Dix erreurs commises par les DSI débutants et comment les éviter

Des dirigeants et conseillers IT ont retenu dix erreurs qui, selon eux, font le plus souvent trébucher les DSI débutants. Par exemple : « vouloir changer trop de choses, trop vite » ou « sous-estimer la nature politique du poste ». Voici leurs avis et leurs conseils.
PublicitéLes DSI nouvellement nommés peuvent consulter de multitude guides, livres blancs et blogs pour se préparer et réussir leur prise de fonction, car les 100 premiers jours à ce poste de direction sont toujours cruciaux. Mais, pour un nouveau dirigeant, la théorie n'a qu'une portée limitée. C'est en pratiquant que l'on devient un leader, et comme le savent tous ceux qui sont passés par là, le DSI n'est pas à l'abri de commettre quelques erreurs pendant ses premiers mois à ce poste. Pour aller un peu plus loin dans les conseils aux nouveaux dirigeants, une demi-douzaine de DSI et de chercheurs chevronnés ont dressé une liste des erreurs les plus courantes commises par les DSI débutants avec la manière de les éviter. En voici dix.
1. Vouloir changer trop de choses, trop vite
Le changement est une priorité absolue pour les DSI. Selon notre rapport 2022 sur l'état des DSI (2022 State of the CIO), 84 % des responsables IT affirment que les DSI sont de plus en plus considérés comme des acteurs du changement et comme des chefs de file des initiatives métiers et technologiques. Selon les décideurs informatiques que nous avons interrogés, cette attente peut créer une forte pression sur les nouveaux DSI et les inciter à bouleverser trop de choses, trop vite. Joel Schwalbe, DSI de Transnetyx, fait remarquer que les nouveaux dirigeants informatiques sont souvent tentés d'entreprendre trop de changements en même temps. Or, selon lui, c'est peut-être une erreur. « Les DSI débutants veulent faire bonne impression, mais cette volonté est source de difficultés potentielles. Les entreprises ne peuvent absorber qu'une quantité limitée de changements. Il est essentiel de se fixer des objectifs réalistes si le DSI débutant veut réussir », ajoute-t-il.
2. Ne pas licencier
Brian Jackson, directeur de la recherche sur les DSI chez Info-Tech Research Group, s'est intéressé à la manière dont les DSI abordaient leurs 100 premiers jours dans leur fonction. Il a constaté que parmi les nouveaux directeurs IT, beaucoup pensaient qu'il n'était pas nécessaire de faire le ménage. « Ils partent du principe que personne ne mérite d'être licencié, et c'est parfois le cas », note M. Jackson, qui dit comprendre l'idée du statu quo vis à vis du personnel. « En général, les nouveaux dirigeants, et en particulier ceux qui en sont à leur première expérience, ne veulent pas démarrer leur entrée en fonction par des licenciements », ajoute-t-il. « Or, cette mesure est souvent nécessaire. L'idée n'est pas d'entrer dans l'entreprise et de dire : « Je vais licencier telle ou telle personne, mais plutôt de reconnaître que s'il y a une personnalité toxique, elle doit partir », explique-t-il. « C'est le travail du DSI en tant que leader. De plus, s'il laisse traîner les choses trop longtemps, la situation ne fera qu'empirer et il regrettera de ne pas l'avoir fait plus tôt ».
Publicité3. Ne pas évaluer la culture dès le début
La plupart des DSI connaissent probablement cette citation du gourou du management, Peter Drucker : « La culture mange la stratégie au petit déjeuner ». Mais, de l'avis des chercheurs et DSI que nous avons interrogés, les DSI débutants prennent rarement ce message à coeur. « Les débutants pêchent souvent par un manque de compréhension de l'activité, de la culture et du tissu organisationnel de l'entreprise », observe Richard A. Hook, vice-président exécutif et DSI de Penske Automotive Group et de Penske. « Tout le monde se concentre sur son plan des 100 jours, sauf que le rythme et les éléments de ce plan varient selon les entreprises ». Son conseil : « Apprenez à connaître vos pairs, leurs équipes, votre équipe et l'entreprise dans son ensemble avant d'adopter une approche trop agressive. En fin de compte, les entreprises réussissent avec les meilleures personnes. Assurez-vous de connaître vos équipes et de comprendre l'entreprise en profondeur avant de prendre des décisions trop sévères ». Brian Jackson partage ce point de vue. Selon lui, les nouveaux dirigeants doivent évaluer très tôt la culture de leur service et la culture globale de l'entreprise. « Ils peuvent apprendre ainsi à s'adapter et à changer afin d'être plus efficaces à l'avenir. Chaque leadership est différent, et tous se valent, mais c'est la culture de l'entreprise qui dictera ce qui fonctionne », explique-t-il. « Et si cette culture ne plait pas au dirigeant, alors il a du travail à faire. Différentes méthodes permettent de faire évoluer la culture et d'amener les gens à se comporter différemment ».
4. Sous-estimer l'aspect humain (et politique) de la fonction
Les cadres dirigeants et les membres du conseil d'administration reconnaissent désormais que la technologie fait partie intégrante de l'entreprise, et ils s'impliquent de plus en plus dans les décisions technologiques, voire les conduisent. D'après les conclusions d'un rapport de Gartner, 53 % des entreprises interrogées estimaient que leurs dirigeants figuraient parmi les principaux décideurs en matière d'investissements dans les technologies émergentes, juste derrière les DSI et les directeurs de la technologie. Gartner a également constaté que 74 % des achats technologiques étaient, au moins partiellement, financés par des unités métiers extérieures à l'IT, et que seuls 26 % des investissements technologiques étaient entièrement financés par l'IT. Ce n'est peut-être pas nouveau pour la plupart des DSI, qui parlent depuis longtemps de partenariat avec leurs collègues des unités opérationnelles pour élaborer la feuille de route technologique. Pourtant, il arrive encore que les nouveaux DSI sous-estiment l'importance cruciale de cette composante relationnelle, l'importance de la persuasion et l'art de l'influence. « Les DSI débutants sous-estiment la politique interne dont dépend leur fonction de dirigeant. Il y a souvent des agendas dissimulés et des conflits d'intérêts. Il y a souvent des initiatives cachées qui n'apparaissent pas dans la stratégie officielle de l'entreprise », observe Jeff Stovall, directeur exécutif de l'industrie chez Oracle et ancien DSI de la ville de Charlotte, Caroline du Nord. M. Schwalbe a fait une remarque similaire : « Le poste de DSI implique aussi des liens avec des gens, des relations publiques et du marketing. Certains DSI débutants pourraient croire qu'il s'agit d'un travail technologique, ce qui n'est pas le cas ».
5. S'en tenir au paysage interne
En tant que dirigeants, les DSI doivent se comporter comme tels. Mais il y a une courbe d'apprentissage. M. Jackson a indiqué que d'après ses recherches, de nombreux DSI débutants ne parvenaient pas à étudier le paysage externe dans lequel leur entreprise exerçait leur activité, alors que cette responsabilité incombe à tout dirigeant. « Les nouveaux DSI sont souvent si concentrés qu'ils ont une vision étriquée de leur environnement », pointe-t-il. « Bien sûr, ils sont occupés à se familiariser avec leur entreprise, à rencontrer leurs collègues de la direction, à évaluer leurs équipes IT. Tout cela est compréhensible. Mais à force d'être trop concentrés sur ce qui se passe en interne, ils perdent de vue l'environnement externe. Or un dirigeant doit aussi connaître ses concurrents, savoir ce qu'ils font et avoir une idée des différentiateurs technologiques qu'ils utilisent pour bénéficier d'un avantage concurrentiel ». M. Jackson recommande aux DSI d'adhérer à des associations sectorielles, de développer leurs réseaux professionnels et de participer à des événements destinés aux cadres. « Ils pourront ainsi récolter des informations sur le marché, le secteur et la stratégie IT ».
6. Se lancer sans observer, ni écouter
De même, Hillary Ross, associée principale et responsable de la pratique informatique chez WittKieffer, une entreprise de conseil en leadership et en recrutement de cadres, explique que les nouveaux DSI peuvent être tentés de se lancer tête baissée dans leur travail sans bien comprendre l'environnement dans lequel ils vont travailler. « Pour réussir, il faut savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, comment orienter le changement dans la nouvelle entreprise », conseille-t-elle. « D'où l'importance pour le nouveau DSI d'écouter, d'apprendre, et ensuite de diriger », poursuit Mme Ross. « S'il prend le temps pour cela, le DSI peut découvrir les points de friction au sein de l'entreprise, hiérarchiser les projets en toute confiance et identifier les collègues et les employés sur lesquels il pourra s'appuyer pour mener à bien son projet IT », développe-t-elle.
7. Privilégier les relations avec les cadres dirigeants
Une autre erreur commise par certains DSI débutants est de ne parler qu'avec les cadres de direction. Hilary Ross estime que les nouveaux dirigeants devraient tous faire le tour de l'entreprise et parler à tous les employés. « Il est important de sortir de ce cercle de direction et de communiquer avec tous afin de s'informer sur les besoins de chaque service et sur ce qu'ils estiment être leurs priorités ». Cela inclut autant les travailleurs de première ligne, que les employés de back-office en finance, comptabilité, marketing, etc. « Ce sont aussi des clients du DSI », note Mme Ross. « Les nouveaux DSI devraient également consacrer du temps à leurs vendeurs et fournisseurs d'IT, car ils sont peut-être les plus gros contributeurs à l'IT de l'entreprise (et à son budget) », fait remarquer Mme Ross.
8. Négliger les processus et la technologie elle-même
Les DSI savent que tout repose sur des personnes, des processus et des technologies. Mais, alors qu'ils font connaissance avec leurs collègues de la direction et qu'ils discutent avec les autres employés, les nouveaux venus devraient aussi s'intéresser aux processus et aux technologies qui régissent l'IT et l'entreprise dans son ensemble. Pourtant, selon la responsable de la pratique informatique chez WittKieffer, cet aspect est parfois négligé. « Il est important de savoir ce qui fonctionne, comment travaillent les services et s'ils appliquent les bonnes méthodes », prévient-elle. Selon Mme Ross, il incombe aux nouveaux DSI de s'y intéresser. Les nouveaux DSI doivent impérativement connaitre la pile technologique dont ils ont hérité. « Ils doivent identifier les points de fragilité, savoir s'il y a des choses qui fonctionnent avec des bouts de ficelle et évaluer la technologie. Certaines choses peuvent avoir l'air de fonctionner, alors que ce n'est pas le cas », insiste Mme Ross. « S'ils passent à côté de ce genre de problèmes, les nouveaux venus ne risquent pas de faire bonne impression ».
9. Faire cavalier seul
Les études ont toujours montré que les mentors pouvaient apporter une aide efficace à leurs protégés, pour qu'ils s'améliorent et atteignent leurs objectifs. Une étude sur le mentorat au travail, réalisée par l'Olivet Nazarene University, a révélé que 76 % des 3 000 professionnels interrogés considéraient qu'il était important ou très important d'avoir un mentor, mais que moins de la moitié d'entre eux étaient engagés dans une relation de mentorat. Selon Mme Ross, les nouveaux venus, quel que soit le poste auquel ils accèdent, auraient tout à gagner à obtenir le soutien d'un mentor. Mais, comme l'indique l'enquête, très souvent, ils ne cherchent pas à en avoir un. Mme Ross recommande aux nouveaux DSI de trouver un leader IT chevronné pouvant faire office de mentor, de personne référente, « à qui demander des conseils honnêtes et profiter de leur expérience ».
10. Voler en solo
Les DSI n'ont pas uniquement besoin de mentors, ils ont aussi besoin d'alliés. C'est ce qu'affirme Greg Layok, qui, en tant qu'associé principal du consultant West Monroe et responsable de sa pratique technologique, conseille les DSI. « Beaucoup de DSI débutants ne se préoccupent pas de se faire des alliés », déplore-t-il. « Les nouveaux venus pensent souvent que, parce qu'ils adoptent les meilleures technologies et qu'ils déploient des solutions premium, ils vont forcément réussir », constate M. Layok. Mais selon lui, ils ne voient pas que « s'ils n'embarquent pas tout le monde avec eux, leurs bonnes idées risquent d'être perçues comme de mauvaises idées et ils ne pourront pas compter sur le soutien de l'entreprise pour élaborer la bonne solution qui procurera la plus grande valeur ajoutée ».
Certes, les nouveaux DSI peuvent apporter d'excellentes idées à leurs nouvelles entreprises, et ces idées peuvent vraiment être utiles pour les faire avancer. Mais, toujours selon M. Layok, ils ne sont pas toujours conscients qu'il leur faut persuader les autres que leurs idées vont réduire les risques, diminuer le temps de mise sur le marché, accroître la rentabilité ou apporter une valeur ajoutée à l'entreprise. « Certes, des DSI occupant ce poste pour la première fois, et ayant travaillé dans des entreprises très matures, peuvent y arriver. Mais beaucoup estiment que l'entreprise qui les a recrutés est consciente de la valeur de leurs idées », pointe M. Layok. Selon lui, les nouveaux DSI doivent faire l'effort de convaincre leurs collègues de soutenir leurs orientations. Ce dernier fait encore remarquer que si tous les cadres veulent montrer l'impact de leurs choix stratégiques sur l'entreprise, la preuve est plus difficile à apporter et plus importante pour les DSI, « parce que, dans le monde actuel, l'IT ne peut réussir si elle est en silo ».
Article rédigé par
Mary K. Pratt, IDGNS (adaptation Jean Elyan)
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