Management

Dossier carrière (1/3) : dirigeant IT, une fonction en pleine évolution

Dossier carrière (1/3) : dirigeant IT, une fonction en pleine évolution
Ahmad Hassan, consultant associé chez Heidrick & Struggles : « Comprendre les enjeux de l’entreprise permet de sélectionner le bon dirigeant IT. »
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°191 !
Diriger le numérique, une fonction en pleine transformation

Diriger le numérique, une fonction en pleine transformation

La transformation numérique concerne toute l'entreprise. Mais il ne faudrait pas oublier que ceux en charge de cette transformation, les DSI, sont eux-mêmes entraînés dans une profonde transformation. CIO a donc été à la rencontre de recruteurs comme de DSI pour comprendre cette transformation et...

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Le rôle des dirigeants IT a fortement évolué au cours des dernières années, porté par la transformation numérique en cours, et plus récemment par la crise sanitaire et ses impacts. À la clef, des carrières plus riches et variées, mais aussi de nouvelles attentes des organisations envers leurs leaders IT. Pour CIO, des consultants spécialisés dans le recrutement de cadres dirigeants par approche directe font le point sur les nouveaux rôles de direction IT qui s'ouvrent aujourd'hui dans les entreprises et partagent leurs conseils, dans le cadre d'un dossier en trois parties.

PublicitéDSI / CIO, directeur technique (CTO), directeur des données (Chief Data Officer) ou du digital... Au fil des années, les fonctions de direction IT se sont multipliées, diversifiées et restructurées. Pour comprendre ce que les grands groupes attendent aujourd'hui de leurs dirigeants informatiques, comment s'articulent les différents rôles évoqués et de quelle façon se déroule le recrutement de ces leaders, CIO a interrogé plusieurs consultants spécialisés dans le recrutement de dirigeants par approche directe. Dans cette première partie de notre dossier, ces chasseurs de têtes reviennent sur l'évolution de la fonction IT au cours des cinq dernières années.

Dans la plupart des grandes organisations françaises, la transformation numérique est aujourd'hui bien engagée. Celle-ci a considérablement changé le rôle et la place de la fonction IT, rendant le recrutement des dirigeants IT d'autant plus stratégique. « La transformation digitale a modifié l'organisation de nos clients », constate ainsi Lionel Kalifa, directeur de la practice Tech & Digital au sein du cabinet de recrutement Naos International. Pour lui, il n'existe pas de profil type de candidat pour les postes de direction IT, car le degré de maturité des entreprises sur ces sujets est très varié. « Certains clients partent de pratiquement rien, il s'agit de remplacer le papier par des processus dématérialisés. D'autres ont un budget dédié à la transformation digitale et au changement de modèle économique », ajoute-t-il. « Le sujet, ce ne sont pas les profils, mais le besoin », affirme Xavier Guzman, associé en charge des practices Transformation Digitale, Services Professionnels & « Global Technology » au sein du cabinet Odgers Berndtson. « Il s'agit de se transformer. Les organisations doivent s'adapter à un monde qui s'agilise, affronter des niveaux de concurrence complexes et polymorphes, répondre à un actionnariat exigeant tout en optimisant l'opérationnel et en décloisonnant. Les DSI sont au coeur de ces sujets. »

Des rôles complémentaires, au service du métier

Au départ, les entreprises tâtonnaient pour savoir comment piloter la transformation et à qui la confier. Désormais, les rôles se sont précisés. Ahmad Hassan, consultant associé au sein du cabinet Heidrick & Struggles, dresse un parallèle entre le niveau de maturité des organisations et l'évolution des rôles recherchés. « Il y a quelques années, nos clients cherchaient plutôt à recruter des Chief Digital Officers, car les DSI n'étaient pas vraiment focalisés sur l'expérience des clients - qui sont d'ailleurs tout autant internes qu'externes », se souvient-il. Ensuite, le rôle de CDO a évolué, toujours avec une forte orientation client, mais plutôt tournée vers le front-office. « Toutefois, quand les CDO eurent validé leurs prototypes, et durent passer à l'échelle supérieure, la tâche s'est révélée ardue - faute de systèmes d'informations et plateformes capables de soutenir un déploiement massif », souligne Ahmad Hassan. Celui-ci a alors observé une résurgence de la demande pour des Chief Technology Officers (CTO), afin de prendre en charge les décisions techniques stratégiques comme le passage au cloud. Parmi ses clients, certains ont enclenché une stratégie autour des données, notamment pour se rapprocher de leurs clients finaux, ce qui a accéléré l'émergence des Chief Data Officers. Pour Ahmad Hassan, comprendre les enjeux permet de sélectionner le bon dirigeant (voir encadré). « Une fois que nous avons établi un cahier des charges avec quatre à cinq critères très spécifiques et clairs, cela devient ensuite beaucoup plus facile d'identifier les bons profils », estime l'associé de Heidrick & Struggles.

PublicitéDe son côté, Maxime Penaud, consultant chez Meridian Executive Search Consultants, note que la dimension data est aujourd'hui présente dès la réflexion stratégique qui précède la transformation : « L'impulsion vers la data est donnée et portée par la direction de l'entreprise », souligne-t-il. C'est cette dernière qui choisit de recruter un directeur des données, afin de définir une roadmap de projets stratégiques data, en co-construction avec les métiers et les départements IT, parfois avec l'appui d'un cabinet conseil spécialisé. « Les projets autour des données vont impacter toutes les directions de l'organisation, la culture data se propage progressivement, avec des communautés de référents », observe Maxime Penaud. « Le Chief Data Officer fait le lien entre les métiers et l'IT, et intervient également sur les enjeux réglementaires autour de la donnée. » Ce rôle « data » est souvent séparé de la partie IT, en particulier dans les grands groupes. Le CTO crée quant à lui la vision technologique de l'entreprise autour des produits, dans des environnements hautement technologiques, là où le DSI est en charge des opérations IT, du run, des études informatiques et de l'architecture. « CTO et CDO sont des alliés des DSI : il faut que le mariage se passe bien », observe Maxime Penaud. « Quand les rôles sont flous, cela provoque des jeux politiques. »

Du DSI au CDIO

La redistribution des rôles de direction IT reflète aussi le changement de perception des entreprises. D'une fonction support, longtemps perçue comme centre de coûts, celle-ci est devenue un partenaire des métiers et acteur majeur dans la stratégie de nombreuses entreprises. Pour Caroline Apffel, consultante en charge du secteur technologie (TMT) et des fonctions technologiques chez Spencer Stuart Paris, la transition numérique a mis en évidence la place essentielle du digital et des données, « avec une implication beaucoup plus forte des métiers sur ces sujets. » Une prise de conscience encore accélérée par la crise sanitaire. « Il y a clairement un avant et un après-Covid. La quasi-totalité des DSI a témoigné récemment de la reconnaissance de leur fonction, même s'il existe encore quelques entreprises qui considèrent le système d'information comme un centre de coût. Ce nouveau baptême du feu leur a permis de démontrer la pertinence et la valeur ajoutée du système d'information, tout en facilitant la bascule vers le numérique. Selon Caroline Apffel, la crise a remis en exergue la pertinence et la valeur ajoutée de l'IT, qu'elle résume ainsi : « sans technologies, sans le digital, les entreprises ont compris qu'elles ne fonctionnent pas ».


Lionel Kalifa, directeur de la practice Tech & Digital, Naos International : « Les dirigeants IT actuels sont a minima des business partners, et dans le meilleur des cas des business enablers. »

Signe de ce changement de prisme, dans certaines organisations la fonction IT tend actuellement à se réunifier autour des DSI. « Aujourd'hui, nous revenons à la fonction initiale de CIO, qui évolue vers celle de CDIO (Chief Digital and Information Officer) », observe ainsi Ahmad Hassan. « Il s'agit désormais d'intégrer l'ensemble de ces dimensions, là où la fonction traditionnelle de DSI était plus tournée vers le back-office. ». Un constat partagé par Xavier Guzman : « Les fonctions tendent à se reconsolider. Les sujets technologiques et digitaux reviennent de plus en plus vers la DSI, avec l'émergence de postes de CDIO. La fonction de CDO s'oriente vers la transformation, avec l'émergence des Chief Transformation Officers. Les Directions Générales ont besoin de DSI qui font de l'IT pour le métier, qui sont capables de le comprendre et de s'inscrire comme un acteur à part entière du comité de direction », pointe-t-il. « Quand ils sont membres du Comex, les DSI ont des choses à dire sur le business : leur engagement auprès des métiers est aujourd'hui très important », acquiesce Caroline Apffel. Lionel Kalifa a lui aussi noté le changement des attentes chez les clients. « La DSI à l'ancienne, où l'IT est perçue comme une fonction support, peu comprise des métiers, n'existe pratiquement plus. Les dirigeants IT actuels sont a minima des business partners, et dans le meilleur des cas des business enablers », souligne-t-il.

Associer la compréhension des technologies au leadership

Cette relation de plus en plus étroite entre dirigeants IT et métiers a redéfini le rapport des DSI avec la technologie. Pour Xavier Guzman, « moins le côté technique s'exprime dans le quotidien, mieux c'est. Les DSI sont des hommes et des femmes qui sont des agents de transformation - pas englués dans la technologie et un vocable d'expert, mais avec une bonne compréhension de celle-ci et une capacité à la vulgariser. Et la charge est lourde, avec une transformation de l'architecture d'entreprise vers le digital, une dette technologique à résorber, la multiplicité des outils à mettre en oeuvre et en cohérence, le besoin de maîtriser les données, la sécurité ... ainsi que les coûts ». Selon l'associé d'Odgers Berndtson, « un bon DSI est celui ou celle qui saura expliquer que le cloud n'est pas magique à sa direction générale, gérant en parallèle les problématiques d'obsolescence technologique, ainsi que les différents chantiers régaliens, en expliquant pourquoi il faut les mener. » De son côté, Lionel Kalifa estime qu'un dirigeant IT doit toujours avoir des compétences techniques, mais avec un intérêt fort et marqué pour le métier de son entreprise. « Savoir tout faire, ce n'est pas ce qu'on leur demande », prévient-il. « Il faut savoir s'entourer, structurer la DSI, en nommant par exemple un adjoint sur la partie régalienne (opérations, support technique...), un autre sur l'évolution du business... En revanche, la culture technique reste nécessaire pour cadrer les équipes et éviter qu'elles ne fassent chacune à leur façon. »

Selon Caroline Apffel, quelques directions générales se basent encore sur des critères purement technologiques pour recruter leur DSI, « une façon pour elles de se rassurer. » Toutefois, les compétences techniques sont aujourd'hui suffisamment présentes dans les équipes pour ne plus en faire le seul critère de sélection, estime-t-elle. Durant la crise sanitaire, « ce n'est pas la technologie en elle-même qui a fait que certaines entreprises ont réussi la bascule au tout numérique, mais la réactivité des dirigeants IT, leur capacité d'anticipation, leur compréhension des enjeux business pour être à niveau sur les bons sujets. Les directions générales ont pour certaines d'entre elles finalement compris pourquoi leurs DSI leur demandaient budgets et moyens supplémentaires pour assurer fiabilité et sécurité du système d'information. Nous avons assisté à une vraie prise de conscience, qui a fait évoluer les mentalités de certains mandataires. Les directions générales parlent aujourd'hui beaucoup plus des capacités de leadership de leurs DSI que de leurs compétences techniques, une évolution qui avait déjà démarré avant la pandémie mais qui continue à s'accélérer. »

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