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Edito - Un conseil : ne plus suivre les conseils

Edito - Un conseil : ne plus suivre les conseils
Bertrand Lemaire, rédacteur en chef de CIO

Un proverbe rappelle que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. En informatique, c'est le moins que l'on puisse dire.

PublicitéDe nombreux prestataires gravitent autour du DSI. Si le rôle de la plupart est clair avec des effets mesurables permettant de juger de leur efficacité avec des critères objectifs, ce n'est pas le cas de tous. Et, malgré tout, certains sont grassement payés pour des raisons que j'ai souvent du mal à comprendre. Parfois, je me surprends même à une certaine jalousie.
Ainsi, un intégrateur a un cahier des charges à respecter pour livrer un système d'information composé d'un nombre précis de progiciels qui ont dû être paramétrés ou complétés par divers développements. Lors de la livraison, le système livré est testé et le DSI peut vérifier (ou faire vérifier) que le cahier des charges est bien respecté. Au moindre prétexte, il aura malgré tout à coeur de tenter de négocier une petite (ou moins petite) remise. De même, avant même la conclusion du contrat, il aura tenté de négocier une ristourne sur un tarif forcément prohibitif ou jugé comme tel avec force exclamations outragées.
Bon. Quoi de plus normal ? Quoi de plus banal ? C'est de la relation client-fournisseur classique.
Et puis il y a les autres cas.

Pour être crédible, il faut être cher

Ainsi, pour découvrir quelles technologies ont le vent en poupe ou, au contraire, sont has been, un DSI peut s'acheter quelques études. Ces études entendent souvent prédire quelles seront les évolutions de tel marché. Que les précédentes études des mêmes cabinets aient toutes (ou en tous cas souvent) été démenties par la réalité n'a aucune importance. Qu'aucune innovation d'envergure (ou en tous cas bien peu) n'ait été prédite par ces études n'est pas plus pris en compte. Que celles qui ont été anticipées comme de grands succès se soient réduites à un pshiiit revient au même.
Un DSI qui va faire un choix technologique aime malgré tout dépenser de l'argent pour que Mme Irma lui dise que son choix est bon. Surtout, il aime présenter le rapport de Mme Irma à sa direction générale en disant : « ce choix ne peut pas être une erreur puisqu'il est cautionné par Mme Irma. » Si, malgré tout, le choix se révèle aboutir à un échec complet, le DSI aura beau jeu d'expliquer que son choix était forcément bon puisque Mme Irma l'en avait félicité. L'échec ne peut donc pas être de sa faute.
Il arrive aussi que Mme Irma diffuse des témoignages d'autres DSI. Elle les interviewe et retranscrit leurs propos en usant et abusant de concepts étranges et venus d'ailleurs. Des mots compliqués, rien ne vaut cela pour impressionner. Assez bizarrement, il y a moyen de trouver un contenu similaire, en plus clair, synthétique et explicite, pour beaucoup moins cher. Mais ce beaucoup moins cher semble poser un problème : plus c'est cher, plus c'est crédible. Un peu comme dans Le Petit Prince, qu'un contenu soit de qualité, soit agréable, etc. importe moins que de savoir s'il est d'un bon prix. Si le contenu est cher, il est admiré des gens sérieux.

PublicitéL'effet TGCM

Mme Irma peut aussi, avec des critères souvent peu clairs, classer les fournisseurs. Cela part d'un bon sentiment : savoir si tel fournisseur travaille sur des technologies modernes ou non peut être utile avant de le choisir (ou non) en connaissance de cause. Mais quels sont les critères d'un tel jugement de valeur dont les fournisseurs sauront se targuer si le jugement est bon ? « TGCM » dirait-on dans un jeu de rôle.
C'est d'autant plus gênant si le fournisseur a payé pour être évalué par Mme Irma. On peut craindre légitimement que Mme Irma ait apprécié les chèques d'un montant élevé. Comme de toutes les façons les DSI achetant les études de Mme Irma les achèteront quelques soient les résultats, leur avis ou leurs intérêts n'ont aucune importance.
Bizarrement, les études comparatives de fonctionnalités ont moins de succès. Il est vrai que les critères sont objectifs et la justesse des indications aisée à vérifier. Le TGCM ne marche pas dans ce cas. C'est plus carré et moins magique.
Mme Irma a probablement encore de beaux jours devant elle. Sinon elle aurait déjà vendu l'étude prédisant sa propre disparition.

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