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Élisabeth Humbert-Bottin (DG du GIP-MDS) : « la donnée issue de la paie devient la référence unique »

Élisabeth Humbert-Bottin (DG du GIP-MDS) : « la donnée issue de la paie devient la référence unique »
Élisabeth Humbert-Bottin, directrice générale du GIP-MDS, pilote ce qui constitue sans doute un des plus grands chantiers sur les datas au monde.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°178 !
La révolution numérique des services publics

La révolution numérique des services publics

Depuis la création de la DINUM (Direction Interministérielle du Numérique), tous les ministères se dotent les uns après les autres d'une direction du numérique. Loin de n'être qu'un détail de vocabulaire pour être à la mode, il s'agit d'une véritable révolution dans les pratiques, une...

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Le GIP-MDS (Groupement d'Intérêt Public Modernisation des Déclarations Sociales) mène les chantiers de la DSN (Déclaration Sociale Nominative) et sa déclinaison dans le domaine fiscal avec le prélèvement à la source. Le secteur public est concerné par la DSN depuis le 1er janvier 2020. Ces chantiers a priori très administratifs constituent en fait un immense enjeu de maîtrise des données de ressources humaines. En forçant l'unification des données, avec un contrôle obligatoire de leur qualité, la DSN et, en moindre mesure, le prélèvement à la source entraînent d'importantes conséquences métiers pour les DRH. Élisabeth Humbert-Bottin, directrice générale du GIP-MDS, revient sur les évolutions toujours en cours et leurs impacts.

PublicitéCIO : Quel est l'état des lieux de la DSN (Déclaration Sociale Nominative) ?

Élisabeth Humbert-Bottin : Pour le secteur privé, la DSN remplace à ce jour 26 procédures. Il reste une vingtaine de procédures sur des publics particuliers tels que les déclarations de congés du BTP, celles concernant les intermittents du spectacle ou les travailleurs handicapés, etc. D'ici deux ou trois ans, elles devraient toutes y être intégrées.
La DSN a comme particularité d'exploiter les données de paye et constitue en fait un retraitement de ces données. 83 % des DSN sont transmises via API en mode machine-to-machine, indifféremment à partir d'applications on premise ou bien SaaS. 52 % proviennent d'experts-comptables qui traitent les payes de TPE/PME. Certains éditeurs ont d'ailleurs leurs propres concentrateurs en ligne, concentrateurs qui ensuite se connectent à nos services.
Si tous les logiciels émettent la DSN, les retours n'ont pas été implémentés par tous. Le traitement des erreurs (mauvais taux de cotisation...) n'est donc pas encore partout automatisé. C'est une source de difficultés, notamment avec les 333 organismes de protection sociale complémentaire. La DSN a constitué une transformation massive pour les éditeurs qui a été perturbée par des évolutions réglementaires qui se sont poursuivies (défiscalisation des heures supplémentaires...). Il est dommage que le Législateur n'ait pas prévu une année blanche sans évolution réglementaire pour achever l'intégration de toutes les fonctionnalités. Nous continuons de voir les éditeurs tous les mois pour poursuivre l'amélioration continue.

CIO : Vous êtes un GIP. La DGFiP vous a-t-elle rejointe avec le prélèvement à la source ?

Élisabeth Humbert-Bottin : Oui, elle nous a rejoint, pas en tant que membre du fait de nos statuts mais en tout que participant actif via une convention. L'important, c'est que la DGFiP soit bien rentrée dans les règles du jeu et soit ainsi devenue un acteur du collectif.
Dans le cadre du prélèvement à la source, nous avons fabriqué un outil sur le modèle de la DSN, baptisé PasRau, pour la DGFiP pour traiter les revenus dits « autres » (indemnités journalières, retraites, pensions d'invalidité...). Tout le monde a bien respecté les normes et il en a résulté que tout a bien fonctionné. Dans un premier temps, à partir de janvier 2019, le prélèvement à la source sur les traitements des fonctionnaires a été traité dans PasRau. Ce système traite aujourd'hui 70 000 déclarations comprenant, chaque mois, un total de 75 millions de lignes par mois.

CIO : Précisément, depuis le 1er janvier 2020, les fonctionnaires vont basculer à la DSN...

Élisabeth Humbert-Bottin : L'ensemble de la Fonction Publique va basculer à la DSN entre le 1er janvier 2020 et le 1er janvier 2022. Après cette dernière date, les anciens systèmes seront débranchés car leur maintenance devient problématique en regard de leur obsolescence.

PublicitéCIO : Qu'est-ce que cela change pour les SIRH du secteur public ?

Élisabeth Humbert-Bottin : Rappelons qu'il n'y a pas qu'une seule fonction publique mais trois : la Territoriale, l'Hospitalière et celle de l'État. Pour la Territoriale, il y a une vingtaine de logiciels de paye, souvent communs avec ceux du privé. Il n'y a pas de problème majeur pour eux. Côté fonction publique hospitalière, la paye se fait au travers de logiciels d'une dizaine d'éditeurs, dont certains sont un peu anciens. La bascule à la DSN y est plus délicat mais le travail se fait. Enfin, pour la fonction publique d'État, en dehors de cas particuliers avec des payes adaptées (CNRS, Gendarmes, Militaires...), c'est la DGFiP qui s'en occupe et réalise la DSN.
Normalement, tout devrait être prêt pour 2021. Le sujet est similaire aujourd'hui dans le secteur public et hier dans le secteur privé. Il faut bien comprendre que la DSN n'est pas un sujet purement technique : il y a une dimension qualité des données, une autre relative aux processus et une dernière aux outils.

CIO : La DSN a-t-elle effectivement amené plus de rigueur dans la gestion administrative des ressources humaines ?

Élisabeth Humbert-Bottin : Il y a deux aspects différents à prendre en compte.
Le premier est que, effectivement, il y a une croissance de la qualité de la paye. Avant, les déclarations et les payes étaient deux processus séparés, sans retour de l'un sur l'autre. Maintenant, la donnée issue de la paie devient la référence unique. Et, via la DSN, il y a un retour, une correction des aberrations. Aujourd'hui, 82 % des responsables RH sont satisfaits de la DSN (contre 73 % il y a un an), 85 % constatent que les transmissions de déclarations sont plus simples, 70 % que les données sont plus fiables et 68 % qu'ils gagnent du temps. En moyenne, sur chacune de ces questions, nous avons gagné 10 % de satisfaction en un an. Et les salariés y gagnent aussi, simplement en ayant des bulletins sans erreur. Ils bénéficient aussi d'une plus grande lisibilité de leurs droits via le portail MesDroitsSociaux dont la rubrique activité professionnelle est alimentée par les données DSN.
Le deuxième aspect concerne le pilotage des ressources humaines. Il n'y a plus de différences entre les données RH de plusieurs filiales d'un même groupe : une seule norme, une seule définition de l'effectif, etc. Les outils décisionnels peuvent donc utiliser plus directement les données issues des payes. Grâce au temps gagné dans la gestion administrative, certaines entreprises se sont mises à faire de la véritable GRH en réaffectant le personnel qui ne fait plus de paperasse.

CIO : L'harmonisation des datas a-t-elle des apports complémentaires pour les entreprises ?

Élisabeth Humbert-Bottin : Certaines réformes à venir auraient été compliquées à mettre en oeuvre sans la DSN. Par exemple, à partir de 2021, les cotisations chômage vont augmenter pour les entreprises utilisant trop de contrats précaires. Le « taux de séparation » sera calculé automatiquement.
On peut envisager des exploitations des données anonymisées issues de la DSN, comme des benchmarks sectoriels, sur le modèle de ce que fait la Banque de France avec les données comptables.
L'industrialisation des corrections par le traitement automatisé des retours permet une amélioration de la qualité des données de paye.
Pour la DSN, le GIP-MDS a dû mettre en place un service d'identité numérique des gestionnaires de paye. Aujourd'hui, nous proposons, pour diverses téléprocédures comme l'abondement du compte formation (une application gérée par la CDC), une mire d'authentification basée sur cette gestion d'identité.

CIO : Côté Etat, peut-on enfin passer du « dites-le nous une seule fois » au « ne nous dites plus rien, nous le savons déjà » ?

Élisabeth Humbert-Bottin : Au départ, il faut tout de même la donnée de la paye... mais, après, tout doit suivre le plus automatiquement possible. Les données de la DSN étant bien normées, elles peuvent être utilisées, via API, par les administrations ayant besoin de collecter des données issues des payes. Par exemple : Untel est-il ou non salarié de telle entreprise ?
Des calculs automatiques de prestations sont progressivement mis en place, alimentés par la DSN et PasRau, afin d'éviter les déclarations. Pour l'heure, il y a le taux de revalorisation de la retraite. Prochainement, il va y avoir les APL, l'ouverture du droit à la CMU-C, les prestations veuvages...
Le GIP est, en fait, un fournisseur de données à toute une série d'administrations et de services publics.

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