Stratégie

Dix enseignements de la crise sanitaire pour bâtir une IT résiliente (2/2)

Dix enseignements de la crise sanitaire pour bâtir une IT résiliente (2/2)
Antonio De Faria (Chronopost et Biologistic) : « en télétravail, des réunions qui auparavant nécessitaient une heure ne prennent plus que 30 minutes. »
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°181 !
Ce que le Covid-19 a appris aux DSI

Ce que le Covid-19 a appris aux DSI

Pendant la crise sanitaire, le business continue. Indubitablement, la crise sanitaire du Covid-19 aura eu et va continuer d'avoir un impact, probablement durant plusieurs années, sur l'économie. Plutôt que de se replier sur soi, c'est le moment de remettre à plat les processus. C'est le moment...

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Durant la pandémie de Covid-19, certaines organisations se sont révélées mieux armées que d'autres pour affronter la crise, en particulier celles qui avaient bien avancé sur leur transformation digitale. Leur expérience peut servir d'inspiration pour bâtir des entreprises et des collectivités plus résilientes. Un défi où l'IT a un rôle majeur à jouer. Voici la suite des dix leçons apprises lors de cette crise. [Première partie]

PublicitéLe coronavirus a mis à rude épreuve les entreprises, qui ont dû s'adapter en urgence à des situations sans précédent, en particulier durant le confinement. Dans ce contexte, l'IT s'est mobilisée pour assurer la continuité des activités. Ainsi mise en lumière, la fonction est souvent sortie revalorisée de cette crise, montrant qu'elle était prête et prouvant sa capacité à répondre rapidement aux besoins. Maintenant que le pic semble passé, quelles leçons retenir de cette période ? Voici la suite des enseignements recueillis par CIO.

6. Infrastructures et systèmes doivent être flexibles


Durant le confinement, toutes les organisations qui ont pu maintenir tout ou partie de leurs activités en télétravail ont observé des pics de charge sans précédent sur leurs systèmes d'information, nécessitant souvent de renforcer les infrastructures dans l'urgence. « La volumétrie sur le système a été multipliée par trois en quelques jours, alors que celui-ci avait été dimensionné en fonction d'un volume d'apprenants estimé sur une année complète » témoigne par exemple Arnaud Wauquier, chef de projets technologies et chargé du maintien en conditions opérationnelles (MCO) à l'IFCAM (Université du groupe Crédit Agricole). « Nous avons dû ajouter plusieurs serveurs pour supporter la charge, afin de maintenir la qualité de service. En temps normal, 8 serveurs front gèrent l'accueil des apprenants. Avec le confinement, nous sommes passés à 14 machines et nos coûts de fonctionnement ont augmenté en proportion, d'autant que nous avons également dû déployer un CDN (Content Delivery Network) pour absorber la charge. » Fort heureusement, l'université d'entreprise a pu bénéficier de la solidarité d'un de ses fournisseurs, Dynatrace, qui a mis gracieusement à disposition des licences afin d'assurer le même niveau de monitoring sur toutes les machines de façon à préserver la qualité de service.

Même expérience au Conseil départemental de Seine-et-Marne, comme le relate Loann Fraillon, sous-directeur des infrastructures au CD77 : « le plus gros challenge a été de passer d'une cinquantaine de télétravailleurs accédant uniquement à quelques applications métiers à distance, à 1500 utilisateurs de bureaux publiés intégrant 90% des outils et ressources de leur environnement de travail habituel ». Heureusement, la collectivité utilisait depuis une dizaine d'années les technologies de virtualisation du poste de travail de Citrix afin d'optimiser l'emploi de la bande passante pour l'accès aux postes de travail par 1200 agents sur 14 sites. Face à ce défi, le CD77 n'a donc eu qu'à adapter les configurations systèmes et réseaux, afin d'autoriser l'accès depuis le domicile des agents.

Ces témoignages montrent que dans un monde où l'imprévu peut surgir de partout et où les changements vont de plus en plus vite, la capacité à redimensionner rapidement les systèmes va se révéler de plus en plus indispensable. Cette flexibilité devient stratégique, les organisations ne pouvant plus dépendre d'infrastructures figées. Qu'il s'agisse du réseau, du VPN, des serveurs ou des applications, tout doit pouvoir monter (et descendre) en charge de la manière la plus transparente possible. C'est notamment pour cette raison que les entreprises ayant fortement investi dans le Cloud et la virtualisation s'avèrent mieux armées pour répondre aux crises.

Publicité7. Les achats IT peuvent aussi être agiles

En l'espace d'un week-end, il a fallu gérer le passage au travail à distance pour des centaines, voire des milliers de collaborateurs. D'un coup, le télétravail qui progressait à tous petits pas s'est généralisé. Avec ces changements soudains, l'agilité s'est imposée partout dans l'IT, y compris au niveau des approvisionnements. Ainsi, lorsque le confinement a commencé à être envisagé, le département d'Ille-et-Vilaine a tout de suite réagi. « Il existait un marché public d'équipement pour le renouvellement prévu des postes fixes en portables. Nous avons alors anticipé les dotations en urgence », indique Benoît Moraillon, Directeur des systèmes numériques du département. S'appuyant sur son partenaire distributeur Pentasonic, le département s'est fait livrer rapidement les Toshiba Dynabook de la dotation annuelle, soit 270 postes.

De son côté, la MAIF a d'abord passé en revue les différentes options pour permettre à ses salariés de travailler à distance. Une fois la décision prise de les équiper d'ordinateurs portables, un gros travail a été effectué avec les Achats pour compléter l'équipement des collaborateurs. « Au total, nous avons acheté environ 1000 postes supplémentaires, en plusieurs lots », précise Nicolas Siegler, Directeur Général Adjoint MAIF en charge des Solutions et Systèmes d'information. De façon similaire, la DSI de la Mutualité Sociale Agricole a anticipé les mesures nécessaires en mars 2020, en commandant du matériel réseau complémentaire et des licences VPN afin de passer de 2500 à 10 000 connexions simultanées.

8. Le travail de demain se prépare aujourd'hui

En montrant que bien souvent le télétravail fonctionnait, et parfois même mieux que le 100% présentiel, la crise a posé les prémices d'une nouvelle organisation du travail. Si les DRH mènent la réflexion, les DSI en sont des acteurs à part entière. Tout d'abord, ce sont eux qui construisent et déploient l'environnement de travail numérique, la fameuse Digital Workplace. « Il y a maintenant quatre ans, nous avons choisi de mettre en place des outils collaboratifs comme Teams, Sharepoint, Onedrive et un réseau social d'entreprise. Ce pari s'avère aujourd'hui payant : nous avons pu mettre en place le télétravail sans aucun problème, alors qu'il y a quatre ans, les fichiers partagés étaient sur un répertoire qui nécessitait un accès VPN. Cette digital workplace nous a apporté une grande souplesse et de la facilité pour mettre en place l'entreprise virtuelle », détaille ainsi Nicolas Siegler.

D'autre part, les DSI disposent d'indicateurs précieux pour évaluer précisément l'impact du travail à distance et l'efficacité des outils numériques. Engie a ainsi pu chiffrer précisément le taux d'utilisation des outils numériques avant et pendant la crise, comme l'explique le CTO du groupe, Youssef Tahani. « À travers nos différentes solutions, nous avons pu mesurer l'efficacité du Cloud au moment du passage -assez soudain- au télétravail, dans tous les pays qui ont mis en place un confinement. Par exemple, en temps normal, entre 7000 et 8000 utilisateurs se connectent quotidiennement à des réunions sur Teams. Pendant le confinement, nous sommes passés à 40 000 utilisateurs connectés chaque jour. Le nombre quotidien de réunions, qui oscillait quant à lui entre 4000 à 5000 sur la période de référence, a atteint 25 000 par jour. »

Ces données permettent également d'évaluer les bénéfices et les risques associés au travail à distance. Au CHRU de Nancy, Jean-Christophe Calvo, Chef du Département territorial de la Transformation numérique et de l'Ingénierie biomédicale au CHRU, a ainsi constaté que le télétravail amenait « un confort et une vraie ponctualité sur les réunions », dont la durée a diminué selon lui d'environ 30%. Antonio De Faria Directeur Gouvernance et programmes de Chronopost et DSI de Biologistic, effectue un constat proche, se réjouissant que « des réunions qui auparavant nécessitaient une heure ne prennent plus que 30 minutes ». De son côté, Stéphane Jullien, DSI d'In Extenso affiche quelques réserves : « Je n'ai pas constaté de baisse sur la quantité de travail, en revanche le télétravail occasionne une baisse de productivité, que nous avons mesurée : entre 10 et 20%. En management, toute une dimension informelle, qui passe par l'oral, se perd. »

9. Partout, c'est l'utilisateur qui décide

La pandémie l'a confirmé : que ce soit au sein même de l'entreprise ou dans sa relation avec les clients et usagers, le pouvoir est définitivement dans les mains des utilisateurs. L'IT doit en tenir compte dans ses futurs choix.

En interne, si l'ergonomie ou les performances des solutions en place ne répondent pas aux attentes, le risque est grand de voir revenir par la porte arrière des solutions non validées par l'IT. Ce sont les collaborateurs qui décident, surtout quand ils travaillent de chez eux. « Quand vous fournissez les bons outils, avec des VPN éprouvés, des systèmes de partage de données adaptés, les employés sont moins tentés d'utiliser d'autres solutions », estime ainsi Frank van Caenegem, RSSI du groupe CNP Assurances. Son équipe a néanmoins été confrontée à des demandes pour utiliser le service de vidéoconférence Zoom, que certains utilisateurs préféraient à l'outil en place, Microsoft Skype. Face à ces attentes, l'IT a préféré expliquer et responsabiliser, plutôt que d'interdire. « Nous les avons prévenus qu'il y avait davantage d'enjeux de sécurité avec cette solution. S'ils souhaitent l'utiliser, c'est uniquement pour des échanges très peu sensibles, et plutôt pour des conférences avec des interlocuteurs externes » témoigne le RSSI.

L'IPSSI, une école spécialisée dans l'informatique et le numérique, a adopté la même approche avec ses étudiants, en proposant une solution flexible pour l'enseignement à distance et en laissant de la souplesse aux élèves pour le choix des autres outils. Sur la plateforme Livestorm, les élèves peuvent ainsi interagir avec les intervenants professionnels, revoir un cours ou consulter certains modules à la demande. « Ils peuvent ainsi apprendre à leur rythme. Ceux qui préfèrent travailler le soir peuvent par exemple se perfectionner sur JavaScript », illustre Damien Jordan, directeur commercial et marketing de l'IPSSI. Pour les projets de groupe, « les élèves s'organisent par eux-mêmes pour choisir les solutions qui leur conviennent le mieux. » De son côté, l'IFCAM, université du Groupe Crédit Agricole, a vu une nouvelle demande émerger au cours de la crise sanitaire. « Avec la pandémie, nous avons eu beaucoup de demandes pour accéder aux formations depuis des postes personnels », témoigne Arnaud Wauquier. Les apprenants se forment habituellement avec des ordinateurs professionnels équipés de VPN, mais tous les collaborateurs n'en sont pas équipés. Pour répondre aux attentes, l'équipe technique a donc monté une nouvelle plateforme, Open E-learning, destinée à la formation en libre-service.

En ce qui concerne les clients, l'exemple de Chronopost est parlant. L'épidémie a rebattu les cartes au niveau de la priorité des projets, comme le raconte Antonio De Faria : « avec les contraintes sanitaires, les clients ne voulaient plus utiliser le stylo ou les PDA des livreurs. Nous avions déjà un projet dans les tuyaux, qui consistait à remplacer la signature lors de la réception des colis par des photos. Ce projet est passé en top priorité, et nous avons pu le déployer auprès de tous nos chauffeurs en quelques semaines ».

En première ligne, le secteur de la santé a dû quant à lui faire face à un afflux de demandes pour la téléconsultation, pas forcément anticipé. Alors que les solutions classiques du marché étaient déjà sursollicitées, le Groupement Hospitalier de Vendée a opté pour Speakylink de SYD, une solution qui permettait de répondre aux contraintes réglementaires, tout en restant très simple à utiliser. « Pas d'installation, pas de formation, pas de stockage d'information médicale », décrit Tristan Piron, DSI Adjoint du Groupement Hospitalier de Vendée.

10. Une IT enfin reconnue à sa juste valeur

La majorité des DSI rencontrés durant cette période l'ont souligné : le rôle de l'IT pendant la crise a été largement perçu et apprécié dans les organisations. « Nous avons fait un sondage fin avril pour faire le bilan de la crise. Les actions de la DSI sont ressorties à cette occasion. Même si nous n'étions pas au premier rang dans cette crise, nous avons de la reconnaissance de la part des autres équipes du CHRU », relate par exemple Jean-Christophe Calvo. « Avec cette crise, l'équipe de la DDSI s'est trouvée confortée dans ses choix, même si ceux-ci avaient été faits pour d'autres raisons, comme la promesse du Cloud en termes de capacités. Nous en voyons aujourd'hui la justesse, cela nous a permis de continuer à fonctionner avec l'ensemble de nos collaborateurs, de Shanghai à Santiago. Grâce à cette légitimité supplémentaire, nous allons pouvoir continuer la transformation » témoigne de son côté Youssef Tahani.

Face à la crise économique qui débute, sans doute est-il judicieux de mettre à profit ce gain d'image, afin de sécuriser les budgets nécessaires à la poursuite de la transformation, en particulier sur le volet de la sécurité, déjà menacé. C'est ce que conseille Stéphane Jullien, « en temps normal, des sujets d'innovation, de sécurité ou d'autres comme la réduction de la dette technique sont très difficiles à vendre. Là, nous avons eu un retour très positif des associés, ceux qui investissent, qui ont pu constater l'importance de ces projets. Le capital confiance de la direction et des clients vis-à-vis de la DSI a augmenté. Il faut en profiter. »

Après cette période riche d'enseignements, bien des questions restent toutefois ouvertes. Les bonnes pratiques expérimentées pendant la crise vont-elles perdurer ou les organisations vont-elles revenir au travail d'avant ? La transformation numérique va-t-elle accélérer ou au contraire engendrer une sorte de lassitude auprès des utilisateurs ? Une chose semble certaine, le rôle stratégique de la fonction IT ne devrait théoriquement plus faire débat. Pourtant, il serait dangereux de prendre le fait pour acquis, l'expérience montrant que la valeur apportée par la DSI est régulièrement questionnée, en particulier quand une crise économique s'annonce. Si celle-ci va très certainement se traduire par des restrictions budgétaires, trop couper dans les budgets IT s'avère risqué. Les différents témoignages recueillis montrent en effet que les organisations qui ont investi dans le numérique et se sont préparés sont les plus résilientes.

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