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Dossier carrière (3/3) : les conseils des chasseurs de têtes aux managers visant un poste de direction IT

Dossier carrière (3/3) : les conseils des chasseurs de têtes aux managers visant un poste de direction IT
Xavier Guzman, Associé chez Odgers Berndtson : « Pour se faire remarquer des recruteurs, les DSI doivent être présents hors de leur entreprise. »
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°191 !
Diriger le numérique, une fonction en pleine transformation

Diriger le numérique, une fonction en pleine transformation

La transformation numérique concerne toute l'entreprise. Mais il ne faudrait pas oublier que ceux en charge de cette transformation, les DSI, sont eux-mêmes entraînés dans une profonde transformation. CIO a donc été à la rencontre de recruteurs comme de DSI pour comprendre cette transformation et...

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Dans cette troisième et dernière partie de notre dossier sur les dirigeants IT, les chasseurs de têtes rencontrés abordent les aspects concrets du processus de recrutement, lui aussi transformé par le numérique. Ils partagent également leurs conseils avec les candidats qui souhaitent évoluer vers ce type de fonction.

PublicitéAvec des profils de plus en plus diversifiés chez les dirigeants IT, des attentes en pleine évolution chez les clients et l'essor des outils numériques, en particulier depuis la pandémie, le métier de chasseur de têtes lui-même s'est transformé. Dans cette troisième partie du dossier, les consultants rencontrés nous décrivent comment ils travaillent aujourd'hui et ce qui a changé. Ils offrent aussi leurs conseils aux managers qui souhaitent évoluer vers des fonctions de direction IT.

Pour les cabinets de recrutement spécialisés, trouver les bons dirigeants IT, adaptés aux besoins de chacun de leurs clients, fait intervenir de nombreux aspects, comme l'explique Caroline Apffel, consultante TMT & Technology Officer Practice Leader chez Spencer Stuart Paris : « Notre rôle va de l'identification du talent à son évaluation, jusqu'à son accompagnement. Nous intervenons également en leadership advisory, du conseil sur les thématiques de leadership, en particulier sur les missions qui comportent en majorité des candidats internes. Il s'agit alors d'apporter des éléments de réponse au client sur le bon dirigeant, la bonne équipe, la bonne gouvernance de la fonction SI. Les clients veulent minimiser le risque qu'ils prennent, car une mauvaise décision sur un dirigeant a de vraies conséquences économiques. » Lionel Kalifa, practice director tech & digital chez Naos International, évoque lui aussi cette dimension de conseil : « L'IT et la technologie sont des secteurs passionnants parce que mouvants, les profils d'hier ne sont pas ceux d'aujourd'hui. Nous sommes aussi là pour conseiller nos clients, la dimension de conseil sur les postes technologiques est primordiale, car peu de choses sont vraiment transposables. » Sur le processus de recrutement, les cabinets spécialisés interviennent en partenaires des équipes du client. « Nous avons de vraies conversations sur les modèles de compétences, la culture de l'entreprise », témoigne Caroline Apffel. « Avant, les briefs étaient basés à 90% sur les savoir-faire, aujourd'hui nous parlons beaucoup plus de savoir-être, avec aussi un pan plus personnel, sur l'adéquation culturelle. Ces dimensions deviennent de plus en plus concrètes aujourd'hui. Nous avons d'ailleurs développé un outil pour parler des préférences culturelles des candidats et des clients. C'est important pour s'assurer qu'ils vont se retrouver, mais aussi quand l'objectif du client est au contraire de casser le moule, pour instaurer par exemple une culture plus purpose-driven », illustre-t-elle.

Et ce travail ne s'arrête pas une fois le recrutement signé : les consultants interrogés interviennent également en aval. « Nous continuons de suivre un candidat dans sa prise de poste, et nous pouvons reprendre le mandat si nécessaire. Le vrai test c'est la capacité qu'a la personne à s'inscrire dans le temps », pointe Caroline Apffel. « Nous garantissons nos recrutements un an, car nous sommes sur des fonctions où les résultats se mesurent sur une échelle de temps plus longue que les quelques mois de période d'essai », confie de son côté Xavier Guzman, Associé et consultant transformation digitale, services professionnels & IT au sein du cabinet Odgers Berndtson. « Pendant le processus de recrutement lui-même, nous assurons un accompagnement bihebdomadaire. Ensuite, nous faisons un point avec la personne recrutée un mois après sa prise de fonctions, ainsi que des points avec notre client, à la fois côté RH et opérationnel, afin d'avoir une vision complète. Nous faisons un autre point à trois mois, et ensuite la fréquence s'adapte aux besoins, mais nous essayons de maintenir des échanges réguliers. Notre but est de faire remonter d'éventuelles tensions ou irritants au plus tôt pour aider à les désamorcer », poursuit-il. La relation entre les dirigeants recrutés ainsi et les cabinets se prolonge souvent au-delà de la période de prise de poste. « Les candidats d'aujourd'hui sont nos clients de demain », souligne ainsi Xavier Guzman. « Quand un DSI prend son poste, il y a toujours quelques mouvements dans son comité de direction au cours de l'année. Les DSI nous appellent également pour connaître les échelles de salaire, pour la création d'une nouvelle fonction... » Parfois aussi, ce sont les consultants qui sollicitent le conseil des DSI : « Nous les appelons, car nous avons des questions sur une mission, par exemple un client qui souhaite faire un move to cloud massif. Nous demandons aux DSI en poste de nous indiquer ce qui leur semble important comme vécu opérationnel pour répondre à ce type de besoin », illustre Xavier Guzman.

PublicitéDes processus qui se digitalisent

Si les fondamentaux du recrutement par approche directe sont toujours là, associant une compréhension fine des enjeux des clients et un accompagnement durable, le métier a lui aussi effectué sa transformation numérique, comme l'ont évoqué nos interlocuteurs. « Le numérique, nous l'appliquons aussi à nous-mêmes », pointe Caroline Apffel. « Aujourd'hui, nous avons des portails sécurisés avec nos clients, nous utilisons quotidiennement LinkedIn et les autres outils numériques. Cette évolution nous a permis de nous focaliser sur la vraie valeur ajoutée de notre métier, en outillant certains aspects complexes. » Sur ces enjeux, Lionel Kalifa évoque le rôle de catalyseur de la crise sanitaire, qui a changé en profondeur les pratiques. « Avant, nous faisions beaucoup d'entretiens physiques, passant jusqu'à deux à trois heures avec les candidats. Nous ne pouvons plus le faire, aussi nous avons phygitalisé le processus, afin de garder le meilleur des deux mondes », décrit-il. « Les rencontres physiques sont maintenues, car elles sont essentielles pour sentir les signaux faibles et convaincre les candidats, mais elles interviennent plutôt en fin de processus. En complément, nous avons intégré les outils de visioconférence dans nos pratiques, ce qui a apporté beaucoup de souplesse et de réactivité. Désormais, 24 heures seulement peuvent séparer un contact initial d'un premier entretien, alors qu'auparavant le délai moyen était d'une à deux semaines. » Naos International utilise également la visioconférence pour partager des vidéos de présentation du client, prendre des références ou faire des cas pratiques avec les candidats, afin de voir comment ils abordent une situation donnée. « Il ne s'agit pas de transposer les attentes des entretiens physiques sur ceux en visioconférence, car il est difficile de garder un niveau d'attention satisfaisant au-delà d'une heure. Nous faisons donc plusieurs sessions courtes et interactives. Nous enregistrons également ces entretiens avec l'accord des candidats, et nous proposons ensuite un debrief à ces derniers et au client », témoigne Lionel Kalifa. Ces évolutions ont apporté une réelle agilité dans les processus de recrutement, dont bénéficient les différentes parties prenantes. « Candidats et clients apprécient : ainsi il n'y a pas d'effet tunnel, les informations sont régulièrement partagées, l'implication facilitée. Les processus vont plus vite et sont plus efficaces. C'est une façon de moderniser la recherche de cadres dirigeants. De deux mois, nous sommes passés à trois semaines pour bâtir une short-list solide », observe Lionel Kalifa.

Le coeur du métier des chasseurs de têtes consiste à identifier des candidats prometteurs, pouvant répondre aux attentes de leurs clients. Pour cela, ils font appel à plusieurs leviers à commencer par LinkedIn. « Dans l'IT, 75% des profils sont sur LinkedIn. En conséquence, ne pas y être revient à se priver d'opportunités intéressantes », prévient Lionel Kalifa. Savoir utiliser les réseaux sociaux est essentiel, mais il faut trouver le bon équilibre. « Beaucoup de dirigeants n'ont pas encore aujourd'hui les réflexes basiques d'hygiène numérique, ne serait-ce que d'avoir un profil LinkedIn à jour, avec une bonne lisibilité, alimenté, sans pour autant aller forcément vers la surenchère de messages », constate Caroline Apffel. « Les réseaux sociaux imposent aux dirigeants IT une hygiène numérique a minima, ainsi qu'une visibilité numérique », note-t-elle, soulignant qu'on reprochera moins à un DAF de rester caché. « Il s'agit de trouver le bon dosage, pour se rendre plus visible sans en faire trop : en effet, cela demande du temps et un une présence excessive en ligne suscite également la méfiance », prévient-elle.

Se faire connaître des recruteurs

Pour Ahmad Hassan, consultant associé au sein du cabinet Heidrick & Struggles, « le profil LinkedIn est important, factuel, mais ce qui compte c'est aussi ce qu'on dit sur vous. Nous travaillons beaucoup par recommandations : j'appelle un DSI ou un fournisseur pour leur demander qui sont les meilleurs, et leurs numéros deux », confie-t-il. « Comment êtes-vous perçu comme manager ? Par vos partenaires et fournisseurs ? Cela revient toujours à la communication, à la capacité à engager les gens, à comprendre le business. » Pour évoluer dans ce type de fonctions, soigner son réseau est essentiel. « Pour se faire remarquer des recruteurs, les DSI doivent être présents hors de leur entreprise, en publiant des points de vue, en entretenant des relations avec leur écosystème, en participant aux conférences, en intervenant dans la presse... Pour nous, ce qui importe est de repérer les DSI qui poussent leurs collaborateurs, qui accomplissent des transformations concrètes apportant de la valeur, qui sont pertinents dans ce qu'ils relayent sur les réseaux sociaux comme LinkedIn », détaille Xavier Guzman. « Nous regardons l'implication des DSI dans des événements liés à leur métier, les retours d'expérience, interviews, leur participation à des forums dématérialisés. Tout ceci a un vrai impact, mais il faut un juste milieu », estime de son côté Lionel Kalifa. « Prendre le temps de défendre son point de vue, d'affirmer ses opinions, c'est valorisant, cela signifie que la personne a des convictions et les porte jusqu'au bout. Même un post LinkedIn dans lequel vous partagez un point de vue est intéressant, car nous aimons les candidats qui ne sont pas tièdes. Un DSI tiède va se faire écraser par son comité de direction, là où un DSI avec une vision saura tenir ses positions. »

Se faire remarquer est une chose, mais il faut également rester accessible : « si vous êtes enfermés dans votre bulle, nous pouvons vous identifier, mais pas vous approcher », prévient Ahmad Hassan. Les candidats peuvent également se faire connaître directement auprès des cabinets spécialisés, comme le rappelle Xavier Guzman. Selon Caroline Apffel, il existe une dizaine de cabinets intervenant sur ces niveaux de postes, qui prennent en charge entre 20 et 30% des recrutements. Pour nouer le contact, « il faut savoir comment fonctionnent les cabinets de chasseurs de têtes, avec des mandats », explique Maxime Penaud, consultant chez Meridian Executive Search Consultants. « Il faut voir les cabinets comme des partenaires, pas comme des fournisseurs, avec une relation différente à établir. Nous sommes davantage dans une posture d'accompagnement. » Une fois les graines de ces relations plantées, « le plus important reste de faire son travail de dirigeant IT », souligne Caroline Apffel.

Démontrer sa valeur

La façon dont les candidats accomplissent leurs missions est en effet un différenciateur important, à condition d'éviter certains écueils. « Dans notre position, nous voyons beaucoup de situations où la personne n'était pas à la hauteur : se contenter de faire assez bien ne suffit plus aujourd'hui, qu'il s'agisse des DSI, des DAF ou des DRH », observe Ahmad Hassan. Un constat accru par la crise sanitaire, révélatrice de problèmes sous-jacents dans certaines organisations : « La pandémie a rebattu les cartes sur ces trois fonctions. Quand tous les collaborateurs ont besoin de télétravailler, c'est là qu'on voit si le réseau a été bien dimensionné, si la cybersécurité est adéquate, si l'on parvient à fournir des ordinateurs portables à tous », poursuit le consultant associé de Heidrick & Struggles. Pour faire leurs preuves, les dirigeants doivent être vigilants. « Pour un DSI, il est intéressant d'être dans une entreprise qui dispose de moyens suffisants pour mettre en oeuvre des projets, sinon la teneur du poste sera toute autre et tendra vers des problématiques de rationalisation », conseille ainsi Maxime Penaud. « Pour bien débuter, il faut un projet structurant, qui va impacter l'entreprise dans les trois ans qui suivent. S'il ne montre rien, le DSI est malheureusement éjecté. Il faut qu'il définisse en amont les résultats attendus, qu'il identifie des quick wins. Sur de gros projets, comme des déploiements SAP, il faut établir des jalons pour mesurer l'avancement. », suggère de son côté Ahmad Hassan. Ce dernier conseille également de ne pas rester trop longtemps au même poste, évoquant le cas d'un DSI qui était resté plus de 15 ans dans une entreprise. « C'est trop long, tant pour lui que pour son entreprise, tous deux ont besoin d'oxygène. »

Changer d'entreprise facilite également l'évolution salariale, d'autant que les rémunérations peuvent fortement varier pour les postes de direction IT. Les consultants rencontrés s'accordent pour dire qu'évoquer une fourchette n'a guère de sens sur ce type de poste. « Pour un Chief Data Officer, la fourchette démarre par exemple autour de 90 k€, mais peut atteindre jusqu'à 400 k€ », illustre Lionel Kalifa. Le salaire dépend bien entendu de la taille de l'entreprise, mais de nombreux autres facteurs entrent en jeu. « Dans les grosses PME et les entreprises de taille intermédiaire, la fourchette moyenne se situe entre 100 et 120 k€, mais elle tend à monter en raison de la rareté des profils. Dans les organisations de plus grande taille, où la DSI compte entre 300 et 500 collaborateurs internes, et jusqu'à 1000 personnes en comptant les prestataires, les salaires médians se situent entre 160 et 220-240K€. Enfin, pour les DSI membres du comité de direction dans les grands groupes, les salaires se situent dans les 300 à 500 k€, voire au-delà dans certains secteurs », détaille Xavier Guzman. La rémunération dépend aussi du domaine où évolue l'entreprise et du niveau d'expérience souhaité, qui délimitent des viviers de candidats très différents. « Tout dépend du degré de spécialisation du poste et des points d'accroche », pointe Lionel Kalifa. « Parfois nous pouvons avoir un dirigeant IT avec 12 à 15 ans d'expérience, alors que dans des structures de plus petite taille l'expérience exigée sera moindre. » Enfin, Xavier Guzman rappelle que les rémunérations des dirigeants comportent souvent une partie variable, avec des bonus de l'ordre de 20 à 25%. « Certains plans de rétention proposent aussi des actions, en particulier dans les entreprises de croissance, mais la pratique tend à s'étendre », observe-t-il.

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