DSI : une ou deux vitesses pour affronter la transformation et la concurrence

Sharyn Leaver, vice-présidente et responsable de département chez Forrester Research, rappelle les dangers de la vision bimodale.
PublicitéTout le monde connait la fable Le Lièvre et la Tortue, où l'excès de confiance de l'un le dispute à la détermination inébranlable de l'autre. Et personne n'ignore l'issue de cette course.
Aujourd'hui, il est impossible d'éliminer la concurrence en restant sur la voie lente- d'autant que les attentes et le comportement du client évoluent rapidement, que la transformation digitale accélère les cycles d'innovation et de développement des produits, et que les entreprises sont au coude à coude pour séduire le consommateur et son porte-monnaie à chaque virage. Sur le marché actuel, même la plus pugnace des tortues aura toutes les peines du monde à s'imposer.
Cette fable est actuellement très à la mode dans les services de gestion des technologies du monde entier où deux points de vue s'affrontent pour savoir comment les DSI peuvent l'emporter devant cette nouvelle réalité. Pour les uns, le DSI et l'équipe de gestion des technologies doivent opérer selon un seul et unique mode : à grande vitesse ! Pour les autres, l'informatique bimodale -bimodal IT -permet d'isoler certains éléments technologiques-clés pour qu'ils avancent à petite vitesse, tandis que le reste de l'entreprise empruntera la voie express.
La logique qui sous-tend l'informatique bimodale est simple : le changement n'est pas une partie de plaisir. Mais soyons réalistes : la défaite n'a jamais un goût très agréable non plus...
S'adapter à un marché en évolution rapide est à la fois difficile et complexe, mais c'est indispensable pour être compétitif et tirer son épingle du jeu face aux attentes de plus en plus fortes du client. C'est fondamental, car ce dernier se montre de moins en moins enclin à vivre des expériences médiocres. Le consommateur moderne souhaite avoir la possibilité de finaliser facilement des transactions, où il le souhaite et quand il le souhaite. Les retards de disponibilité provoqués par l'incapacité d'un système d'approvisionnement à gérer des changements de références (SKU) ; les problèmes associés aux nouvelles commandes parce que les données client stockées dans le système d'enregistrement (SoR) ne peuvent être synchronisées ou actualisées correctement ; ou encore l'absence d'intégration entre les systèmes existants qui oblige le client à saisir à nouveau ses informations personnelles, constituent autant de sources de frustration pour le consommateur. C'est dans ce type de situation où les systèmes informatiques sont lents et déconnectés que le client peut être amené à aller voir ailleurs pour trouver un fournisseur qui travaille à son rythme et répond à ses attentes.
En d'autres termes, évoluer et améliorer en permanence l'expérience client n'a rien de superflu : c'est même un impératif pour les entreprises.
L'informatique bimodale permet d'esquiver la période de transition et, à terme, complique la gestion des opérations courantes. Une partie de l'entreprise n'évolue pas, se tenant confortablement à l'écart des risques parce que le problème ne la concerne pas. Or, gérer deux catégories d'employés, c'est également gérer deux types de systèmes de rémunération et de valorisation, deux types de culture, deux types de processus... bref, deux types d'à peu près tout.
PublicitéDe plus, cette vision bimodale masque la complexité et fausse les priorités des entreprises. Protéger les activités courantes passe au premier plan, de sorte que le client ne passe qu'après. Cette approche est difficilement défendable à l'heure où, plus que jamais, le client est en permanence tout près d'aller voir ailleurs ou de redistribuer son pouvoir d'achat. Il suffit en effet d'une seule expérience peu concluante...
Ce qui ne signifie pas qu'il soit facile d'effectuer la transition vers un mode de fonctionnement à une seule vitesse (élevée !), car ce n'est pas le cas. L'entreprise doit tout d'abord opérer sa transition « comme un seul homme », proportionnellement au rythme de ses clients, de sorte qu'elle fonctionnera à une seule vitesse et non à deux. Cette approche a le mérite de simplifier considérablement les opérations courantes, dans la mesure où toutes les équipes sont focalisées sur les mêmes objectifs et récompensées en fonction des mêmes résultats.
Les enjeux sont considérables pour les DSI. Les plus prudents opteront pour l'informatique bimodale et entérineront l'inertie. Ils donneront la priorité au statu quo au détriment de l'entreprise, risquant au passage leur propre carrière. Compte tenu de l'émergence de ces nouveaux postes que sont le Chief Data Officer et le Chief Digital Officer, les CEO auront tendance à confier ce rôle à un autre responsable plutôt que tenter d'amener leur DSI à changer d'avis.
A contrario, le DSI intelligent empruntera la voie rapide express préférablement à la file de droite (voie pour véhicules lents ?) que représente l'informatique bimodale. En préparant son équipe pour qu'elle travaille jour après jour au même rythme que les clients, il finira par retrouver son rôle moteur dans l'innovation à grande vitesse.
Article rédigé par

Sharyn Leaver, Vice-présidente et responsable de département, Forrester Research
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