David Boucheny (Conseil d'Etat) : « notre axe majeur reste la dématérialisation »


Faire de la transformation de l'IT un facteur de succès métier
L'IT est toujours au service du métier. Soit. Mais il y a service et service. Les témoins qui s'expriment ici démontrent que la DSI ne doit pas seulement répondre aux besoins établis. Elle doit aller plus loin et permettre, par sa propre transformation, celle des métiers eux-mêmes puis de...
DécouvrirLa DSI du Conseil d'Etat opère pour toutes les juridictions administratives et doit s'adapter aux évolutions en cours avec des fortes contraintes. David Boucheny, le DSI, explique l'organisation du SI de cette institution et comment concilier la dématérialisation, le travail ubiquitaire et les obligations de sécurité.
PublicitéCIO : Comment s'organise la DSI du Conseil d'Etat ?
David Boucheny : Tous nos services, y compris les services transverses comme la DRH ou la Direction des Finances, ont évidemment besoin d'informatique. Notre SI est défini au plus près des missions et des métiers du Conseil d'Etat [Voir encadré].
Il existe ainsi quatre « domaines » : le domaine consultatif [en lien avec la mission de conseil, NDLR], le domaine contentieux [pour le Conseil d'Etat en tant que juridiction, NDLR], le domaine gestion et le domaine commun. Dans ce dernier rentrent les infrastructures, les réseaux, la messagerie, la sécurité, etc.
CIO : Les métiers du Conseil d'Etat étant très particuliers, comment se constitue le domaine métiers ? Et les autres applicatifs ?
David Boucheny : En effet, les métiers du Conseil d'Etat sont très spécifiques. La plupart des logiciels métiers sont donc des spécifiques développés sur mesure. Nous disposons ainsi d'un logiciel qui se rapproche d'une GED, d'outils pour l'organisation ou l'instruction, etc.
Côté domaine gestion, à l'inverse, nous sommes nettement plus progicialisés. Le plus possible, nous adoptons les solutions interministérielles. Ainsi, notre outil de GRH sera prochainement remplacé par la solution interministérielle. Nous aurons ainsi une situation plus confortable et un outil adapté aux évolutions en la matière.
CIO : Concernant le « domaine commun », comment gérez-vous vos obligations particulières de sécurité ?
David Boucheny : Nous avons construit nos applicatifs métiers sur mesure en intégrant notre politique très formalisée de droits d'accès. Bien entendu, la gestion des droits est reliée à l'annuaire central. Nous disposons également de journaux de traçabilité des actions opérées par chacun, avec extraction possible en cas de besoin. Naturellement, nous disposons des outils classiques tels que anti-virus, firewalls, etc.
Toutes nos données sont strictement hébergées en interne. Applications et données sont ainsi stockées dans des salles qui nous sont propres, secourues avec équilibrage de charge en mode actif-actif.
CIO : Est-il possible, en tenant compte des obligations particulières de sécurité, de recourir au travail ubiquitaire ?
David Boucheny : Les conseillers des sections administratives disposent d'un applicatif métier auquel on accède via un portail web. Dès lors qu'ils possèdent un accès web, ils peuvent donc travailler sans qu'il soit nécessaire de recourir à un VPN ou autre.
A l'inverse, les magistrats reçoivent en dotation des PC professionnels dotés d'un VPN. Il leur est interdit d'utiliser d'autres terminaux pour accéder aux ressources internes. Les matériels personnels, non-reconnus, ne peuvent de toutes façons pas se connecter au SI.
Enfin, notre messagerie est accessible via webmail mais nous avons mis en place une charte d'usage. Par exemple, aucun document sensible ne peut transiter par mail. Cette messagerie est dotée d'un anti-spam avec mise en quarantaine des messages suspects.
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CIO : La DSI du Conseil d'Etat ayant aussi en charge des sites éclatés sur tout le territoire [voir encadré], comment s'organise-t-elle ?
David Boucheny : La DSI est centralisée à Paris, avec un support utilisateurs. Dans les juridictions déconcentrées, il y a 80 correspondants techniques qui sont des personnels rattachés à chaque juridiction où ils opèrent, avec un rattachement fonctionnel à la DSI. Leur nombre varie dans chaque juridiction en fonction de la taille de celle-ci. Ils opèrent un support de proximité et rentrent en contact, en cas de besoin, avec les experts centraux en cas de besoin.
CIO : Les juridictions utilisent donc un SI central ?
David Boucheny : Chacune a sa propre salle informatique avec une sauvegarde locale (prise de snapshot toutes les vingt minutes), une sauvegarde globale étant remontée quotidiennement sur le système redondé du Conseil d'Etat.
Les risques de sinistres les plus courants restent les coupures d'électricité ou les inondations, notamment à cause des aléas climatiques dans les DOM/COM. Mais les salles ayant toutes été refaites, nous avons moins de soucis. Il reste parfois des coupures de courant mais les onduleurs permettent des arrêts propres des machines.
CIO : Quel est votre axe majeur de travail ?
David Boucheny : Notre axe majeur de développement reste la dématérialisation. Depuis 2013, les téléprocédures sont généralisées pour les échanges entre toutes les administrations ou les avocats et les juridictions administratives, avec une exception pour Nouméa à cause de la qualité insuffisante des télécommunications locales. L'emploi de ces téléprocédures est désormais obligatoire depuis 2017 et il n'est possible de recourir au papier que par exception. Seuls les usagers saisissant une juridiction sans recourir à un avocat utilisent encore, pour l'heure, une procédure papier. Cependant, un nouveau téléservice, Télérecours citoyens, est ouvert depuis le 7 mai dernier devant le Conseil d'Etat et les tribunaux administratifs de Melun et de Cergy-Pontoise. Notre objectif est de généraliser cette téléprocédure d'ici fin 2018.
Les téléprocédures sont gérées dans une application nationale avec une gestion documentaire centralisée (16 To à ce jour !), les données structurées étant répliquées sur les sites concernés. Les magistrats ont la possibilité de télécharger des copies des documents en local sur leurs postes professionnels sécurisés. Il reste cependant impossible d'extraire le document en lui-même. Ainsi, le magistrat peut travailler sur la copie en y ajoutant des prises de notes ou des signets. Il est donc possible d'avoir un travail totalement dématérialisé. Mais il reste à trouver l'ergonomie du poste de travail et les outils qui permettront le travail dématérialisé sur des dossiers pouvant comporter des milliers de pages.
Pour faciliter le travail dématérialisé, nous avons généralisé le double-écran 22'' sur tous les postes. Une juridiction teste le triple écran. Nous faisons le maximum pour favoriser le travail totalement numérique. Pour travailler en ubiquité, chaque conseiller d'Etat dispose d'un ordinateur portable équipé d'un VPN.
CIO : Et au sein même de la DSI, comment vous organisez-vous ?
David Boucheny : Bien entendu, nous disposons d'un centre d'appel et d'un help-desk pour le suivi des saisines d'incidents ou de demandes d'évolution. Les agents de la DSI se déplacent régulièrement sur les sites pour les travaux sur le matériel et les infrastructures.
Au quotidien, nous disposons d'un intranet collaboratif pour échanger avec les correspondants informatiques que nous réunissons tous les ans pour un séminaire avec des ateliers de travail, qu'il s'agisse de participer à des projets ou de se former. Tous les nouveaux correspondants, de plus, passent une semaine à la DSI à la fois pour mieux se faire connaître et également, bien sûr, pour se former à chacune de leurs missions.
Nous sommes conscients que, en cas de problème récurrent sur un site, le correspondant peut servir d'exutoire. Il est donc essentiel que la DSI soutienne les correspondants, notamment en communiquant vers les juridictions, et soit réactive en cas de problème.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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