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Des économies sans dégradation de service : pourquoi Basecamp a quitté AWS

Des économies sans dégradation de service : pourquoi Basecamp a quitté AWS
La sortie du cloud doit générer 7 M$ d’économies sur 5 ans pour l’éditeur de Basecamp et Hey. (Photo : Susie Burleson/Unsplash)

La décision de l'éditeur de Basecamp de sortir du cloud public pour revenir à un hébergement classique a fait polémique. Dans une FAQ, le CTO justifie ce choix. Chiffres à l'appui.

Publicité« Dire que cette transition a été controversée relève de l'euphémisme. » Le moins que l'on puisse dire, en effet, c'est que la décision de 37signals, l'éditeur de Basecamp et de la solution de collaboration Hey, de sortir du cloud public n'est pas passée inaperçue. Par la voix de son CTO, David Heinemeier Hansson, la société a rendu publique, à l'automne 2022, sa volonté de quitter AWS pour revenir à un hébergement classique, avant tout pour des raisons financières. Selon le directeur technique, qui parle d'une facture annuelle AWS de 3,2 M$ en 2022, le plan d'investissement, incluant l'achat de 600 000 $ de serveurs Dell et leur hébergement au sein de deux datacenters appartenant à Deft, doit générer 7 M$ d'économies en 5 ans pour l'éditeur de logiciels (notons qu'en septembre dernier, les gains anticipés étaient légèrement supérieurs).

Mi-décembre, dans un nouveau billet de blog en forme de FAQ, où il annonce le succès de ce projet, David Heinemeier Hansson tente de tordre le coût à certaines des objections qui lui ont été adressées à mesure que 37signals précisait ses intentions, à contre-courant d'un marché qui tend à accroître son recours au cloud public. « J'ai reçu des milliers de commentaires demandant des éclaircissements, fournissant des feedbacks et exprimant leur incrédulité face à notre audace d'aller dans le zig alors que d'autres étaient encore occupés à rattraper le mouvement vers le zag », écrit le CTO.

Une facture AWS divisée par 8 en un an

Selon ce dernier, le retour vers un hébergement plus classique est une réussite pour sa société, tant sur le plan financier que fonctionnel. « Non seulement nous avons achevé notre sortie du cloud rapidement, mais nos clients n'ont pratiquement rien remarqué, et les économies ont rapidement commencé à s'accumuler. Dès le mois de septembre [2023, NDLR], nous avons réalisé un million de dollars d'économies sur la facture cloud. Et à mesure que les instances réservées (où l'on paie à l'avance pour une année entière afin d'obtenir des tarifs plus avantageux) commençaient à expirer, la facture n'a cessé de s'effondrer », observe David Heinemeier Hansson, qui publie un graphique montrant une facture AWS passant d'environ 160 000 dollars à moins de 20 000 dollars par mois entre décembre 2022 et novembre 2023. Des statistiques qui font aussi apparaître le poids considérable du service de recherche (OpenSearch) dans le coût total (environ 50 000 dollars en décembre 2022).

Le tout sans faire apparaître des coûts cachés ou induits, assure le CTO, qui dans sa FAQ entend réfuter les arguments qui lui ont été opposés sur ce terrain. Non, la migration vers des infrastructures hébergées n'a pas augmenté les coûts de main d'oeuvre. « Nous n'avons pas changé la composition de l'équipe après notre sortie du cloud. Les mêmes personnes qui exploitaient Hey, Basecamp et les autres applications dans le cloud les exploitent désormais sur notre propre matériel », écrit le CTO. Une remarque qui vaut en tout cas pour 37signals, dont l'activité et la taille (des centaines de milliers de dollars de facturation SaaS par mois) supposent des équipes IT bien fournies et ayant des compétences technologiques avancées. « 90 % de l'expertise nécessaire pour faire fonctionner votre propre matériel est la même que celle nécessaire pour fonctionner dans le cloud », tranche le dirigeant.

PublicitéLes 600 000 $ de serveurs déjà remboursés

Selon ce dernier, le retour à des infrastructures classiques ne se traduit pas davantage par une hausse des coûts de licence et de service, 37signals ayant fait le choix de remplacer les composants managés exploités dans AWS par leurs équivalents Open Source. « Nos bases de données RDS sont devenues des bases MySQL 8. Notre outil OpenSearch est devenu ElasticSearch en Open Source. » Un choix qui, là encore, renvoie à la disponibilité en interne des compétences nécessaires au support de ces technologies.

Enfin, David Heinemeier Hansson précise que son modèle de coûts intègre bien le futur remplacement des machines Dell que son entreprise vient d'acquérir, des serveurs amortis sur 5 ans. « Ce qui est conservateur », indique le CTO, notant que certains autres équipements tournent déjà depuis 7 ou 8 ans sans difficultés. Et de relever que les 600 000 dollars dépensés en matériel ont déjà été remboursés grâce aux économies réalisées en quittant le cloud. « Si une avancée technologique extraordinaire se produit l'année prochaine et que nous voulons à nouveau acheter un tas de nouveaux équipements, nous pourrons facilement le faire et rester en avance sur nos ambitions sur le plan comptable », ironise l'actionnaire et CTO de 37signals.

Un faux sentiment de sécurité ?

Au-delà des coûts, David Heinemeier Hansson assure que la migration s'est opérée sans dégradation du service ou de la sécurité. « Nous hébergeons notre propre matériel dans deux centres de données géographiquement dispersés, chaque centre de données est capable de supporter toute la charge dont nous avons besoin, et chaque élément critique de l'infrastructure est redondé », observe le CTO, assurant ainsi que son plan de continuité est au niveau de celui dont il disposait sur le cloud public. Les opérations techniques à l'intérieur des datacenters étant prises en charge par les équipes de l'hébergeur, « l'expérience opérationnelle ressemble beaucoup plus à celle du cloud qu'aux premiers jours de l'internet, lorsque chacun devait tirer son propre câble », ajoute le dirigeant.

Même sentiment de n'avoir rien perdu en matière de sécurité ou de couverture à l'international. « La majorité des problèmes de sécurité que vous rencontrez en utilisant un logiciel sur Internet provient de l'application et de ses dépendances directes », dit le CTO, indiquant par là que le fait d'opérer sur le cloud ne change rien à ces problématiques. Selon lui, ce choix peut, au contraire, donner un faux sentiment de sécurité aux équipes : « elles pensent qu'elles n'ont pas à s'en préoccuper, alors que c'est absolument le cas ». De même, opérer sur le cloud ou sur des infrastructures hébergées ne modifie en rien le besoin de déployer des CDN, pour assurer la fourniture des services à l'international.

Provisionner rapidement : un bénéfice qui ne justifie pas le surcoût

Sur l'essentiel - les bénéfices fournis pour l'investissement consenti -, le cloud public serait donc largement perdant pour David Heinemeier Hansson. En tout cas, dans le contexte de 37signals. « Nous avons cru à l'argumentaire marketing [des opérateurs de cloud], admet le CTO. Cela allait être moins cher, plus facile et plus rapide. Seule la dernière promesse s'est réellement concrétisée pour nous. Le cloud permet de provisionner rapidement tout un parc de serveurs. Mais ce n'est pas quelque chose que nous faisons très souvent, et cela ne mérite donc pas le surcoût énorme qu'il génère ».

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