Edito - La Grande Guerre a des victimes collatérales, notamment l'entreprise
Quand la DSI est écartée des décisions concernant le numérique -notamment le web-, les conséquences pour l'entreprise peuvent être gênantes.
PublicitéAlors qu'approche la commémoration du centenaire de la bataille de Verdun, je vous invite à relire mon édito du 11 novembre dernier sur La Grande Guerre entre DSI et directions marketing. L'actualité nous donne une illustration des effets néfastes de cette grande guerre sur l'entreprise avec la récente mésaventure de Ricard. Si le cas d'espèce n'est peut-être pas concerné par ce que je vais dire maintenant (dans ce genre de cas, les entreprises restent muettes sur les détails, les pourquoi et les comment), cela y fait tout de même furieusement penser.
Un programme de fidélité, un site web, voire une application mobile... des choses finalement assez basiques, en principe assez peu corrélées avec le coeur du système d'information. Du coup, le service marketing peut s'autoriser à piloter tout seul le projet. De toutes les façons, le chantier est confié à une webagency extérieure pour le développement. Et, pour une DSI, franchement, quelques lignes de PHP sur un hébergement externalisé, voilà qui ne motive pas particulièrement les super-ingénieurs internes qui s'amusent plutôt avec des applications Java/C++, aux multiples API pour jongler avec les datas (voire le Big Data grâce à un cluster Hadoop), virtualisées dans un datacenter défini par logiciel et déployées en continu par une méthode de type DevOps. C'est mieux pour le CV que la création d'un petit site web.
Informatique et numérique, même combat
Bien entendu, une telle opposition est une erreur monstrueuse. La révolution numérique repose en grande partie sur ce que l'on pourrait appeler de l'informatique de surface, c'est à dire au contact direct de l'utilisateur : site web, application mobile, etc. Cette informatique de surface repose à son tour sur des socles nécessaires à son fonctionnement, une informatique des profondeurs en quelque sorte. Le bon service délivré en surface repose sur la qualité des fondations en profondeur. Pour qu'une application mobile ou un site web puisse délivrer le bon service au bon moment, il lui faut le plus souvent pouvoir accéder aux bonnes données traitées par des systèmes complexes et cela en temps réel, pas avec des imports/exports de fichiers plats. On ne peut donc pas séparer le numérique fun qui plaît tant au marketing et les outils sophistiqués qui plaisent aux informaticiens. Informatique et numérique, même combat !
Si on ne peut pas séparer les usages et les profondeurs informatiques qui ne sont justifiées que par les dits usages, ce n'est pas la seule raison qui rend obligatoire la saisine d'une DSI pour tout projet numérique, même basique comme un site web. En effet, une DSI aura des processus, des check-lists, un savoir-faire, qui évitera de se rendre compte que le petit site web ou la petite application mobile quick and dirty est surtout une passoire en matière de sécurité ou un sac de noeuds rendant les données générées totalement inexploitables.
PublicitéDe la e-réputation à la sanction lourde
Si le marketing est tellement intéressé par la e-réputation de l'entreprise, c'est le moyen de lui rappeler qu'une brèche de sécurité peut -Ricard est un bon exemple- avoir de graves conséquences sur cette e-réputation. Et, franchement, comme les internautes sont de plus en plus frileux à confier des données personnelles aux entreprises, le succès d'un programme de fidélité voulu par le marketing peut être fortement entravé en cas d'incident de sécurité. Jouer sans la DSI, c'est jouer contre l'entreprise.
Pour l'instant, les risques juridiques restent limités. Demain, avec le nouveau règlement européen sur les données personnelles, les risques seront nettement plus élevés. Les amendes encourues deviennent colossales. La révélation des incidents de sécurité tend vers l'obligation. Le petit projet numérique mené par la direction marketing dans son coin, sans la DSI, pourrait dès lors suffire à couler l'entreprise.
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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