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Déployer l'IA agentique en s'inspirant des leçons du Low Code

Déployer l'IA agentique en s'inspirant des leçons du Low Code
La vague Low Code a permis de démontrer l’intérêt des applications développées directement dans les métiers, attirés par une méthodologie désormais bien rodée. Une source d’inspiration pour l’IA agentique ? (Photo : Headway/Unsplash)

Malgré ses promesses, l'IA générative se heurte à des difficultés en matière d'adoption. Sa déclinaison sous forme d'agents peut toutefois s'inspirer de la démarche qui a permis le succès du Low Code dans certaines organisations.

PublicitéL'IA générative ne se résume plus à des chatbots à qui l'on pose des questions. Elle est en passe de devenir un outil à même de réaliser des opérations - l'IA agentique étant l'expression un peu maladroite pour désigner cette approche. Et il devient de plus en plus évident que la GenAI est la plus utile et la plus appréciée des employés lorsqu'elle est personnalisée. De quoi enclencher un cercle vertueux bien connu : les employés qui utilisent le plus fréquemment l'IA générative et qui prennent le temps d'expérimenter ses nouvelles fonctionnalités sont aussi ceux qui en tirent le meilleur parti.

Il existe une forte corrélation entre cette évolution et l'obtention d'une formation adéquate, notamment en ce qui concerne l'utilisation de l'IA générative dans le cadre des processus habituels de travail. Selon une étude menée par Microsoft et LinkedIn, les utilisateurs qui affirment que la technologie leur fait gagner 30 minutes par jour sont 37 % plus nombreux parmi la population ayant reçu une formation à l'IA générative.

Les utilisateurs de l'IA partagent aussi régulièrement les prompts qu'ils utilisent et d'autres conseils avec leurs collègues. Par exemple, le déploiement réussi de Copilot par Virgin Atlantic a impliqué non seulement la formation, mais aussi la recherche de « champions dans les différents départements pour tirer les principaux enseignements des sessions de formation ciblées et essayer de les diffuser au sein des groupes d'utilisateurs », explique Gary Walker, vice-président de la technologie et de la transformation pour la compagnie aérienne.

« Quand quelque chose fonctionne, faites-en un objet social »

Ce dernier estime qu'il est important, pour tout déploiement technologique, de créer un climat de sécurité psychologique permettant au personnel d'expérimenter, tout en le récompensant de partager ce qui fonctionne entre collègues. Plutôt que pousser chacun à conserver son expertise. Et de souligne les parallèles avec le Low code. « Lorsque vous trouvez quelque chose qui fonctionne, faites-en un objet social, dit Gary Walker. Partagez-le sur les médias sociaux internes et avec vos pairs, et cela contribuera à amplifier le gain d'efficacité que vous venez de découvrir. »

Selon Kjell Carlsson, responsable de la stratégie IA chez Domino Data Lab, éditeur d'une plateforme de MLOps, cette méthode est efficace car nous avons tous tendance à apprendre beaucoup plus rapidement de nos pairs que de la plupart des autres sources d'information.

Si cela vous semble familier, c'est parce qu'il s'agit du type d'adoption virale ascendante et communautaire qu'ont connu de nombreuses organisations avec le Low Code et de l'automatisation des workflows, où la résolution de leurs problèmes quotidiens a rendu les employés moteurs du partage d'astuces et de techniques avec leurs collègues. Les DSI peuvent s'inspirer des leçons tirées de cette adoption réussie pour tirer le meilleur parti des agents. « Il existe en fait une corrélation entre la préparation à l'adoption du Low Code et l'adoption, la préparation et la réussite de l'IA », veut croire John Bratincevic, analyste principal chez Forrester. « Si vous voulez vraiment tirer parti de l'IA et des expérimentations à grande échelle de cette technologie, vous devez l'associer à votre stratégie de développement citizen développeurs. »

PublicitéGérer les agents façon Low Code

L'IA agentique va des simples automatisations de tâches quotidiennes basées sur des prompts de type 'compléter les blancs' à des workflows plus autonomes qui détectent des entrées telles que des courriels et déclenchent des processus pour rechercher des informations et rédiger des réponses, voire passent une commande ou réservent une réunion. L'IA générative rend ces automatisations à la fois moins fragiles et plus faciles à créer.

À bien des égards, il s'agit d'une progression naturelle, et les plateformes Low Code, comme Power Platform de Microsoft, Mendix, Salesforce et Zoho, qui offrent des fonctions d'IA pour simplifier le développement depuis longtemps déjà, ajoutent maintenant des outils de GenAI pour aider les utilisateurs à créer applications et workflows.

L'analogie entre les deux domaines concerne aussi la conformité, la gouvernance, la sécurité de des données et les capacités d'audit. Tout comme les applications Low Code, les agents d'IA générative ont besoin d'accéder à des sources de données et de se connecter à des applications métier. Les organisations voudront donc y appliquer des politiques de contrôle d'accès et encadrer les actions qui peuvent être entreprises, ainsi que la manière dont les utilisateurs partagent applications et workflows. Comme pour tout autre outil dont la tarification est basée sur la consommation, les équipes IT seront également attentives à monitorer l'utilisation et l'adoption, et les responsables voudront examiner ce que cela apporte à l'entreprise pour évaluer le retour sur investissement.

Le Low Code a aujourd'hui fait ses preuves. La majorité des entreprises ont des stratégies de citizen développement. John Bratincevic affirme qu'il existe des exemples documentés d'organisations ayant tiré des centaines de millions d'euros de bénéfices de ce type de démarche. « Au cours des cinq ou six dernières années, les services informatiques ont réalisé que, s'ils s'y prenaient bien, le Low Code pouvait être un important moteur de changement, ajoute Richard Riley, directeur général du marketing de la plate-forme Power chez Microsoft. Mais une grande puissance nécessite un grand contrôle. » Ce qui passe par des garde-fous pour l'informatique sans sacrifier la flexibilité des utilisateurs métiers.

Plus complexe sur l'aspect coûts

Richard Riley admet que les questions de coût peuvent être plus compliquées avec l'IA agentique qu'avec les applications traditionnelles Low Code. « Vous pouvez faire tourner l'agent une première fois et il aura besoin de 10 lignes d'une base de données quelque part et utiliser 10 000 jetons. Vous le sollicitez à nouveau et il pourrait utiliser un million de jetons en raison des données qu'il reçoit et des actions qu'il entreprend. Nous devons nous assurer que nous avons des mesures de protection contre ce phénomène, et nous sommes en train de les mettre en place ».

Les organisations veulent avoir une visibilité sur ce qui s'est passé afin de pouvoir suivre ce que font les agents, récupérer des données télémétriques afin de pouvoir perfectionner les agents pour qu'ils travaillent d'une manière spécifique, et bénéficier d'une clarté sur les coûts afin de pouvoir appliquer des plafonds. Et si l'IA agentique prend son essor, la DSI souhaitera disposer de processus pour sélectionner les agents les plus utiles ou pour leur ajouter de nouvelles fonctionnalités. « Vous pourrez voir qui a créé des agents, ce qu'ils ont créé, quelle est l'utilisation, qui l'utilise, quelles sont les données qui circulent, explique Richard Riley. Si vous le souhaitez, vous pourrez reprendre l'ensemble, le transformer en une solution managée et contrôlée par le service informatique. Vous devriez aussi pouvoir créer très facilement un agent qui vérifie les autres agents pour s'assurer qu'ils ne font pas la même chose : utiliser l'outil pour contrôler l'outil. »

Lancer l'IA agentique

Pour tirer parti de l'IA agentique, il faut d'abord que les dirigeants et utilisateurs déterminent où ils peuvent appliquer la technologie et à quelles fins. Ce qui signifie qu'il faut commencer par l'analyse de rentabilité plutôt que par la technologie, note Richard Riley. Là encore, une démarche similaire à celle du Low Code.

« Cela suit le même schéma que celui des Power Apps. En particulier, dans le domaine des agents, il est facile de prendre toute cette nouvelle technologie et de l'appliquer aux processus et aux problèmes métiers existants. Ce qui certes les améliorer, mais ce ne sera pas le changement radical que les gens attendent de l'IA », dit le responsable de Microsoft. Pour lui, il faudra sortir du cadre existant pour que cette dynamique s'enclenche, en descendant « beaucoup plus près de l'utilisateur final ».

Les organisations commenceront probablement par remplacer un processus réalisé par un utilisateur par un processus exécuté par un agent et, au moins dans un premier temps, y adjoindront une vérification par un humain, suggère John Bratincevic. Les vérifications peuvent devenir moins courantes, mais la prochaine étape logique consistera à réorganiser les processus en fonction de ce que font les modèles et les agents. « Pourquoi faut-il trois étapes avec trois personnes dans un workflow humain alors qu'il pourrait n'y avoir qu'une seule étape ? », souligne l'analyste

La connaissance métier fait la différence

Pour obtenir à la fois ces petites améliorations et les changements plus importants, John Bratincevic affirme que les organisations ont besoin d'expérimentations à grande échelle - et que le Low Code est le meilleur moyen d'y parvenir. « La véritable valeur réside dans la création de nouveaux logiciels, même simples, avec l'IA au coeur de ceux-ci, poursuit-il. Et le seul moyen d'y parvenir concrètement passe par le citizen développement sur une approche Low Code. Il y a des années de valeur encapsulée dans les LLM et nous devons trouver comment l'exploiter, et la seule façon d'y parvenir est l'expérimentation à grande échelle ».

Comme pour le Low Code, les utilisateurs métiers sont les experts du domaine qui savent le mieux ce qu'il faut changer. « Ils sont les plus proches des données et des processus opérationnels, souligne Richard Riley. Et dans le monde du Low Code, ce sont eux qui ont construit des choses qui ont eu un impact massif sur l'entreprise que les services informatiques n'auraient jamais pu atteindre, parce qu'ils les auraient étudiées et placées à la fin de leur longue liste de choses à faire. »

Pour tirer le meilleur parti de l'IA générative avec des techniques plus avancées telles que la création d'agents, il faut une connaissance approfondie du domaine métier, explique John Bratincevic. « C'est le comptable ou la responsable des ressources humaines qui peuvent imaginer ce que l'IA peut faire, et qui peuvent faire de l'ingénierie de prompt et d'autres types de RAG légers pour la faire fonctionner et l'encapsuler dans quelque chose - un processus ou une expérience - qui crée réellement de la valeur », ajoute-t-il. L'analyste dit disposer déjà de nombreux exemples d'applications 'infusées par l'IA' construites par des utilisateurs métiers dans une approche Low Code, dont beaucoup adoptent une architecture agentique.

Préparer les gens à créer des agents

Il y a cette grande entreprise de construction qui utilise une application construite par ses employés pour obtenir davantage de contrats en répondant plus rapidement à des appels d'offres détaillés et techniquement complexes, l'IA générative étant chargée d'ingérer le contenu et de générer la première réponse. Il y a aussi cette grande compagnie d'assurance qui trie les réclamations entrantes avec l'IA générative et les achemine en interne vers l'équipe appropriée bien plus rapidement que les deux heures qu'il fallait pour le faire manuellement. Et il y a ce cabinet juridique qui vend à d'autres cabinets une application SaaS construite avec l'IA générative couvrant le droit dans une catégorie particulièrement obscure. Ou il y a encore cette autre grande compagnie d'assurance qui compte désormais un tiers de toutes ses applications écrites en Low Code. « On parle bien d'un tiers de l'ensemble de leur portefeuille d'applications écrit sur mesure sur une plateforme avec des outils Low Code par des personnes des domaines métiers en dehors de l'informatique, et beaucoup d'entre elles sont des solutions d'IA », explique John Bratincevic.

Il est important de considérer l'IA agentique comme un changement technologique auquel les organisations doivent former leurs salariés, et non comme une mise à jour d'un logiciel existant qu'ils sont censés assimiler par eux-mêmes. Comme l'IA générative en général, « c'est une technologie qui est très intuitive à utiliser pour jouer quelques minutes. Elle l'est beaucoup quand il s'agit de l'intégrer dans votre workflow », souligne Kjell Carlsson de Domino Data Lab.

Les employés auront besoin de se perfectionner pour acquérir l'expertise nécessaire. Or, dans le dernier rapport annuel de TalentLMS, 64% des employés souhaitent être formés à l'utilisation des nouveaux outils d'IA, et 49% se plaignent que l'IA progresse plus vite que la formation dispensée par leur entreprise. Là encore, vous pouvez vous appuyer sur des approches familières en Low Code, qui devraient contribuer à répondre aux préoccupations et aux réticences de nombreux, en particulier quant à la menace que fait peser l'IA générative sur leur emploi.

Renforcer le partage des expériences réussies

L'adoption responsable de l'IA générative implique de laisser les employés partager les avantages de ces outils plutôt que de les laisser considérer cette technologie comme une concurrence. Et les organisations devraient soutenir les employés qui partagent leurs expériences réussies, en indiquant clairement quels domaines sont les plus appropriés et lesquels présentent un risque trop élevé.

Il existe des raisons évidentes pour lesquelles les employés qui tirent profit de l'IA générative au quotidien ne partagent pas naturellement leurs succès : les politiques interdisant l'utilisation inappropriée de l'IA générative peuvent les effrayer, ils peuvent s'attendre à être davantage récompensés pour leurs résultats que pour le partage de leurs techniques, et ils peuvent craindre des réductions de coûts ou de se voir confier davantage de travail en raison de l'amélioration de leur productivité avec l'IA générative.

Parfois, encore, les utilisateurs de l'IA dans votre organisation peuvent être enthousiastes à l'idée de partager ce qui fonctionne pour eux, mais sans avoir de moyen efficace de le faire. Encore une fois, les mêmes programmes qui ont soutenu l'adoption du Low Code - trouver et soutenir des champions, organiser des hackathons et des sessions de partage, développer un centre d'excellence et des équipes fusionnant IT et métiers pour supporter les développements, reconnaître l'expertise des employés avec des augmentations de salaire et des promotions ou encore développer de nouvelles fonctions - donnent des pistes pour accélérer l'adoption de l'IA agentique.

Equipes fusion

« Une fois que vous avez vérifié la sécurité et les modèles que vous utilisez, et que vous vous êtes assuré que vos données sont prêtes et de les autres fondamentaux, votre approche doit consister à suivre le même plan pour trouver les premiers adoptants, organiser des hackathons et des boot camps, puis étendre l'expérimentation à tous les participants volontaires dans différents métiers, en créant de nouvelles applications dopées à l'IA, les agents étant une des possibilités en la matière », explique John Bratincevic.

Les équipes fusionnant IT et métiers sont déjà une réalité. Les données 2023 de Forrester montrent que 62 % des développeurs professionnels effectuent la majeure partie ou la totalité de leur travail en collaboration avec des citizen développeurs. « Les technologues aident les non-technologues en fonction de leurs besoins, explique l'analyste. Ils ajoutent de nouvelles sources de données ou de nouveaux terminaux, ou aident leurs collègues des métiers à étendre leurs connaissances. »

Kjell Carlsson suggère de considérer les équipes 'fusion' ou les centres d'excellence, qui peuvent fournir des conseils et un support technique ainsi que des évaluations réalistes de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas, comme un compagnon indispensable de l'IA. « Ne jamais faire de l'IA seul devrait être une loi de l'IA », affirme-t-il.

Certaines expériences seront des échecs. Comme l'explique John Bratincevic, « la démocratisation du passage à l'échelle entraîne des désordres et des risques. Les entreprises qui réussissent tendent à gérer ce risque de manière pragmatique. Elles séparent les différents types de risques et disposent d'un espace prédéfini pour mettre les applications en place, ce qui permet d'en atténuer une grande partie ». Encore une fois, on retrouve un bénéfice familier du Low Code : exploiter la créativité des employés motivés pour résoudre les problèmes de l'entreprise.

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