Digitaliser, c'est facile, mais transformer, ce n'est pas gagné

Le cabinet Lecko a présenté et publié l'édition 2020 de son « Etat de l'art de la transformation interne » sur la digitalisation et la collaboration.
PublicitéComme tous les ans, le cabinet Lecko a présenté et publié son étude « Etat de l'art de la transformation interne ». Issu des travaux quotidiens du cabinet mais aussi d'enquêtes spécifiques (telles qu'un sondage auprès de 1009 salariés d'entreprises de plus de 5000 salariés confié à YouGov), cette étude annuelle fait le point sur le marché des outils collaboratifs en eux-mêmes mais aussi sur les transformations des modes de fonctionnement des entreprises en lien avec ces outils et l'évolution des pratiques de collaboration.
Le digital est aujourd'hui bien rentré dans les moeurs des salariés. Selon le sondage opéré, 91 % des utilisateurs se sentent à l'aise avec les outils numériques. « A titre personnel ou professionnel, chacun est digital » a ainsi observé Arnaud Rayrole, DG de Lecko. D'une manière générale, les outils numériques sont reconnus comme améliorant l'efficacité autant que la relation avec les autres. Il y a cependant de vrais différences entre deux populations. Celle des travailleurs de terrain, si elle se réjouit d'être enfin connectée, reste en attente de davantage de partages et d'usages. A l'inverse, pour les travailleurs tertiaires, le sentiment dominant est celui de la saturation et ils recherchent une réduction des réunions (y compris à distance), des mails, etc.
Moderniser peut être un grand pas vers les ennuis
Ce dernier cas est l'exemple type des inconvénients de certains outils dont, a priori, on ne voyait que les avantages. Ainsi, les agendas partagés incitent à saturer en réunions physiques ou à distance, avec dégradation de la qualité de la communication : puisque les gens sont libres, on peut ajouter une réunion... De la même façon, la mise en place d'espace de partages de type « drives » peut créer un chaos documentaire. Les versions peuvent s'accumuler sans que l'on sache laquelle est la bonne. Le rangement des documents peut aussi relever de règles obscures et diverses selon les individus ou... d'aucune règle.
Arnaud Rayrole a martelé : « développer des outils n'assure pas la transformation ». Moderniser, c'est résoudre un irritant par la technologie. La première étape de la digitalisation relève de la modernisation. Mais se transformer, c'est changer les pratiques. « La valeur ajoutée du digital est dans la transformation » a plaidé Arnaud Rayrole. Dans les deux exemples cités ci-dessus, opter pour la transformation au lieu de la modernisation résoud les inconvénients évoqués. Ainsi, se transformer aboutit à développer de nouvelles pratiques avec moins de réunions. Et, de la même façon, cela implique de ne plus disposer de multiples versions de travail mais d'un document unique en mise au point progressive sur lequel chacun travaille en co-édition. Donc en acceptant de diffuser un travail en cours.
PublicitéDes outils et des méthodes encore en transformation
Le mail reste toujours l'outil majeur de collaboration, d'échanges d'information. Mais un outil de messagerie instantanée grand public, Whatsapp, voit son usage professionnel se développer, ce qui est peu pertinent en regard des impératifs de sécurité. Malgré tout, l'organisation agile des entreprises progresse avec un recul de la vision hiérarchique au bénéfice de la mise en réseau. Même si, pour l'heure, le réseau se superpose au modèle matriciel classique. De la même façon, l'approche agile de type « test & learn » [tester et apprendre] gagne du terrain sur l'approche conventionnelle structurée et planifiée.
Chaque outil de collaboration a ses usages, ses intérêts mais aussi ses limites. Ainsi, un réseau social d'entreprise (RSE) a un principe directeur : c'est une approche centrée utilisateurs pour créer des liens autour d'un ensemble de tâches ou de questions. Son utilité n'est pas celle d'une messagerie instantanée, d'une bureautique collaborative ou d'autres outils encore. Beaucoup d'échecs sont sans doute dus à la mauvaise utilisation des outils, lorsque l'on attend d'eux ce pour quoi il ne sont pas faits.
Des solutions du marché pléthoriques
Comme chaque année, Lecko a fait un point sur le marché. Le premier constat semble plus digne d'une étude sur les ERP que sur le digital : opter pour des solutions de bureautique en SaaS comme celles de Microsoft ou de Google est un choix structurant pour des années. La bureautique est un point de départ pour une digitalisation des pratiques. Mais la collaboration peut s'avérer porteuse de freins pour l'organisation si les usages réels et les infrastructures ne sont pas transformés. Outre les problèmes déjà évoqués, plusieurs point de vigilances ont été mentionnés par Lecko : le réseau (qui doit garantir une bande passante suffisante), le référentiel des identités, la performance des terminaux (notamment mobiles), le démantèlement de l'existant (surtout il continue de consommer de la ressources voire d'être utilisé), le cloisonnement des outils (notamment Teams et Outlook chez Microsoft)... Microsoft propose des outils d'intégration et d'automatisation puissants, la Power Platform, mais son coût est important.
L'étude de Lecko intègre 50 éditeurs et 70 solutions dont 34 détaillées (cliquer pour agrandir)
Pour Lecko, les manquements des grandes plateformes bureautiques, de Google et Microsoft, laissent une place certaine pour les outils tiers. L'étude de Lecko intègre 50 éditeurs et 70 solutions dont 34 détaillées. Le cabinet considère que des outils « qui font tout » ne sont pas forcément pertinents : ils peuvent devenir « un immense bazar ». Le (mauvais) exemple de Jives a ainsi été cité. Lecko recommande plutôt de multiplier des outils selon ce qu'ils savent faire de mieux. La tendance des spécialistes est cependant à multiplier les fonctionnalités pour devenir des généralistes, partir à l'assaut de la Digital Workplace, mais chacun selon sa voie. Il reste cependant des spécialistes pour des cas d'usages précis avec une interface utilisateur très adaptée. Selon Lecko, de tels outils ont un meilleur pouvoir transformant.
API vs intégration
« Les API des best players (comme Slack) apportent plus que les suites intégrées mais les deux offrent de nombreuses capacités de transformation » a jugé Arnaud Rayrole. La multiplication des outils entraîne cependant la multiplication des micro-factures et tous les acteurs ne joue pas le jeu : ceux qui gardent le modèle initial du SaaS, ne facturant que les utilisateur réels sur la période donnée, sont rares. Il faut donc être vigilant sur l'ouverture et la fermeture des comptes d'utilisateurs.
Deux approches existent pour développer des digital workplaces : d'un côté le portail centralisé structuré par la direction de l'organisation, de l'autre côté une messagerie d'équipe où celle-ci gère elle-même ses échanges et ses connexions. Selon Lecko, les solutions techniques les plus courantes (LumApps, Powell, Slack...) sont capables de s'adapter aux deux approches. Et, insiste le cabinet, il ne faut pas négliger les acteurs alternatifs ou complémentaires (eXo Platform, Jalios, Talkspirit...) dans la recherche de la solution idéale dans une organisation donnée.
Même s'il est évidemment un peu tôt pour tirer un bilan définitif, ce qui devrait être fait pour la prochaine édition de l'étude de Lecko, les récentes perturbations dans les transports ont certes, semble-t-il, fait sauter quelques digues dans la collaboration à distance et le télétravail. Cependant, de fortes réticences demeurent en France et les limitations liées aux réseaux restent des goulets d'étranglement. Le télétravail est toujours vu comme une possibilité durant quelques jours mais comme un mode de travail dégradé, à ne pas prolonger, pas comme une organisation possible en permanence.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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