particulier apportera de la valeur en interne, par exemple pour réaliser la synthèse des feedbacks d'utilisateurs. Quant à son intégration dans l'application elle-même, si Tom Abourmad reconnaît un réel intérêt à la technologie pour améliorer les fonctions de recherche, un gros travail de Data Science reste à mener, reconnaît-il. « Il faudrait associer des ambiances, des genres et autres caractéristiques à environ 100 millions de titres pour être en mesure de proposer des morceaux pertinents en réponse à un prompt », indique-t-il. Si le potentiel et les données sont là, reste à intégrer de façon fluide ce type de fonctionnalité à une application comptant aujourd'hui quelque 10 millions d'abonnés.
Article rédigé par
Reynald Fléchaux, Rédacteur en chef CIO
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