Daniel Zamparini (PSA Peugeot Citroën) : « j'aimerais que toutes les entreprises voient la DSI comme un vrai levier de transformation »


Comment le DSI peut dynamiser sa carrière
La différence entre un RSI et un véritable DSI, c'est la dimension stratégique de la fonction, qui implique la participation au comité de direction. Pour un directeur fonctionnel devenant DSI ou pour un RSI évoluant en DSI, la mutation n'est pas simple et le mentorat peut se révéler une aide utile....
DécouvrirDaniel Zamparini était DSI de PSA Peugeot Citroën depuis 15 ans. Il a été remplacé par Jean-Luc Perrard le 1er décembre 2014. En attendant sa retraite au printemps 2015, il réalise des missions pour la direction générale du groupe. Il tire, en exclusivité pour CIO, le bilan de sa carrière et dresse les perspectives pour les DSI dans les années à venir.
PublicitéCIO : Après une expérience d'un quart de siècle comme DSI, dont quinze ans chez PSA Peugeot Citroën, de quoi êtes-vous le plus fier ?
Daniel Zamparini : Dans le contexte de l'industrie automobile, je pense que mon principal motif de satisfaction est d'avoir mis en place chez PSA Peugeot Citroën des systèmes, une organisation et surtout une équipe qui a su être -peut-être pas en permanence- proche de l'excellence que ce soit en termes de qualité, d'alignement stratégique et de coût.
CIO : A l'inverse, quelle erreur auriez-vous aimé ne pas commettre ?
Daniel Zamparini : Erreur, peut-être pas. Plus sûrement un regret. Et ce regret est de ne pas avoir pleinement réussi à placer la DSI dans le coeur du business de l'entreprise. Nous sommes restés une fonction support, certes appréciée, mais pas dans le premier cercle des préoccupations stratégiques de l'entreprise.
Alors que, depuis des années, on voit bien que l'explosion du numérique doit déboucher sur une ambition plus importante pour délivrer de nouveaux services à nos clients ainsi que sur des manières optimisées de travailler avec nos fournisseurs. Et cette explosion du numérique doit aussi permettre, en interne, l'éclosion de systèmes transversaux à tous les services de l'entreprise. Dans ce contexte, le DSI devrait avoir un rôle majeur pour rendre possible et accompagner ces transformations.
Cette question est assez centrale. La tentation est de dire que le business prime. L'idéal serait de trouver au sein de chaque direction métier quelqu'un capable d'imaginer une telle transformation mais les sujets sont de plus en plus transversaux, touchant plusieurs divisions. Il est, du coup, difficile d'avoir cette vision transversale qui doit pourtant être celle du DSI.
Depuis huit ans, la DSI a été rattachée à de multiples directions. C'est bien la preuve que la question se pose.
CIO : Parmi les transformations importantes que vous avez menées, il y a la mise en place des équipes bilingues IT/métier. Quelle a été la clé de la réussite de cette transformation ?
Daniel Zamparini : A l'origine, il y avait l'essentiel : la matière grise, l'expérience, l'expertise. Tout cela pré-existait. J'ai donc trouvé en arrivant tout ce capital. Et, à l'époque, nous lancions de grands programmes de transformation, notamment autour de la mise en place de SAP qui concernait environ 80 000 utilisateurs.
Ces deux facteurs m'ont convaincu qu'on ne pouvait pas une seule seconde aborder le déploiement de SAP au travers du seul prisme technologique. Et puis vous vous souvenez que, dans les mois qui ont suivi mon arrivée dans le groupe, j'ai eu l'opportunité de passer plusieurs mois en immersion dans chaque métier de PSA Peugeot Citroën. J'avais, de ce fait, une bonne connaissance des processus et métiers de l'entreprise. Tout naturellement, je suis arrivé à la conclusion que la meilleure solution était de mettre en place en face de chaque entité fonctionnelle une équipe IT dédiée, naturellement « bilingue ».
PublicitéCIO : Une telle organisation recelait-elle des pièges ?
Daniel Zamparini : Tout à fait. Le piège d'une telle approche, c'est que chaque équipe essaie de tout réinventer de A à Z.
C'est pourquoi la deuxième idée forte développée dès l'origine était que, pour équilibrer l'organisation de la DSI, il fallait une équipe en charge des infrastructures et des opérations qui soit forte, sous une seule responsabilité.
Cette double organisation permet de concilier les synergies au niveau des infrastructures avec la réactivité et la bonne compréhension des métiers pour pouvoir les accompagner dans leur nécessaire évolution.
Le découpage fonctionnel n'a d'ailleurs pas beaucoup changé depuis l'époque. La seule dimension qui s'est vraiment développée c'est l'internationalisation et la globalisation.
CIO : Puisque nous parlons de bilinguisme, vous êtes né en Argentine et vous êtes arrivés en France à l'âge adulte. Cette double culture vous a-t-elle apporté quelque chose ?
Daniel Zamparini : Le biculturalisme apporte une lecture plus large des événements et permet ainsi plusieurs clés de compréhension des faits.
Ca m'a obligé, en arrivant en France à 23 ans avec un diplôme d'ingénieur, à être plus attentif, à développer une envie que j'ai gardée jusqu'à maintenant de toujours apprendre, y compris pour découvrir la culture française. Ce trait de personnalité m'a permis d'enrichir mon analyse.
Mais j'ai aussi été fortement marqué par des dirigeants d'entreprises qui, tout au long de ma vie, m'ont énormément apporté.
Tout d'abord, mon père, qui dirigeait une industrie papetière en Argentine, m'a donné le goût du travail. Il m'a aussi appris l'importance de la relation sociale, les clés pour motiver les équipes. Il m'a prouvé la compatibilité entre l'excellence managériale et la proximité dans les relations humaines.
Ensuite, je pense à Jean-françois Dehecq, le PDG créateur de Sanofi, dont il est toujours président d'honneur. A ses côtés, j'ai admiré sa capacité à mobiliser les énergies des ouvriers aux cadres dirigeants, à créer une sorte d'union sacrée au sein de l'entreprise. Il a ainsi pu mener un parcours exceptionnel : d'une entreprise fondée par trois cadres d'Elf Aquitaine, il a fait un deuxième acteur mondial de la pharmacie. Il m'a aussi appris qu'on pouvait être à la fois très décidé pour mener les restructurations nécessaires et être capable d'une grande humanité avec des équipes hyper-engagées.
Enfin, j'ai été très impressionné par Jean-Martin Folz, sa capacité de travail, sa rapidité d'analyse... Avec le temps, on apprend, comme lui, que ce ne sont pas forcément les meilleures solutions techniques ou logiques qui sont retenues par le marché. Il faut toujours garder une dose d'intuition à cause des éléments sous-jacents, culturels, géopolitiques ou autres.
CIO : Quel avenir voyez-vous pour la DSI de PSA Peugeot Citroën que vous venez de quitter ?
Daniel Zamparini : L'organisation mise en place a été améliorée au fil des années. Elle est arrivée à une maturité suffisante pour essayer de franchir un pas vers plus de mutualisation, de partage de ressources communes. C'est le sens de l'évolution qui est en train d'être mise en place par Jean-Luc Perrard, mon successeur, et cela va dans le bon sens.
Par exemple, la couche « usine », sous les unités orientées business, va être étendue. Une Software Factory va ainsi permettre d'industrialiser le développement logiciel au bénéfice de l'ensemble des unités orientées business.
CIO : Et plus généralement, dans l'ensemble des entreprises françaises, quelle évolution voyez-vous pour la DSI ?
Daniel Zamparini : En France en particulier (mais pas seulement), on pourra distinguer deux approches.
La plus classique est de voir l'IT comme une fonction de support, comme un levier de réduction de coût pour l'ensemble de l'entreprise, y compris les coûts internes de la DSI.
La seconde est d'imaginer la DSI comme un vrai levier de transformation de l'entreprise, de la relation avec les clients et les fournisseurs, afin de faire bénéficier pleinement l'entreprise de la révolution numérique.
Les industries, les banques, les institutions financières et les transports s'inscrivent plutôt dans cette deuxième approche. Pour beaucoup d'autres, le choix reste à faire et dépendra des équipes dirigeantes.
CIO : Au delà des missions qui vous sont actuellement confiées par la direction générale du groupe, voyez-vous votre retraite plutôt active ou vouée au farniente ?
Daniel Zamparini : Tout d'abord, je pars avec la satisfaction (et la fierté) de laisser une excellente équipe s'occuper de l'IT du groupe. Je pense garder un certain nombre de contacts professionnels, plutôt dans l'optique de faire bénéficier de mon expérience d'autres DSI. Mais j'ai bien sûr plusieurs projets personnels : des voyages, du sport...
J'ai eu une chance extraordinaire, à savoir occuper durant un total de vingt-cinq ans probablement les deux postes les plus passionnants en France voire en Europe, DSI de Sanofi puis DSI de PSA Peugeot Citroën. J'ai pu être passionné chaque jour.
En fait, cela fait quarante ans que je prends des vacances de trois semaines et puis des jours par-ci par-là. La retraite, c'est du temps.
Article rédigé par

Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
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