e-SCM : Les offres d'outsourcing tentent de tirer les leçons des 10 dernières années
PublicitéLa base de données et de connaissance BIT-ESOPE (European Strategic Outsourcing PicturE) du cabinet BIT Group contient la mémoire de l'externalisation en Europe sur les 12 dernières années, avec plus de 400 contrats signés dans 12 pays européens depuis 1994 entre des entreprises de l'EURO 500 et le Top 9 des prestataires, et dont plus de 80 ont été détaillés en face-à-face avec leurs commanditaires. Elle permet de corroborer et de chiffrer quelques constats clés présentés lors de la conférence Analystes EMEA organisée par CSC à Florence les 17 et 18 mai 2006. Citons en particulier : < La difficulté d'intégrer les ruptures (fonctionnel es, technologiques, organisationnel es) dans la vie des contrats, < La déception largement partagée des clients quant aux capacités d'innovation et de création de valeur des prestataires (BIT-ESOPE montre que depuis 1999 la satisfaction client sur ce thème n'a pas décollé et les notes restent dans la zone du 3 / 10), < La rigidité « contractuelle » des prestataires, qui leur fait trop souvent oublier les besoins « réels » de leurs clients, qui varient avec le temps par rapport aux besoins « contractuels » inscrits à une date donnée dans un contrat. Les enquêtes BIT Group ont vu le taux de clients satisfaits ou plutôt satisfaits passer de 62% en 1999 à quelques 55% en 2005, avec un décrochage net en 2001 dû à la perception de rigidité exprimée par les directeurs financiers ou les acheteurs des entreprises clientes. Ces enseignements sont particulièrement marqués dans les pays anglo-saxons, où l'on sait que les contrats sont, bien plus souvent qu'en France, « globaux » et de longue durée (7 à 10 ans). Les risques d'immobilisme ou de décalage entre besoins réels et apports de l'infogérant y portent donc plus à conséquence. Le schéma traditionnel consistant à transformer profondément les infrastructures et le système d'information sur un temps court, puis de stabiliser l'ensemble à cet optimum soi-disant atteint, a largement montré ses limites : < Difficulté pour le client comme pour le prestataire de gérer sur un temps court la densité d'une profonde transformation, < Décalage dans la durée avec les besoins Métier, dont les processus évoluent en permanence, de façon modulaire, et en fonction de contraintes et opportunités successives, et non pas « brutalement » sur une courte période. C'est ainsi que des entreprises anglaises pratiquent depuis quelques années déjà l'infogérance tournante de leurs différents domaines IT sur la base de contrats plus courts (3 ans) et à fort contenu de transformation. Elles ré-internalisent les domaines infogérés à l'issue du contrat, quitte à les réexternaliser à périmètre égal ou modifié 18 à 24 mois plus tard. La situation française, voire de l'Europe du Sud, présente quant à el e quelques différences significatives : peu de contrats globaux, et des durées contractuel es plus courtes. Les entreprises n'ont donc pas connu avec la même intensité les insatisfactions constatées chez leurs grands voisins anglo-saxons. Tout au moins, les conséquences en ont été moins sensibles. Les DSI français gardent en particulier une forte maîtrise de leurs projets de transformation, et sont peu enclins à en confier la conception et la réalisation à leur partenaire infogérant, même « global ». En revanche, d'autres difficultés, plus spécifiquement françaises, se sont manifestées : < La difficulté de coordonner plusieurs prestataires, dont la somme des intérêts ne fait pas automatiquement l'intérêt global du client, < La difficulté plus grande de dépasser le niveau des infrastructures ou des applicatifs, pour passer au niveau des processus de management et des processus Métier. Malgré ces différences d'expérience entre pays, chacun en tire des conclusions globalement similaires : L'outsourcing reste une solution « intéressante », car elle constitue un moyen plus efficace que le modèle interne, pour faire pression sur les coûts et pour stabiliser des niveaux de service « corrects ». Néanmoins, l'outsourcing ne tient pas encore ses promesses d'accompagnement des métiers du client et de levier pour l'évolution et la transformation des processus Métier. Quel modèle pour progresser ? Avec l'e-SCM, s'agit-il, une fois de plus, d'un de ces modèles vertueux et globalisants, dont l'informatique a le secret, et qui ne manquera pas de décevoir, ou bien d'une ambition réaliste et d'un objectif atteignable ? Les évolutions que marquent les démarches actuelles vont en tous les cas dans le bon sens. El es visent en effet à faire évoluer le modèle de management lui-même de l'outsourcing plutôt que ses composantes. Ces évolutions s'appuient sur quelques constats réalistes qu'il faut rappeler : < La technologie est une opportunité, mais pas une solution business en el e-même (le downsizing, le regroupement de serveurs ou la mise en place d'un progiciel ne suffisent pas pour créer de la valeur Métier), < Le strict périmètre technique, ou même applicatif, d'un contrat d'infogérance n'autorise pas, quel qu'il soit, à faire de grands discours sur la création de valeur « business » : de ce point de vue,le décalage entre le core business d'un contrat d'infogérance, et l'ambition affichée des plans de progrès associés est souvent peu crédible, < Un prestataire, si puissant soit-il, ne peut prétendre à lui seul, disposer de toutes les capacités et expertises nécessaires à la mise en oeuvre durable de l'alignement Business & IT. Quel es conséquences en tirer ? Essentiellement trois : < Le modèle de management de l'outsourcing doit évoluer : o Prise en compte de toutes les parties prenantes (les services du client, les autres sous-traitants, les éditeurs,...), qui doivent chacun dans leur rôle participer à la recherche de valeur ajoutée, o Prise en compte de l'évolution des besoins du client, ce qui doit autoriser la refonte des conventions de service au sein d'un même contrat. < La performance des organisations prestataires est aussi importante que les technologies ou les processus qu'el es maîtrisent. Cette performance se joue sur le management des hommes, la capitalisation des connaissances ou la gestion de l'innovation entre autres, < Le financement du système d'évolution doit être revu. Le financement des plans de progrès est bien souvent « hypocritement » flou dans les contrats d'infogérance. C'est surtout en direction du management que le modèle e-SCM recense 84 bonnes pratiques, avec cette originalité majeure : le modèle est conçu en miroir : client et fournisseur, selon la règle de bon sens bien connue : un « bon » fournisseur est meilleur avec un « bon » client (et réciproquement). S'il appartient au fournisseur de gérer les compétences de son personnel, la capitalisation des connaissances et l'évolution des performances de son organisation, il appartient au client de définir sa stratégie de « sourcing » et ses principes de gouvernance, d'évaluer ses fournisseurs et de gérer les compétences nécessaires à la maîtrise d'ouvrage des contrats d'externalisation. Le modèle e-SCM propose ainsi 5 niveaux de « capacités » pour juger de la maturité des fournisseurs et des clients à tirer le meil eur parti de l'externalisation. L'offre « Dynamic Sourcing » de CSC L'offre Dynamic Sourcing de CSC, récemment annoncée, s'efforce également de construire une nouvelle approche, mais se différencie d'e-SCM en proposant : < D'assurer la coordination, en mode collaboratif, avec les autres prestataires du client, < De prendre en référence les meilleurs benchmarks des concurrents de ses clients pour faire évoluer les performances du système d'information de leur client, < De réinvestir le gain d'une phase d'évolution dans la phase suivante: le gain accumulé par exemple sur les dépenses de fonctionnement de l'IT est constaté entre les deux parties, et réinvesti d'un commun accord dans un ou des projets, qui vont de nouveau permettre des optimisations de coût, tout en améliorant la valeur « business » du système d'information. En effet, une entreprise européenne ne pouvant assurer sa pérennité que par différenciation (dans la mondialisation, el e doit à tout prix échapper à une compétition par les coûts), il lui faut innover en permanence. Innover, oui, mais dans un environnement économique qui met les marges sous pression, comment trouver des marges de manoeuvre pour financer cet innovation, source de nouveaux projets informatiques ? Le BIT Group préconise de mettre en place un plan pluriannuel de diminution des charges récurrentes de 2 à 3% par an, non pas forcément pour diminuer les dépenses IT, mais pour les réinvestir dans des projets d'innovation, dictés par les Métiers ou la Conformité Réglementaire (contraintes transformées en avantages concurrentiels). L'approche Dynamic Sourcing de CSC peut s'inscrire parfaitement dans ce schéma. Reste bien sûr à vérifier la mise en pratique concrète de ces nouveaux « paradigmes » et à former le voeu que les outils, approches et moyens seront suffisamment efficaces pour répondre dans les faits aux espoirs que font naître raisonnablement ces nouvelles orientations.
Article rédigé par
Gilles Deparis, Analyste et Expert BIT Group
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