Dix erreurs à éviter pour la gestion du changement

Un mauvais accompagnement du changement peut tuer dans l'oeuf toute transformation. Quels sont les causes qui font échouer de telles initiatives, et que faire pour corriger la trajectoire ? CIO Etats-Unis a apporté dix réponses.
PublicitéLes organisations qui cherchent à changer doivent être prévenues : les chances de succès sont minces.
Selon l'étude de marché réalisée par Everest Group Research en juin 2019, intitulée « Transformation numérique : passer de la préparation à la réalisation » [Moving from Digital Readiness to Effectiveness], la plupart des organisations qui se sont attelées à des projets de transformation numérique échouent à atteindre leurs objectifs, avec 73% d'entreprises qui ne parviennent pas à concrétiser durablement les bénéfices.
« Nous voyons toujours des organisations qui peinent avec le changement, et le taux d'échec n'a pas baissé au cours des quinze dernières années », déclare Cecilia Edwards, partenaire chez Everest Group, qui codirige l'activité de conseil en transformation IT et digitale.
Après des décennies de changements technologiques, comment cela se fait-il ?
Cecilia Edwards a une théorie. Si elle admet que le chiffre d'Everest Group et d'autres statistiques similaires peuvent surprendre, celles-ci reflètent la hausse du palier à franchir pour espérer la réussite d'un projet aujourd'hui. Désormais, les initiatives qui veulent être un succès doivent fournir une valeur claire au métier.
« Seules quelques organisations obtiennent la valeur métier qu'elles espéraient. Nous voyons ce sujet resurgir en permanence, il fait partie de ceux qui ont pris de l'ampleur avec la transformation numérique », ajoute Cecilia Edwards.
Selon les DSI, les experts techniques et les consultants en management, plusieurs facteurs peuvent favoriser ces mauvais résultats. Néanmoins, tous s'accordent pour pointer une mauvaise gestion du changement comme une cause fréquente, voire même l'une des premières causes de l'échec.
Cette liste recense 10 erreurs fréquentes en matière de gestion du changement, avec des conseils pour les éviter.
1. Échouer à percevoir le changement tel qu'il se présente aujourd'hui
Autrefois, les projets IT signifiaient mettre en oeuvre une technologie grâce à laquelle les collaborateurs passaient d'un mode de travail à un autre, jusqu'à atteindre la stabilité et une nouvelle normalité. Fin de l'histoire.
« Ce type de changement existe toujours, mais aujourd'hui il survient plus vite et plus fréquemment, associé à une transformation plus vaste », indique Suzanne Adnams, vice-présidente et analyste chez Gartner, au sein du département CIO Research. « Les organisations connaissent deux types de changements actuellement : le premier concerne les changements inhérents à un projet, tandis que le second est le changement culturel. Ce dernier n'est pas prévisible, ni planifiable, car pour l'essentiel nous ne savons pas quel sera l'impact d'un projet de transformation sur la culture interne, les collaborateurs, l'état d'esprit et les pratiques, jusqu'à ce que nous le voyions à l'oeuvre », explique-t-elle.
PublicitéSelon Suzanne Adnams, les DSI doivent comprendre cette différence, car les tactiques qui ont fait leurs preuves sur la première catégorie ne suffisent pas pour adresser la seconde. Les approches conventionnelles de gestion du changement suffisent dans le premier cas, mais s'ils veulent réussir la transformation, les DSI doivent conduire le changement, pas seulement le gérer.
Le Gartner a étudié des organisations qui ont réussi à mener à bien leur transformation, et les analystes ont identifié un ensemble d'approches similaires en matière de conduite du changement, avec des leaders du changement qui savent clairement où ils veulent aller, partagent cette vision, mettent en place les conditions nécessaires pour la concrétiser, inventent des moyens pour recueillir les contributions de leurs collaborateurs, encouragent les équipes à tester leurs idées et parviennent à passer à l'échelle les pilotes réussis.
2. Ne pas prendre les rênes
Dans bien des organisations, si ce n'est la majorité, la supervision et la responsabilité de la gestion du changement sont confiées à la Direction des Ressources Humaines. En conséquence, certains DSI se contentent de déléguer cette tâche à leurs collègues des RH.
Cependant, la technologie est à la base de presque toutes les initiatives métier aujourd'hui, et les professionnels de l'IT travaillent bien plus étroitement avec leurs homologues métiers à travers le développement agile. Ces deux facteurs offrent aux DSI et à leurs équipes une visibilité accrue sur la façon dont les processus métier changent, sur les adaptations nécessaires pour les utilisateurs et sur les critères de succès.
De ce fait, Suzanne Adnams estime que les DSI devraient assumer une partie des responsabilités en matière de gestion du changement. « Aujourd'hui, c'est souvent aux DSI qu'il revient d'inciter leurs pairs du Comité de direction à prendre conscience de la nécessité de la gestion du changement. Il ne s'agit pas de dire que les autres directions n'en ont pas conscience, mais ils ne l'abordent pas de la même façon », ajoute-t-elle.
3. Sous-estimer la difficulté de la tâche
Le changement dérange les collaborateurs. Ceux-ci s'inquiètent de la façon dont les nouvelles initiatives risquent d'impacter leur travail quotidien, craignent des conséquences négatives sur leurs postes, voir même la disparition de leur emploi. Au moment d'aborder le changement, beaucoup peinent à s'adapter, certains luttent même contre lui.
Malgré ces réactions, somme toute courantes, beaucoup de DSI et leurs homologues ne perçoivent toujours pas à quel point le changement peut être difficile. A la place, ils tentent de pousser le changement à tout prix, au lieu de commencer par reconnaître et adresser cette anxiété.
« C'est très facile de se laisser séduire par le champ des possibles, mais vous devez également le vendre un minimum aux autres, afin de les aider à traverser les changements », témoigne Mike Kelly, DSI de l'éditeur Red Hat. Ce dernier se bat pour identifier et prendre en compte les difficultés de ses collaborateurs, et pour trouver des façons de les embarquer dans la démarche. « Il faut un certain état d'esprit, celui qui consiste à se dire qu'on fait vraiment tout ce qu'il faut pour changer, et qu'on est prêt à tout faire pour que les choses se passent bien. »
4. Ne pas avoir le plein engagement des directions métiers
Même si les DSI doivent endosser une partie de la responsabilité en matière de conduite du changement, pour Mike Kelly, ce n'est pas non plus à eux d'en être les porte-étendards. A la place, les DSI doivent s'assurer que ce rôle est assumé par les directions métier qui vont bénéficier des initiatives. « L'IT doit piloter en arrière-plan », souligne Mike Kelly.
De surcroît, les DSI ne doivent pas attendre moins de la part des autres managers qu'un total engagement à défendre le changement. Mike Kelly raconte qu'un jour, sur un projet qu'il dirigeait, il voulait que son partenaire métier désigne des utilisateurs clefs pour l'aider à modéliser les changements nécessaires. Ce dernier a hésité à l'idée d'allouer ses meilleurs collaborateurs au projet, une résistance qui a mis en péril le succès de l'initiative. Dans de telles circonstances, Mike Kelly estime que les DSI doivent convaincre les directions métier de ne pas simplement se présenter comme des champions du changement, mais d'allouer concrètement les ressources nécessaires. Si les métiers ne le font pas, il revient aux DSI de trancher pour savoir si cela vaut vraiment la peine de continuer.
5. Isoler les porteurs du changement
Une autre erreur classique, selon plusieurs experts, consiste à gérer la conduite du changement séparément de l'initiative globale. « L'équipe chargée de la conduite du changement se retrouve souvent isolée de façon involontaire. Dans de tels cas, elle n'a pas les moyens de se faire entendre », prévient Bill Kirst, senior manager dans le département d'excellence opérationnelle de West Monroe Partners, chargé de la gestion opérationnelle du changement.
Bill Kirst appuie ce constat avec l'exemple d'une entreprise qui a tenté de passer d'un datacenter on-premise au Cloud. Ce virage important nécessitait que les équipes IT adoptent une autre façon de travailler. L'entreprise avait une équipe projet chargé de la migration, mais celle-ci avait omis d'intégrer un plan d'accompagnement au changement, alors même que l'initiative avançait. Une telle intégration aurait permis d'identifier et d'adresser les stratégies d'évitement mises en place par les employés, qui ont menacé à la fois la migration vers le Cloud et le moral des collaborateurs.
Comme l'explique Bill Kirst, l'équipe de conduite du changement doit être assez à l'aise et suffisamment solidaire pour pouvoir dire : « nous n'allons pas tout régler, nous ne cherchons pas la perfection, mais nous voulons promouvoir un état d'esprit axé sur le progrès, et nous allons donc mener des tests ensemble. »
6. Ne pas faire appel à des experts en conduite du changement
Pour Dave Jordan, directeur de la branche Conseil et services d'intégration chez Tata Consultancy Services, beaucoup de décideurs ne voient pas la gestion du changement comme une discipline à part entière, qui requiert des professionnels avec un niveau de formation et d'expertise permettant de mener leurs projets au succès. De ce fait, les DSI et les autres managers confient fréquemment des tâches de gestion du changement à des individus dont l'expertise est ailleurs, comme des chefs de projet.
« Ce n'est pas la stratégie la plus judicieuse », pointe Dave Jordan. Celui-ci souligne que les professionnels de la gestion du changement sont formés sur la structure et le fonctionnement des organisations, sur la formation et l'éducation, et sur la psychologie du travail. Même les meilleurs chefs de produits, responsables de projet et managers métier possèdent très rarement ce type de connaissances. Dave Jordan conseille aux DSI soit de cultiver ce type d'expertise en interne, soit de rechercher des partenaires qui peuvent la fournir.
7. Ne pas allouer les ressources adaptées
« De la même façon, beaucoup d'organisations n'arrivent pas à allouer suffisamment de ressources pour la gestion du changement, même si elles possèdent une telle expertise en interne ou prévoient de faire appel à des consultants externes », constate Dave Jordan.
D'après celui-ci, comme la gestion du changement est quelque chose d'intangible, elle est plus aisée à réduire. « C'est une ligne facile à raboter quand les DSI passent en revue le budget », relève-t-il. Il recommande pour sa part aux organisations de dédier au minimum 15% du budget d'un programme au changement organisationnel.
Il déconseille aussi de surcharger de travail les équipes de conduite du changement, une autre erreur fréquente. « J'ai vu certains grands clients tenter de créer une équipe de gestion du changement en interne, typiquement en lien avec les RH ou parfois l'IT, mais ces équipes sont presque toujours sous-dimensionnées, et donc sursollicitées », ajoute-t-il.
8. Ignorer ceux qui sont directement concernés
Autre problème prévalent dans la gestion du changement moderne : celle-ci ne parvient pas à atteindre ceux qui sont directement touchés par une initiative. A la place, elle se repose sur des notions préconçues pour déterminer comment faire passer des individus d'un point A à un point B.
« C'est dans la nature humaine de penser que nos propres idées sont les meilleures. Mais trop souvent nous travaillons dans une bulle, ce qui signifie que nous construisons nos idées en isolation, sans bénéficier d'opinions diverses. Nous ne commençons pas par demander un feedback et solliciter différents points de vue quand nous pensons à changement à venir », explique Bill Kirst. Pour lui, les DSI doivent inciter leurs équipes produit à travailler en partenariat avec les leaders du changement, afin de casser les silos et de cocréer avec les utilisateurs.
« Certains DSI redoutent qu'en procédant ainsi, il leur faudra accepter toutes les idées de ces derniers. Mais il ne s'agit pas de cela : le but est d'inviter les utilisateurs dans une démarche d'inclusion. Si ceux-ci se sentent écoutés, et qu'ils ont la possibilité de se projeter dans le changement, ils vous aideront pour l'adoption », précise Bill Kirst. « En revanche, si les employés ont le sentiment qu'ils ne peuvent pas faire entendre leurs idées, ils peuvent alors accumuler du ressentiment. Et les individus ont naturellement tendance à se désimpliquer quand ils sentent que leurs propositions sont ignorées. »
9. Ne pas adapter et actualiser son approche
Les DSI ont totalement assimilé la pratique consistant à s'appuyer sur les réussites passées afin de trouver du soutien face aux nouveaux efforts et de fournir un cadre aux nouvelles initiatives. Mais Cecilia Edwards met en garde les DSI contre la réutilisation d'anciens plans de conduite du changement, même s'ils ont fonctionné.
« Évitez de vous dire que parce que vous avez procédé ainsi par le passé et que vous avez réussi, alors c'est la voie à suivre pour réussir à l'avenir », prévient-elle. A la place, elle préconise aux DSI et aux autres décideurs de considérer chaque programme de gestion du changement comme un cas unique, qui nécessite une stratégie adaptée aux besoins et aux circonstances actuels.
10. Penser que c'est aux utilisateurs d'ajuster leurs attentes
Cecilia Edwards a aussi observé des DSI et leurs partenaires ignorer des comportements bien établis, dans l'espoir que les utilisateurs abandonnent des pratiques populaires pour adopter de nouvelles façons de faire sans bénéfices réellement visibles. Cette erreur a souvent fait couler des projets, et elle fait particulièrement mal quand les organisations cherchent à faire changer leurs clients.
« Que se passerait-il par exemple si les développeurs d'une entreprise repensaient la manière dont les consommateurs postent des avis ? Les utilisateurs se révolteraient probablement, car ils sont déjà habitués à le faire d'une façon relativement homogène, grâce à Amazon et aux autres géants du Web qui établissent les standards », demande-t-elle.
Les employés ne sont pas différents aujourd'hui. Ils se rendent à leur travail en s'attendant à trouver une certaine homogénéité dans leur expérience numérique.
« Aujourd'hui, la demande du marché est portée par les consommateurs, qui dictent aux entreprises ce dont ils ont besoin. Les entreprises ne contrôlent pas ces attentes, et elles peinent à s'ajuster aux nouveaux besoins. Autrefois, seules les entreprises en relation directe avec les clients étaient confrontées à ce défi, mais aujourd'hui celui-ci concerne toutes les organisations, car les employés sont des humains dans un monde numérique », conclut Cecilia Edwards.
Article de Mary K. Pratt / CIO Etats-Unis (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)
Article rédigé par

La rédaction de CIO Etats-Unis,
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