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Deux DSI africains partagent leurs conseils pour affronter la crise du coronavirus

Deux DSI africains partagent leurs conseils pour affronter la crise du coronavirus
Sudhish Mohan, CIO et COO de TransUnion Africa : « les leçons apprises de cette pandémie vont remodeler la façon dont nous travaillerons. »

Alors que l'épidémie de Covid-19 frappe le monde, les DSI peuvent mettre à profit leur connaissance de l'entreprise pour assurer la continuité des activités et préparer la convalescence. Nos collègues de CIO Afrique ont recueilli l'opinion de deux DSI d'entreprises africaines, qui évoquent notamment le recours au Cloud et la question du leadership.

PublicitéL'étendue de l'épidémie de Covid-19 a poussé de nombreuses entreprises en Afrique subsaharienne - souvent sur ordre des gouvernements, à demander à leurs employés de travailler de chez eux et à restreindre leurs déplacements professionnels. Dans cet environnement, les décideurs IT peuvent, et doivent mettre en oeuvre leurs capacités de leadership pour aider leur entreprise à réduire les impacts de la crise, selon les interlocuteurs interrogés par CIO Afrique.

Les DSI ont pour missions d'assurer le maintien de la productivité, de minimiser les interruptions et de freiner les pertes de revenus. Plus que jamais, les dirigeants dépendent de l'IT pour garantir que les outils permettant aux employés d'être productifs sont en place et fonctionnent de façon optimale.

Mais le leadership IT ne se limite pas à vérifier que les réseaux de l'entreprise peuvent tenir la charge face aux pics de connexions entrantes générées par les télétravailleurs sur les VPNs (réseaux privés virtuels).

CIO Afrique s'est entretenu avec Sudhish Mohan, CIO et directeur des opérations du groupe de services financiers TransUnion Africa, et Yoav Tchelet, directeur technique d'Amrod, fournisseur de vêtements et de cadeaux d'entrepris et ancien DSI de Bayport Financial Services, sur la façon dont les technologies, incluant le Cloud, peuvent être mises à profit pour le télétravail, sur les bonnes pratiques pour manager des équipes et des réunions à distance et sur les bonnes façons de conduire ses collaborateurs en temps de crise.

Exploiter sa connaissance de l'entreprise

Selon Sudhish Mohan et Yoav Tchelet, les DSI sont bien placés pour apporter leur aide au comité exécutif durant la crise actuelle. « Je pense que les DSI ont une position unique qui leur permet d'avoir une vision à 360° de l'entreprise, et cette vue permet d'établir les priorités et les scénarios bien plus aisément », affirme Sudhish Mohan.

Comme les activités administratives, de production et d'approvisionnement dépendent toutes de l'infrastructure IT, les DSI collaborent régulièrement avec les décideurs métiers de ces domaines. Ils savent ainsi quels aspects de l'entreprise seront touchés, et lesquels seront le plus durement frappés par la crise actuelle. Ces éléments sont cruciaux pour planifier la continuité des activités.

« C'est une époque sans précédent. Il faut faire en sorte que les mesures de continuité d'activité soient en place pour assurer la continuité des opérations », insiste Yoav Tchelet. Dans certaines circonstances cependant, la capacité de l'IT à répondre aux besoins est limitée, et les DSI doivent en être conscients. « Nous avons la chance d'avoir nos employés de bureau totalement équipés pour le télétravail et pleinement opérationnels avec tous les outils et systèmes pour la collaboration et la poursuite des activités. Mais nous avons également des usines qui nécessitent des interventions humaines pour fonctionner et cela rend le processus plus compliqué », ajoute-t-il.

PublicitéEn gestion de crise, les dirigeants doivent savoir ce sur quoi ils ont le contrôle et là où ce n'est pas le cas. « Beaucoup d'entreprises dans des secteurs similaires, dépendantes d'une combinaison d'activités administratives et de production ne seront pas en capacité de fonctionner à 100% en cas de fermetures imposées », souligne Yoav Tchelet.

Impliquer les représentants des métiers

Pour s'assurer que l'IT aide l'entreprise à atteindre ses objectifs pendant une crise, les DSI doivent communiquer avec les décideurs et les parties prenantes de leur organisation côté métier, afin de garantir un usage optimal des technologies. Cette collaboration est particulièrement importante en période de crise, car les décisions prises peuvent potentiellement être source d'économies, ou dans l'hypothèse la moins favorable, conduire à des pertes de revenus significatives. Se retrouver face à des scénarios si compliqués n'est jamais facile.

Même si la plupart des entreprises encouragent leurs collaborateurs à travailler à leur domicile, il est crucial de comprendre les implications globales d'une telle politique sur le long terme, en particulier dans les pays africains qui sont déjà confrontés à une faible connectivité à Internet et à de fréquents délestages sur les réseaux électriques.

Le défi est de taille, en particulier pour les PME implantées en Afrique, qui n'ont pas forcément l'infrastructure nécessaire, ou qui n'ont pas fait les investissements dans le Cloud permettant de supporter ce cas de figure.

« Les petites entreprises qui reposent sur les interactions humaines peuvent mettre en place certaines mesures pour faire face à la crise, mais la technologie ne les aidera pas », estime Yoav Tchelet. « Les entreprises qui ne dépendent pas d'interactions humaines ou n'ont pas de sites de production sont bien mieux placées pour continuer leur activité, mais si elles n'ont pas l'infrastructure technique en place, alors elles vont devoir lutter pour survivre. Ce problème ne concerne pas seulement l'Afrique, il est global », complète-t-il.

Les DSI ont une connaissance unique des systèmes qui maintiennent en activité les entreprises, une vision qui peut aider à clarifier la communication. « Nous organisons des réunions orientées sur la prise de décisions et nous faisons en sorte d'avoir des messages cohérents et fréquents au niveau de la communication. Rien n'alimente davantage les incertitudes qu'une mauvaise stratégie de communication », souligne Sudhish Mohan. « Je donne une ligne directrice et je m'assure de la stabilité de nos systèmes, en vérifiant que nous avons des plans pour adresser les différents scénarios potentiels. »

Assurer la gouvernance des infrastructures essentielles

Gérer l'explosion de la charge liée au télétravail tout en luttant de façon efficace contre les nouvelles cybermenaces est un défi, en particulier quand les collaborateurs utilisent différentes façons de se connecter. Cela signifie que chaque entreprise doit prévoir des directives et du support pour les utilisateurs.

La gouvernance IT est centrale pour l'ensemble de l'activité en période de crise. « Un plan central, à la fois concis et cohérent tant sur les priorités que sur la communication permet de définir la voie, même si des nuances aux échelons régionaux et locaux sont toutes aussi importantes pour que tout le monde se sente inclus », affirme Sudhish Mohan.


Yoav Tchelet, CTO d'Amrod : « La gouvernance est un composant essentiel en période de crise, car il est facile de perdre le contrôle. »

Durant les périodes de rupture, les DSI se retrouvent face au challenge de devoir gérer à la fois les approvisionnements côté matériel et logiciels, notamment les licences VPN que les employés doivent utiliser pour se connecter aux serveurs. « Parmi les enjeux figurent la gestion des fournisseurs, la standardisation, la mise en oeuvre des directives, l'alignement et la gouvernance. Il est important d'avoir les bons standards, les processus et la maturité suffisante pour traiter ces questions de façon efficace », insiste Yoav Tchelet.

« La gouvernance est un composant essentiel, en particulier en période de crise, car il est facile de perdre le contrôle si les bons dispositifs de pilotage et de contrôle ne sont pas en place, aussi bien sur le plan de la cybersécurité que dans une perspective globale », poursuit le directeur technique d'Amrod.

La gouvernance IT doit inclure des protocoles de prise de décision et des lignes de conduite. « Je pense qu'il faut bien réfléchir à augmenter les capacités pour gérer une charge accrue sur les services frontaux destinés aux clients, déployer des outils en self-service et des assistants vocaux interactifs pour le support aux clients », détaille Sudhish Mohan.

La disponibilité du Cloud et de solutions en mode SaaS facilite la poursuite des opérations en temps de crise, en aidant à stabiliser l'infrastructure critique, en permettant la bascule des processus métiers et en supportant les pratiques de télétravail.

« Ma première priorité est de faire en sorte que l'entreprise s'adapte à cette nouvelle normalité et de vérifier que tous les services et l'infrastructure critique sont disponibles », indique Sudhish Mohan. « La migration vers le Cloud apporte la flexibilité nécessaire pour gérer les pics actuels et les changements de besoins des clients et employés, de façon rapide et optimisée en termes budgétaires. »

Se servir de la crise pour apprendre

L'objectif immédiat pendant une crise majeure est d'utiliser l'IT pour sécuriser la continuité des activités. Cependant, les outils de productivité et les systèmes déployés en accompagnement peuvent avoir un impact durable et bénéfique, en aidant les efforts de transformation digitale mis en place pour optimiser les processus métier de l'entreprise.

« Assurer la sécurité de nos salariés et de leurs familles est notre première priorité. Nous autorisons tous nos employés à travailler de chez eux et nous leur fournissons toutes les technologies nécessaires pour le faire, des outils aux systèmes », assène Sudhish Mohan. Il est important toutefois de mesurer comment ces outils contribuent à la productivité - des données qui pourront ensuite aider à optimiser les usages et les investissements technologiques. « Même si les outils seuls ne changent pas la culture, nous avons la possibilité d'encourager l'adoption en utilisant les données d'utilisation de ces services », ajoute le DSI de TransUnion Africa.

Une crise peut ainsi conduire à mieux comprendre la manière dont l'IT peut supporter les activités à l'avenir. « Nous sommes dans une trajectoire d'adoption du Cloud et nous avons déjà mis en place les composants clefs de notre stratégie pour soutenir l'entreprise. C'est un parcours qui va se poursuivre, et c'est dans des moments comme celui-ci que nous pouvons même l'accélérer grâce à la capacité de nos développeurs et de nos équipes IT à travailler à distance », observe Yoav Tchelet.

Les leçons apprises pendant une crise peuvent également mettre en évidence les bénéfices d'initiatives déjà entamées, et même les préciser. « Toute stratégie cloud doit être centrée sur les bénéfices apportés à l'entreprise et faire clairement partie d'une stratégie plus globale de l'organisation - c'est la seule façon de faire du Cloud un levier pour les activités et la création de valeur, en incluant la continuité et les autres avantages qui peuvent découler de sa mise en oeuvre », indique Yoav Tchelet.

La pandémie va faire ressortir des lignes de fracture potentielles, non seulement sur l'infrastructure IT, mais sur différents aspects de l'organisation. « Actuellement, nous subissons des délais d'attente très importants sur les services, en particulier ceux provenant de Chine. Je pense que l'avenir sera à une diversification bien plus grande de la chaîne d'approvisionnement, ainsi qu'à l'accroissement des capacités actuelles », affirme Sudhish Mohan. « Finalement, notre travail doit continuer, mais les leçons apprises de cette pandémie et les solutions mises en place vont remodeler la façon dont nous travaillerons. »

Article de Heath Muchena / CIO Afrique (Adaptation et traduction par Aurélie Chandèze)

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