E-commerce : quand l'exigence légale devient un atout marketing
Le droit n'est pas nécessairement l'ennemi du spécialiste du marketing. Au contraire, il peut améliorer l'efficacité des sites de vente en ligne.
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Le commerce électronique en France se porte plutôt bien malgré le contexte économique difficile : 45 milliards d'euros de CA en 2012 pour la France, soit 19 % de plus qu'en 2011 (source : FEVAD, Fédération e-commerce et vente à distance).
En France, les sites de commerce en ligne pourraient être plus « vendeurs »
Mais pour l'instant, il ne représente en France que 8% des ventes de détail et révèle des taux de transformation (pourcentage d'acheteurs sur le nombre total de visiteurs sur un site web pendant une période de référence) relativement faibles. Le taux de transformation des sites marchands BtoC en France était seulement de 2,4% au premier trimestre 2012 selon la FEVAD qui base ses calculs sur 40 sites leaders de l'e-commerce hexagonal.
La dernière enquête de l'association « Que choisir » (« Surfer en tout tranquillité », mars 2013) montre que le taux de satisfaction sur les sites marchands est en légère baisse (-2.6% par rapport à 2010). Les reproches les plus souvent invoqués par les consommateurs concernent la protection des données personnelles, la sécurité des paiements, le droit de rétractation, les délais de livraison et les coûts cachés. L'enquête révèle aussi les difficultés rencontrées par les consommateurs pour identifier et contacter les cybermarchands. Difficultés exacerbées par l'apparition des places de marché ou « market places » (Amazon, CDiscount, Fnac, etc.).
Renforcement des contraintes juridiques en faveur du consommateur
Les articles L.121-18 et L.121-19 du code de la consommation imposent au commerçant en ligne une obligation générale d'information portant sur de nombreux points : description des caractères essentiels des biens et services, nom du vendeur, modalités de paiement et de livraison, existence du droit de rétractation, etc.
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Cette exigence légale va d'ailleurs se renforcer. En effet, la directive européenne 2011/83/UE qui entrera en vigueur au plus tard le 13 juin 2014, imposera un cadre juridique encore plus stricte concernant l'information et la défense des droits des consommateurs.
Aucun professionnel du marketing ne peut aujourd'hui ignorer le cadre juridique devenu complexe et multiforme du commerce électronique.
Le droit n'est pas l'ennemi du « marketing»... bien au contraire !
Mais cela ne signifie pas pour autant que le droit est l'ennemi du «marketing », bien au contraire... Le respect des règles de droit a pour principal avantage de rassurer le consommateur et peut améliorer indirectement le taux de transformation.
Pour conserver une bonne e-réputation, améliorer son taux de transformation et fidéliser ses clients, un site de commerce en ligne a tout intérêt à davantage respecter les droits des consommateurs en les informant le plus possible sur ses conditions générales de vente et sa politique de confidentialité. Ceci est d'autant plus vrai que le consommateur est de plus en plus informé et voit son pouvoir renforcé par le développement du web 2.0 à travers les blogs et les réseaux sociaux.
Quand l'exigence légale devient un atout marketing
De fait, certaines obligations juridiques sont devenues autant de bonnes pratiques de marketing :
- L'identification du cybervendeur, notamment dans les conditions générales de vente est une obligation primordiale pour rassurer le consommateur. formulée notamment dans la Loi pour la Confiance Numérique (art. 6 III et 19) et le code de la consommation (art. L.121-18 et 19) .
- Respecter les données personnelles, notamment l'« opt-in », qui soumet la collecte des données personnelles et l'envoi de prospections commerciales au consentement clair et préalable de l'internaute (article 22 de la Loi pour la Confiance Numérique).
En matière de sécurité de paiement, il est important de rappeler les dispositions protectrices du code monétaire et financier (art. L.133-24) qui donnent au titulaire de la carte bancaire 13 mois à compter du débit pour contester un achat litigieux et se faire rembourser. L'achat en ligne ne constitue pas un espace particulier de risque pour le particulier. L'usurpation d'identité se fait dans le monde physique. Elle concerne donc potentiellement tous les possesseurs de carte bancaire, acheteurs en ligne ou non.
Faciliter le droit de rétractation : il est peu judicieux de compliquer l'exercice de ce droit, les clients privilégiant les sites qui facilitent leur démarche. De nombreux sites proposent des délais de rétractation à 30 jours, voire 100 jours. Certains prennent également à leur charge les frais de retour, ce qui va au-delà des exigences légales du droit de rétractation mais qui constitue, par contre, un formidable argument marketing. Notons que la directive 2011/83/UE qui entrera en vigueur au plus tard le 13 juin 2014 prévoit de modifier le délai légal de 7 à 14 jours.
Les pratiques à éviter (...)
Les pratiques à éviter
A contrario, certaines pratiques qui ont accompagné les débuts du e-commerce, et qui consistent à jouer avec les contraintes juridiques, sont désormais à proscrire en terme de marketing :
Les coûts cachés : l'article 19 al. 2 de la LCEN précise que le cybermarchand dès lors qu'il mentionne un prix, doit « indiquer celui-ci de manière claire et non ambiguë et notamment si les taxes et les frais de livraison sont inclus. » Il est surprenant de voir parfois perdurer la pratique des coûts cachés (garanties ou assurances supplémentaires ajoutées d'office, coût de l'éco-participation ajoutée après coup, etc.). Cette « vente forcée » est peu appréciée des consommateurs et pourrait s'apparenter à une pratique commerciale déloyale au titre de l'article L.120-1 du code de la consommation.
Le flou sur les délais de livraison : certains sites indiquent seulement une date d'expédition des marchandises commandées, considérant ne pas pouvoir s'engager sur le délai de livraison qui dépend d'un prestataire. Cependant l'obligation légale « est bien d'indiquer la date limite de livraison et non celle d'expédition des produits » (article L.121-20-3 al.. 1du code de la consommation). Si les frais de livraison sont inclus dans le prix, cela devra être évidemment spécifié (ex : frais de transport gratuits).
Les faux avis de consommateurs : conscients qu'ils peuvent être déterminants pour décider l'internaute à passer à l'achat ou l'en dissuader, des sociétés de commerce en ligne n'hésitent plus à rédiger des commentaires falsifiés. Cette pratique peut être qualifiée de pratique commerciale trompeuse, lourdement sanctionnée par le Code de la Consommation. Malgré cela, cette pratique perdure et il est difficile en pratique de déceler un faux avis de consommateur.
Pour lutter contre ce phénomène, l'AFNOR, (Association Française de Normalisation) a souhaité établir une norme pour « fiabiliser les méthodes de collecte et d'affichage des avis de consommateurs en ligne ». La norme pourra ensuite être librement adoptée par tout site proposant des avis à certaines conditions : la vérification de l'identité numérique de l'émetteur, la possibilité de contacter l'auteur d'un avis, de consulter l'historique de ses commentaires. En revanche, aucune exigence de fourniture de preuve d'achat n'est prévue dans la version actuelle de la norme ce qui aurait pu donner une plus grande crédibilité à l'avis. Le dispositif devrait être disponible au cours de cette année
Utilité des « Labels » et certificats de confiance
Pour améliorer le taux de transformation, le recours à des « labels » ou des certificats de confiance comme Trustedshops, Fianet ou encore l'adhésion à la FEVAD peut rassurer l'internaute et l'inciter à acheter. Il est urgent de rapprocher le droit et le marketing dont les objectifs sont loin d'être inconciliables, contrairement à une idée longtemps répandue. Le respect des règles juridiques donne confiance au consommateur et constitue un argument marketing susceptible d'améliorer le taux de transformation des sites web à vocation commerciale et permet de fidéliser un client.
Article rédigé par
Romain Gola, Maître de conférences à Télécom Ecole de Management
Romain Gola est maître de conférences en droit des affaires et du commerce électronique à Télécom Ecole de Management et avocat inscrit au barreau de l'Ontario (Toronto). Il travaille également à la Faculté de Droit d'Aix- Marseille III et au CNAM. Il a publié « Droit du commerce électronique » aux éditions Gualino en mars 2013.
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