DSI et CDO, un partenariat vital pour obtenir de la valeur des données
Les entreprises placent de plus en plus l'exploitation des données sous la responsabilité d'un seul dirigeant : le responsable des données, ou chief data officer (CDO). Le DSI doit s'adapter et collaborer stratégiquement avec ce dernier pour assurer la prospérité de l'entreprise.
PublicitéLes DSI collaborent régulièrement avec leurs collègues de la direction. Compte tenu de la grande valeur des données et des outils analytiques pour l'entreprise, l'une des relations les plus importantes est celle qu'un DSI développe avec son directeur des données (CDO). Le CDO est responsable de la gouvernance de l'information à l'échelle de l'entreprise et de son utilisation en tant qu'actif, notamment par le biais de l'analyse, du traitement et de l'exploitation des données. Compte tenu de la nature de leurs responsabilités respectives, DSI et CDO ont forcément de nombreuses occasions de travailler ensemble et ils doivent le faire d'une manière qui bénéficie à l'entreprise dans son ensemble.
« Le rôle du DSI existe depuis plus de quarante ans. Ses responsabilités incluent la gestion des systèmes et de l'infrastructure qui produisent les données de l'entreprise et l'administration des référentiels qui contiennent ces données, ainsi que la supervision des initiatives de business intelligence pour exploiter les actifs data à des fins de reporting et de connaissance métier », explique Su Rayburn, vice-présidente chargée de la gestion de l'information et de l'analytique au sein de la coopérative financière Delta Community Credit Union (DCCU).
Alors que les données et les applications analytiques sont devenues de plus en plus essentielles pour les entreprises, les volumes de données ont augmenté de manière significative et les entreprises se sont tournées vers le cloud et d'autres technologies afin d'étendre et de démocratiser leurs stratégies analytiques. « Cela a incité de nombreuses entreprises à ajouter le poste de CDO à leurs rôles de direction, afin que celui-ci endosse la responsabilité de la gestion de la stratégie, de la qualité et de la gouvernance d'un actif de plus en plus crucial », constate Su Rayburn.
Selon cette dernière, le fait de confier à un cadre dirigeant la mission exclusive de gérer les données dans tous leurs aspects, y compris la gouvernance, le risque, la conformité, les différentes politiques et la réalisation de la valeur métier, apparaît de plus en plus comme une solution pour les entreprises axées sur les données. Et avec l'arrivée de ces nouveaux collègues au sein de la direction, la répartition des tâches et les lignes de collaboration entre les équipes chargées des données et les équipes informatiques se déplacent le long d'une ligne de partage entre systèmes et données.
La collaboration est clef
L'émergence du CDO ne signifie pas que les DSI ne sont plus impliqués dans les projets data. En réalité, les deux dirigeants peuvent travailler ensemble pour s'assurer qu'une organisation tire le meilleur parti de cette ressource.
« Le CDO et le DSI doivent travailler en étroite collaboration et établir un partenariat et une alliance », estime Helena Schwenk, vice-présidente et responsable des données et des applications analytiques chez Exasol, une société de logiciels de bases de données. « Cette alliance peut s'avérer très utile, d'autant plus que de nombreuses organisations souhaitent toujours conduire leur transformation numérique, explique Helena Schwenk. Or, les données sont le coeur de toute transformation numérique ». Il est donc dans l'intérêt des deux parties de travailler en étroite collaboration.
Publicité« La relation avec la DSI est l'une des plus importantes que j'entretiens », confie Kathy Rudy, responsable des données et de l'analytique au sein de la société de recherche et de conseil en technologie ISG. « Je considère cette relation comme étant à la fois tactique et stratégique, poursuit-elle. D'un point de vue tactique, nous devons avoir une compréhension commune et un accord sur la sécurité des données, la confidentialité, la conservation, le stockage, la taxonomie, les structures de données et la technologie de base pour gérer les données dans l'ensemble de l'entreprise. Une fois cette compréhension commune des aspects fondamentaux des données établie, on peut passer à l'aspect stratégique, c'est-à-dire à la manière d'exploiter les données pour obtenir des résultats métiers. »
Kathy Rudy travaille avec le DSI et les partenaires métiers pour développer des produits qui monétisent les données pour l'entreprise. « En gérant les aspects tactiques de nos données, nous ne sommes pas accaparés par des questions sur la manière dont nous allons faire quelque chose, mais nous pouvons nous concentrer sur l'art du possible - ce que nous pouvons faire avec rapidité et agilité », explique Kathy Rudy. « Nous avons toute liberté pour développer de nouveaux produits en utilisant des API ou des microservices qui combinent nos données dans de nouveaux produits qui, nous l'espérons, généreront des revenus. »
L'équipe peut également répondre rapidement aux demandes de données des métiers, « qui sont honnêtement innombrables et dont la mise en oeuvre prenait auparavant des semaines », relate Kathy Rudy. « Nous avons désormais l'air de superstars lorsque nous pouvons dire 'Oui, nous pouvons le faire' et le mettre en oeuvre du jour au lendemain. »
Exceller dans l'analyse
Un partenariat solide entre DSI et CDO permet aussi aux entreprises de tirer parti des technologies et stratégies émergentes, tel que l'analytique en périphérie (edge analytics). « Les données et les applications analytiques sont essentielles pour prendre des décisions opportunes et alimenter la transformation numérique », affirme Su Rayburn. « Il est difficile d'imaginer des analyses efficaces sans une architecture de données bien conçue fonctionnant de manière transparente avec l'architecture d'entreprise. Compte tenu de la co-détention des données, la réussite de la mise en oeuvre des stratégies d'entreprise dépendra de la bonne collaboration entre les CDO et les DSI. »
Aujourd'hui, de nombreuses applications font appel à l'analytique intégré pour interagir intelligemment avec les utilisateurs finaux, observe Su Rayburn. « La plupart de ces applications font appel à l'analyse en périphérie, car elles recueillent et analysent les données en temps réel au niveau de l'application afin d'obtenir une réponse en moins d'une seconde », précise-t-elle. « Pour y parvenir, il faut un bon partenariat entre DSI et CDO, avec les architectes data travaillant avec les architectes de systèmes d'entreprise afin de garantir les performances et l'évolutivité requises. » DCCU a déployé des outils analytiques dans son application bancaire mobile, ce qui a exigé que les data scientists de l'entreprise développent leurs fonctionnalités en même temps que les architectes système, afin de garantir un résultat cohérent, illustre Su Rayburn.
Un autre domaine dans lequel CDO et DSI peuvent travailler ensemble est celui des DataOps, un ensemble de pratiques qui combinent une perspective intégrée et orientée processus sur les données avec l'automatisation et les méthodes de l'ingénierie logicielle agile, pour améliorer la qualité et la rapidité et promouvoir une culture d'amélioration continue dans le domaine de l'analyse des données. « DataOps permet d'appliquer la méthodologie DevOps au déploiement et à la maintenance continus d'applications à forte intensité data ou analytiques », explique Su Rayburn. « En ajoutant des spécialistes des données aux processus opérationnels généralement gérés par l'IT, DataOps assure la collaboration et l'intégration indispensables entre les équipes informatiques et data, avec pour objectif une orchestration transparente des données, des outils, du code et des environnements. »
La DCCU utilise DataOps pour ses applications mobiles afin d'améliorer les délais de lancement de certains de ses produits analytiques destinés aux clients, grâce à la livraison continue. « Un data scientist travaille main dans la main avec le service IT pour tester et mettre en oeuvre des itérations analytiques dans des bacs à sable, pour un déploiement rapide et continu des modèles », décrit Su Rayburn. Lorsque les CDO et les DSI travaillent ensemble, « la stratégie, la planification, le développement et la coordination conjoints garantissent une division efficace du travail, qui élimine les silos de données et accélère la transformation numérique », pointe la dirigeante de DCCU.
Éviter les frictions
Étant donné que les responsabilités du DSI et du CDO vont probablement se chevaucher dans certains domaines, il y aura forcément des frictions.
« Les données sont générées ou consommées par les applications qui permettent à l'entreprise de fonctionner », explique Marcus Murph, responsable du conseil aux DSI chez le cabinet de conseil KPMG. « Cela crée une friction naturelle entre le DSI et le CDO, car les choix concernant l'architecture des données, la gouvernance des données, les outils - et leurs coûts - peuvent entrer en conflit avec les préférences plus globales en matière de modèle d'exploitation informatique. » En outre, les données doivent être sécurisées, ce qui crée des conflits potentiels entre les solutions data et les normes de cybersécurité généralement établies par le RSSI, poursuit Marcus Murph. Cela peut également créer des frictions entre les CDO et d'autres dirigeants. « Aucun de ces points de friction ne doit se révéler contre-productif, précise-t-il. La conception d'un modèle opérationnel adéquat identifie explicitement ces points de friction et prévoit des mécanismes pour éviter ou résoudre les conflits. »
Les rôles de DSI et de CDO ont tous deux un objectif similaire : ils dirigent les efforts de l'entreprise pour obtenir des résultats positifs grâce à l'utilisation optimale de la technologie, y compris des données et de la technologie associée, souligne Su Rayburn. Comme les données ne peuvent pas être facilement séparées de l'infrastructure technologique sous-jacente, il peut parfois y avoir un conflit en termes de responsabilités, note-t-elle. « Trop d'équipes IT s'intéressent encore davantage à l'infrastructure et aux technologies qui hébergent les données qu'à l'expertise nécessaire pour générer de la valeur à partir des données, à moins que le DSI n'ait traditionnellement mis l'accent sur l'analytique », observe Su Rayburn.
Le rôle du DSI est apparu au milieu des années 1980, alors que le responsable des données est un rôle relativement récent, qui gagne du terrain face à la numérisation croissante, explique Helena Schwenk.
« Le manque de clarté concernant les rôles et les responsabilités, ainsi que sur les raisons présidant à la nomination d'un CDO, peut entraîner des frictions entre les deux responsables, constate-t-elle. Leurs rôles et responsabilités dépendent des objectifs globaux de l'entreprise et de l'état d'avancement de la transformation numérique de l'organisation. Néanmoins, il peut y avoir des frictions lorsqu'il s'agit de la manière dont les données sont gérées au sein de l'infrastructure informatique, ce qui peut amener le DSI à se sentir menacé. » Dans les organisations plus progressistes, une distinction plus claire entre les rôles et responsabilités de chacun et leur place dans l'organisation est plus fréquente, selon la responsable des données et des applications analytiques d'Exasol.
Différentes structures hiérarchiques
La place des DSI et des CDO dans la structure hiérarchique d'une entreprise varie en fonction de la maturité de celle-ci vis-à-vis de la donnée, du secteur et du niveau de digitalisation de l'entreprise, explique Helena Schwenk. « La raison pour laquelle le CDO a été nommé a un poids considérable sur la place qu'il occupe généralement dans la structure hiérarchique », ajoute-t-elle.
Selon l'enquête State of the CIO 2023 de CIO, 53 % des CDO dépendent du DSI ou du dirigeant en charge de l'IT, 35 % du PDG et 7 % du DAF ou de la direction des finances. Mais le rôle du CDO évolue. La première génération de ces responsables s'est concentrée sur la gouvernance et la conformité, ainsi que sur l'élaboration d'une base de données fiable, relate Helena Schwenk. La deuxième génération dispose d'une base solide dans le domaine de la gouvernance et de la conformité des données, mais elle a cherché également à générer de la valeur métier à partir des données. « C'est en fait là que nous voyons se cimenter ce lien avec la transformation numérique, explique la responsable d'Exasol. Ces CDO ont mis davantage l'accent sur une approche plus proactive de la gestion des données, plutôt que de réagir au RGPD et à d'autres lois et réglementations sur la protection de la vie privée. » Par exemple, ils ont commencé à servir les clients en ligne en utilisant les données pour offrir une meilleure expérience, en optimisant ou en numérisant les chaînes d'approvisionnement, illustre Helena Schwenk.
« Les CDO de la première génération, qui ont tendance à se préoccuper davantage de la gestion et de la gouvernance de leurs données, dépendent du DSI ou du responsable informatique », note-t-elle. « La deuxième génération a tendance à être plus orientée vers les métiers, ce qui signifie qu'elle peut être rattachée à un dirigeant métier ou au PDG. Les études montrent que les CDO qui dépendent du PDG ont tendance à avoir plus de succès. Ils bénéficient d'un parrainage, d'une orientation claire, etc. » Un point essentielle, selon elle, « parce que l'utilisation des données, l'exploitation, le contrôle, la gestion et leur gouvernance ne sont pas des décisions purement techniques, réservées au département IT, et ne peuvent pas davantage être assumées uniquement par les métiers », précise Helena Schwenk.
Si les DSI ont toujours été plus enclins que les CDO à rendre compte au PDG, la situation est en train de changer, ajoute Abhijit Mazumder, DSI et responsable mondial de l'activation des ventes au sein de l'entreprise de conseil TCS. « De plus en plus, les CDO peuvent rendre compte directement au PDG. Dans d'autres cas, un CDO peut être rattaché au directeur général d'une unité commerciale particulière. » Pour garantir le succès, le DSI et le CDO doivent être étroitement alignés, souligne-t-il. « Dans les cas où ils dépendent tous deux du PDG, cela s'avère encore plus important. Étant donné que les rôles peuvent se chevaucher au niveau des plateformes et des pratiques, les échanges sur les nouvelles plateformes, les fournisseurs ou même les nouvelles lignes de revenus devraient toujours impliquer les deux dirigeants et leurs équipes. »
Article rédigé par
Bob Violino, IDG NS (adapté par Aurélie Chandèze)
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