DMP : vers une ultime refonte ou la préparation de l'enterrement ?
Le Dossier Médical Personnel (DMP) accumule les retards, les questions de fond et les remises en cause depuis 2004. Un rapport, bouclé fin avril, vient d'être remis à la Ministre de la Santé pour tenter de sauver le DMP.
PublicitéMichel Gagneux, inspecteur général des affaires sociales, a dirigé une Mission de relance du projet de Dossier médical personnel, composée de Pierre-Henri Comble (consultant), Alain Folliet (DSI de la CNAM-TS), Loïc de Kergommeaux (consultant), Alain Livartowski (médecin à l'Institut Curie), André Loth (ancien patron de Sesam-Vitale, chef de la mission pour l'informatisation du système de santé), Denis Richard (chef de la mission maîtrise d'ouvrage informatique de la gestion et de l'organisation des soins à la CNAMTS) et Jacques Sauret (actuel directeur général du GIP-DMP). Il vient de remettre son rapport à la Ministre de la Santé, Roselyne Bachelot-Narquin. « Observant que les conditions de sa mise en oeuvre avaient cristallisé sur le DMP beaucoup d'attentes mais aussi de controverses, de craintes et de malentendus, le groupe s'est assigné trois objectifs : faire oeuvre pédagogique ; préparer un consensus aussi large que possible sur les objectifs, la stratégie et la méthode ; fournir aux pouvoirs publics un ensemble cohérent d'analyses et de préconisations portant sur les principales dimensions du projet, de nature à permettre l'élaboration d'une « feuille de route » fiable, lisible et partagée » indique le préambule du rapport. Devoir encore fixer des objectifs consensuels au DMP marque en lui-même le véritable péché originel du projet : outil collaboratif pour une amélioration de la prise en charge thérapeutique tout au long de la chaîne de soins, Philippe Douste-Blazy avait voulu, lorsqu'il était Ministre de la Santé, le justifier en le transformant en machine à faire des économies. Assez logiquement, mais il fallait l'avouer noir sur blanc : « La construction même du système [DMP] est stoppée depuis un an ». Enfin du bon sens ? Dans n'importe quelle autre situation que l'actuelle, les recommandations du rapport pourraient sembler aller de soi... Concevoir le DMP avant tout comme un outil de partage et de décloisonnement dans un système de santé sous-équipé en SI, éclaté et cloisonné peut ainsi sembler être une évidence. Sauf pour ceux qui ont eu en charge le sujet jusqu'à présent, malgré le rapport du professeur Marius Fieschi en 2003... Le rapport condamne la vision du DMP comme outil de contrôle et de réduction des coûts thérapeutiques directs (la seule source d'économie étant liée au coût de la non qualité de soins : iatrogénie, erreurs médicales, sur-utilisation de ressources, prescriptions redondantes ou contradictoires...), tout comme la gouvernance (ou plutôt la non-gouvernance) du projet. Bien que centré sur le patient, le DMP devrait être, selon la Mission, avant tout un outil entre les mains des seuls médecins (comme n'importe quelle GRC est « centrée client » mais pilotée par les commerciaux), ce qui va à l'encontre de la conception de « dossier géré par et pour le patient », délivrant des autorisations d'accès à tel ou tel thérapeute, qui prévalait jusqu'à présent. Un entre tous et non un à la place de tous Autre évidence rabâchée par tous les professionnels depuis des années, le rapport préconise d'aborder le DMP comme un projet en évolution forte, interopérable et interfacé avec de multiples outils tiers, et non pas un outil « clé en mains » global et globalisant. Le DMP pourrait ainsi ne contenir que des index et des pointeurs vers des informations stockées chez des médecins ou des établissements de soins, sans redondance. L'accès du patient à son propre dossier n'interviendrait finalement que dans un second temps, pour sa propre information et la régulation du partage (avec le très controversé problème du masquage d'informations sensibles). La première action du patient serait toutefois d'autoriser le principe du partage et donc d'adhérer à un système de DMP. La mise en place d'un outil collaboratif suppose à la base une collaboration de professionnels. Cela implique des modifications importantes dans les rapports entre médecins et autres thérapeutes libéraux. Le partage lui-même pourrait être opéré via un outil collaboratif au sens strict ou bien via une communication de type point-à-point (messagerie sécurisée ou échange pair-à-pair). La sécurité et la garantie de confidentialité restent bien sûr des éléments essentiels du projet. A commencer par l'identification forte des patients (notamment via un identifiant national de santé distinct du numéro de sécurité sociale). Du passé, faire table rase ? Si le rapport se préoccupe de l'intégration du DMP avec les autres outils comme le Dossier cancérologie ou les dossiers hospitaliers, le principal manque concerne la prise en compte des nombreuses expérimentations et préfigurations dans lesquelles de nombreux prestataires ont largement investi, avec un soutien financier public, tout cet argent ressemblant de plus ne plus à de la pure perte. Cependant, la pluralité des acteurs de l'hébergement de DMP ne semble pas remise en cause, pour le meilleur (la rentabilisation des investissements passés) comme pour le pire (complexité de la mise en oeuvre du système). Cela même si la Mission estime que, « dans un premier temps, la construction d'une solution de base unique exploitée sur une plate-forme nationale apparaît comme une solution appropriée au calendrier de déploiement du DMP. » Le rapport mentionne une piste qui va inquiéter plus d'un éditeur engagé sur le sujet : « Il convient [pour diminuer les coûts initiaux] d'étudier, en concertation avec les industriels, dans quelle mesure la proposition de partager en communauté Open Source tout ou partie des développements du système DMP financés par le GIP-DMP serait un facteur facilitant. » Mais qu'on se rassure : une nouvelle phase pilote visera à valider toutes les recommandations de la Mission. « La phase pilote pourra ainsi croiser les expérimentations territoriales, thématiques et spécifiques à certaines catégories de patients. » A se demander à quoi ont servi tous les travaux déjà réalisés...
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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