Edito - Linux, 30 ans après
Le 25 août 1991, Linus Torvalds annonçait le lancement d'un projet qui a changé le visage de l'informatique : la création de l'OS Linux.
PublicitéA quelle date est né Linux ? Traditionnellement, il est admis que c'est le 25 août 1991, date à laquelle Linus Torvalds annonce sur le forum Usenet news:comp.os.minix qu'il écrit un système d'exploitation. On pourrait aussi retenir la date du 5 octobre 1991, quand il annonce la disponibilité d'une ébauche de la version 0.02 de son noyau, première version à connaître une véritable diffusion. Face au projet universitaire GNU mené par Richard Stallman dès 1983, l'initiative d'un étudiant finlandais de la minorité suédophone semble assez ridicule et Linus Torvalds prend donc la précaution d'indiquer qu'il s'agit d'une initiative tenant plus du loisir et du défi personnel qu'autre chose. Or le projet GNU va aboutir à une série d'outils tels qu'un compilateur mais sans parvenir à publier une version finalisée du fameux noyau de système d'exploitation, baptisé Hurd. Au final, devant le succès progressif de Linux, les deux projets vont se rejoindre. Richard Stallman insistera toujours sur la nécessité de parler de GNU/Linux là où Linus Torvalds préfère garder la paternité exclusive et le nom Linux, au moins pour ce qui relève du noyau du système d'exploitation. Notons au passage que la légende dorée du projet prétend que le nom de « Linux » provient de celui du répertoire FTP où les sources pouvaient se télécharger...
Pourquoi Linux va-t-il connaître le succès ? Sans doute peut-on trouver de multiples thèses pour répondre à cette question. Il n'est en effet pas le premier projet de système d'exploitation libre et il est, a priori, loin d'être le plus sérieux. Le plus ancien est l'Unix mis au point par l'université de Californie située à Berkeley à partir des travaux d'ATT datant du début des années 1970. Une version totalement purgée de l'Unix originel d'ATT est disponible en 1991 en open-source sous le nom de Berkeley Software Distribution (BSD). Dès 1983, il y a donc le projet GNU et son système d'exploitation Hurd, inachevé. Et, en 1987, le professeur d'informatique Andrew Tanenbaum publie un autre pseudo-Unix libre, Minix. Ce dernier vise à apprendre aux étudiants comment construire un système d'exploitation et il est donc ultra-léger mais aussi ultra-limité. Minix adopte une démarche minimaliste et pédagogique avec une architecture micro-noyau là où Linux est un système d'exploitation classique qui vise précisément à dépasser les limitations opérationnelles de Minix. Linus Torvalds s'est d'ailleurs beaucoup basé sur l'enseignement et les ouvrages d'Andrew Tanenbaum.
Bon anniversaire Linux !
Sur le plan géographique, il y a donc plusieurs groupes qui travaillent sur un Unix libre : autour de Linus Torvalds bien sûr, en Californie autour de l'université de Berkeley et, enfin, sur la Côte Est autour du Massachusetts Institute of Technology et de Richard Stallman. Bien entendu, c'est aussi l'époque de l'émergence des échanges télématiques (même si la réelle ouverture publique d'Internet devra attendre encore un peu) et les différents groupes collaborent au-delà de leur environnement géographique immédiat ainsi qu'entre eux.
PublicitéQu'a apporté Linux ?
Aujourd'hui, Linux est présent, peu ou prou, dans toutes les entreprises. Je ne pense pas qu'on puisse trouver d'exception (en dehors d'éditeurs de produits concurrents... et encore !) dès lors qu'il y a ne serait-ce qu'un site web. En effet, c'est le système pratiquement par défaut de tous les serveurs web. Il est la preuve « vivante » que le logiciel libre est un modèle pertinent. Mais, à l'inverse, Linux n'a jamais réussi à s'imposer sur le poste de travail ou les terminaux utilisateurs, si on excepte son dérivé Android qui équipe la grande majorité des smartphones actuels.
Linus Torvalds, initiateur et coordinateur du noyau Linux.
Au contraire de Richard Stallman qui a fait du combat du logiciel libre un combat sur les principes, pour ne pas dire idéologique, Linus Torvalds a toujours eu une approche pragmatique, par la valeur apportée. Linus Torvalds n'a jamais prétendu que tout devait être libre. Par contre, il a démontré concrètement les intérêts du logiciel libre. Il s'agit bien entendu de maîtriser son patrimoine applicatif sans être dépendant d'un éditeur qui peut changer ses conditions commerciales à tout moment. Il s'agit aussi, au travers de l'ouverture des sources, de permettre une collaboration large pour régler tous les problèmes, de la résolution d'une faille à la réalisation d'une évolution fonctionnelle. Enfin, par nature, les outils libres permettent tout type de connexion. Si leur nature est libre, leur essence est l'interopérabilité.
Et la force du numérique repose précisément sur la capacité d'échanger et de collaborer. Les formats ouverts et normalisés, le principe même d'ouverture des systèmes via API, la multiplication des possibilités d'échanges, la défense des intérêts des utilisateurs face aux éditeurs... Tout cela, sans aucun doute, tient pour beaucoup à la philosophie qui sous-tend des projets tels que GNU et Linux. Et l'influence de cette philosophie va bien au-delà du seul Linux dont, pourtant, la présence est aujourd'hui quasi-universelle. L'organisation du développement et de la propriété des sources (avec la création d'une fondation, etc.) fait aussi partie de cet héritage ayant largement inspiré de multiples projets.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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