De nombreux DSI travaillent dans la peur de mal faire

Une étude révèle que près de la moitié des responsables informatiques ont peur d'admettre leurs erreurs, ce qui coupe les organisations de précieuses opportunités.
PublicitéDe nombreux responsables informatiques disent travailler dans des organisations qui fonctionnent avec une culture du blâme, des contextes où admettre ses erreurs et en tirer des leçons reste difficile. Selon un récent rapport du spécialiste de la gestion du cycle de vie des applicatifs Adaptavist, 40 % des responsables informatiques qui supervisent spécifiquement le développement applicatif au sein de leur entreprise déclarent avoir peur de reconnaître leurs erreurs.
Des résultats qui n'ont pas surpris plusieurs DSI et autres responsables IT, certains d'entre eux ayant décrit des emplois antérieurs dans des environnements dominés par la culture de la peur, tandis d'autres parlent de collègues placés dans de telles situations.
La peur d'admettre ses erreurs est un thème récurrent dans les cercles de DSI, souligne Josh Hamit, vice-président sénior et DSI de la banque coopérative Altra Federal Credit Union. Selon lui, il n'est pas rare que des organisations fassent la promotion de l'innovation et se vantent d'accepter l'échec comme un corollaire de l'expérimentation, tout en ne mettant finalement pas en pratique ce qu'elles prêchent. « Nombre de ces organisations critiquent publiquement l'échec de manière excessive et répétitive, au point d'étouffer toute créativité, ajoute Josh Hamit. Les membres de ces organisations sont en réalité plongés dans une culture qui inculque la peur de l'échec et, à leur tour, ces mêmes personnes sont très réticentes à mettre leur réputation en jeu. »
Au-delà de la crainte d'admettre leurs erreurs, plus de quatre responsables IT sur dix interrogés dans le cadre de l'étude d'Adaptavist affirment que le manque de sécurité psychologique entrave l'innovation au sein de leur entreprise. Un pourcentage similaire déclare que la peur d'admettre ses erreurs parmi les employés compromet leur cybersécurité interne.
Un manque de confiance de la part des dirigeants
Selon Alex Yarotsky, directeur technique chez Hubstaff, fournisseur d'un outil de suivi du temps et de gestion du personnel, la culture de la peur a souvent plusieurs origines, notamment un manque de responsabilisation des employés, qui ne comprennent pas leur rôle, et une méfiance à l'égard de leurs collègues et de la direction. Dans les deux cas, la direction de l'entreprise est à blâmer. « Les bons dirigeants créent une culture positive qui se traduit par un ensemble de règles et de lignes directrices que les employés doivent suivre, et à l'intérieur desquelles ces derniers modèlent eux-mêmes ces actions », explique Alex Yarotsky.
« Tout malentendu ou mauvaise communication est toujours imputable à la direction, car c'est elle qui, dans l'entreprise, fixe les règles et impulse la culture interne, ajoute le CTO. C'est une responsabilité essentielle que de garantir la culture interne et sa bonne appropriation, ainsi qu'une responsabilisation claire » des salariés.
PublicitéSelon Alex Yarotsky, une culture de la peur est également liée à un environnement économique implacable, courant dans le secteur des technologies de l'information. « Lorsqu'un rythme soutenu est maintenu pendant une longue période, le stress s'accumule et l'équipe dirigeante peut devenir particulièrement réactive aux mauvaises nouvelles, explique-t-il. En fin de compte, quelques mots incorrects prononcés au mauvais moment peuvent créer un précédent. »
Des comportements généralisés
Une telle culture commence souvent au sommet de la hiérarchie, abonde Jack Allen, PDG et architecte Salesforce en chef chez ITequality, une société de conseil spécialisée sur l'offre de l'éditeur. Le dirigeant dit avoir connu un tel scénario au début de sa carrière, ce qui laisse penser que les problèmes sont peut-être plus importants que ne l'indiquent les personnes interrogées dans le cadre de l'enquête.
« Si le dirigeant n'est pas disposé à admettre ses erreurs ou les sanctionne de manière injuste, le niveau de hiérarchie en dessous aura également peur d'admettre ses erreurs, souligne Jack Allen. Dans mon expérience, même lorsque j'ai confronté mon manager à des preuves solides, on m'a toujours dit que j'avais tort, alors, avec le temps, j'ai appris à ne pas essayer de m'expliquer ».
Jon Mort, directeur technique d'Adaptavist, ajoute que ce comportement s'est généralisé ces dernières années, aboutissant fréquemment à des licenciements. « Il existe toujours une réelle peur sous-jacente d'avoir une mauvaise image, et il y a ensuite une réaction au sein de l'organisation qui consiste à pointer du doigt ceux qui font des erreurs et à dire : 'ils ont merdé » » », dit-il. Conséquence logique, la plupart des cadres se disent : « Je ne veux pas que ce soit moi ».
Apprendre des erreurs commises
Cultiver une culture de la peur entraîne plusieurs problèmes, notamment l'incapacité à tirer les leçons de ses erreurs, selon Jon Mort. « Les organisations qui obtiennent les meilleurs résultats sont celles qui valorisent l'apprentissage et considèrent les incidents comme des événements utiles à l'apprentissage », souligne-t-il.
Lorsque 44 % des responsables IT, ayant répondu à l'étude, reconnaissent un manque de sécurité psychologique au sein de leur organisation, cela signifie que les employés hésitent à dire ce qu'ils pensent de peur d'être critiqués, insiste Jon Mort. Cela suggère également que ces organisations donnent la priorité à la rapidité plutôt qu'à la qualité, ajoute-t-il, car il est peu probable que les employés signalent les erreurs et lancent des examens internes visant à résoudre les problèmes.
« Lorsqu'un problème informatique critique peut paralyser toute une entreprise, éviter d'admettre ses erreurs revient à prendre un risque professionnel, explique Jack Allen. Et si personne n'est prêt à les admettre, des problèmes majeurs se traduisent en direct, alors qu'ils auraient pu être facilement évités. »
Le DSI en acteur du changement
Lorsque la culture du blâme devient un tel problème, les DSI peuvent se demander comment y remédier. De nombreux responsables IT estiment qu'un DSI ne peut à lui seul résoudre le problème s'il est omniprésent dans l'organisation, mais Jon Mort (Adaptavist) et Alex Yarotsky (Hubstaff) conseillent à ces derniers de commencer par leurs propres services. « Pour faire évoluer une organisation, il faut un changement au sommet et de la part de ceux qui ont le plus d'influence dans l'ensemble de l'organisation, souligne Jon Mort. Il faut probablement que ces dirigeants lèvent la main et montrent l'exemple, puis qu'ils en détaillent les conséquences. »
Si la culture de la peur vient du plus haut niveau de la hiérarchie, les DSI devraient également assumer la responsabilité des erreurs de leurs équipes, reprend Jon Mort. Cette approche protège les informaticiens d'un leadership toxique. Les entreprises doivent créer des cultures où l'échec est accueilli comme une expérience d'apprentissage, ajoute de son côté Alex Yarotsky. Les responsables IT doivent encourager les discussions ouvertes sur les risques qu'ils prennent et sur les avantages ou inconvénients potentiels. « En tant que directeur technique, je discute ouvertement des domaines dans lesquels j'aurais pu faire mieux, détaille-t-il. Montrer cette vulnérabilité permet aux autres de faire de même. »
Les responsables informatiques peuvent également jouer un rôle en guidant d'autres cadres vers un style de management moins toxique, bien qu'il s'agisse d'une conversation et d'un processus délicats, reconnaît Josh Hamit, DSI d'Altra Federal Credit Union. Et de conseiller aux DSI de ne jamais pointer du doigt les PDG ou autres dirigeants, mais plutôt utiliser une approche collaborative. « Considérez-le plutôt comme une occasion mutuelle de dire : 'aidez-moi à comprendre ce que je peux faire différemment pour mieux vous accompagner'. Vous pouvez également dire : 'je suis là pour vous aider à réussir' », dit-il. Selon lui, les responsables IT peuvent être à l'origine de changements majeurs dans une organisation... à condition d'adopter la bonne approche.
Article rédigé par
Grant Gross, CIO US (adapté par Reynald Fléchaux)
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