Daniel Dupuy, DSI d'Aviva : « Nous créons une base de données clients unique et à 360° »


Assurances : mettre le SI au service des métiers et des clients
Au même titre que les banques, les assurances et les organismes sociaux possèdent un lourd héritage de type Legacy. Et, de la même façon, la révolution numérique s'impose autant pour la relation client que pour le bon fonctionnement interne. Mais les particularités du métier se révèlent rapidement....
DécouvrirLa DSI d'Aviva définit avec les directions métiers une roadmap informatique pour mieux connaître toutes les interactions des clients avec l'assureur. Un projet sur trois ans, structurant pour toute l'entreprise.
PublicitéCIO : Comment la DSI répond-elle aux demandes internes des métiers ? Qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui va changer dans ce traitement des demandes internes ?
Daniel Dupuy : « Chez Aviva, nous couvrons tout le périmètre de l'assurance : épargne, prévoyance, santé, dommage, dans l'entreprise, auprès des professionnels ou des particuliers. Nous travaillons avec plusieurs types de distributeurs, courtiers, réseaux de salariés et réseaux d'agents et pratiquons la vente en ligne. Nous avons donc une problématique assez riche, mais que faire pour tous ces utilisateurs ?
Quand nous regardons dans le rétroviseur, nous avons d'abord construit le système d'information autour des produits : épargne, prévention, santé. Ils étaient traités dans nos back-offices, mais sans se préoccuper de la distribution. Ensuite, dans les années 90 et au début des années 2000, nous avons beaucoup investi sur les réseaux de distribution, reconsidéré une partie du travail de nos back-offices et ouvert nos SI par des portails extranet pour nos courtiers et nos agents généraux, afin de traiter plusieurs types d'opérations : souscription, encaissement, tarification, gestion des sinistres. C'était la deuxième vague. La nouveauté, désormais, c'est le digital, le fait que maintenant, c'est le client qui revient au coeur. En ce sens, nous allons opérer une troisième transformation, pour mettre le client au coeur du SI.
CIO : Comment se traduit ce projet sur chacune de vos clientèles ?
Daniel Dupuy : A la DSI, nous avons fait l'effort d'apporter toutes les conditions de réussite aux courtiers et agents généraux d'Aviva France, mais nous ne sommes pas encore capables d'avoir une vision complète du client et de ses interactions dans la maison Aviva. Par exemple, d'observer si un client a un contrat vie ici et un pour l'automobile ailleurs, dans une autre de nos marques.
Nous définissons actuellement une roadmap informatique, en relation avec nos directions métiers, pour créer une base de données clients unique et à 360°. Au-delà de la connaissance des caractéristiques du client, elle doit nous permettre de connaître toutes les interactions avec le monde Aviva. Les grands classiques : mail, courrier, téléphone ou par d'autres médias : site clients, web, réseaux sociaux. De ce fait, nous allons savoir que ce client-là a, par exemple, un sinistre auto en cours et un portefeuille en vie. Pour arriver au résultat que nous voulons, une modification importante est nécessaire, et ce dans toutes les bases de données de gestion. Cette modification va animer les autres parties du SI, donner une opportunité d'ouverture, rendre les back-offices plus efficaces.
Nous allons donc créer une importante base de données client avec une roadmap sur trois ans, et des choix techniques comme les bases de données noSQL pour traiter plus d'informations de manière plus efficace et plus souple.
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CIO : Travaillez-vous sur de nouveaux projets pour vos utilisateurs salariés ?
Daniel Dupuy : Nous développons et mettons en oeuvre de nouveaux services aux utilisateurs. L'IT Bar proposé il y a un an permet d'avoir un help desk de proximité pour toute une série de demandes : si nous avons un problème avec un portable, si le clavier est cassé et qu'il en faut un neuf, si pour dix minutes de présentation il faut un iPad, etc. A côté, nous développons également des apps pour mieux vivre au travail, comme « never eat alone », une application permettant de déjeuner avec quelqu'un de l'entreprise, ou un système de repérage dans notre bâtiment, qui est immense. Enfin, nous développons également le travail en open space, le WiFi ainsi que le télétravail pour aller vers d'autres formes de présence.
CIO : Comment accompagnez-vous les commerciaux pour qu'ils vendent plus vite et mieux ?
Daniel Dupuy : Nous utilisons depuis des années le Straight-through processing, cette méthode de traitement au fil de l'eau qui permet d'assurer la tarification et la souscription, voire l'encaissement, en temps réel. Dès que les commerciaux font une modification, l'information est partagée. Mais nous essayons aussi d'aller plus loin. Par exemple, nous souhaitons intégrer les contacts, mettre en place une GED pour tous les agents généraux d'Aviva France, afin qu'ils puissent tout de suite dématérialiser les documents entrants et le rattacher au dossier du client en fonction du contexte. Enfin, nous travaillons aussi sur la téléphonie de notre réseau d'agents, pour l'intégrer dans l'écosystème informatique de nos agences.
La plus grosse partie de notre activité est réalisée par les réseaux d'intermédiaire. Nous sommes un métier d'intermédiaires, c'est le coeur de l'activité, là où on nous faisons notre chiffre d'affaires. Nous tournons une page intéressante en développant le digital de manière gagnant-gagnant, nous et l'apporteur. Mais, rapprocher le client de la compagnie ne veut pas dire exclure l'intermédiaire de cette relation. Nous avons, par exemple, donné la possibilité à nos experts agricoles d'évaluer l'impact de la grêle sur une récolte et de faire la remontée sur une tablette dans le SI de la compagnie. Le service des sinistres traite alors les dossiers très rapidement.
CIO : Quelle est la place du digital dans vos objectifs et vos budgets ?
Daniel Dupuy : L'informatique, c'est l'usine : il s'agit de savoir comment l'on se transforme et comment l'on accompagne les changements, le tout à la fois. A Londres et à Singapour, le Groupe Aviva a créé un « Garage », un lieu digital dédié à l'innovation, aux nouvelles technologies, aux starts-up.... Le prochain devrait être lancé ici en France. C'est un bouillon de culture et un monde plus créatif. Dans une entreprise comme la nôtre, l'informatique est associée à l'innovation, et est même à l'initiative sur le sujet.
CIO : Quelles sont les nouvelles technologies qui vous intéressent ?
Daniel Dupuy : Depuis deux ans, je valorise particulièrement l'agilité. Nous gardons en France une culture où tout projet doit être bien exprimé, détaillé, clarifié avant d'être exécuté. Par rapport à toutes les méthodes des années 70 et 80, il faut un retour à l'équilibre et l'agilité pour moi constitue ce retour à l'équilibre, nous sommes plus vite au coeur des sujets qui font mal, par rapport aux modes traditionnels en V. Chez Aviva, les équipes informatiques sont majoritairement internalisées, avec des collaborateurs qui connaissent très bien ce métier de l'assurance, en prenant en compte cette proximité et en la transformant en agilité. C'est une efficacité formidable dans la réalisation du produit fini et dans la réussite de nos projets.
Les outils DevOps d'intégration en continu nous intéressent également de même que les codes embarqués dans les tests. Les outils sont là et nos ingénieurs s'inscrivent de plus en plus dans une démarche collaborative et comprennent ces choses-là. Après, sur les autres technologies, j'ai déjà parlé de noSQL, mais nous voulons aller également vers les technologies open source, afin d'être dans le futur de plus en plus dans une approche d'intégration. Traditionnellement, nous avons développé en interne, mais il faut être de plus en plus dans une approche plug and play : « je vais chercher, je teste, j'achète à l'extérieur ». Par exemple, nous allons chercher un composant, faisons des POCs sur les interactions clients avec Facebook Messenger, etc.
CIO : Comment évolue votre stratégie cloud ?
Daniel Dupuy : Nous avons deux datacenters en région parisienne partagés avec plusieurs filiales d'Aviva Europe. Le modèle est intéressant sur le plan économique, la limite de l'exercice étant la flexibilité, comparée à des solutions comme AWS. De fait, ce type de modèle est condamné et nous souhaitons faire évoluer d'ici 3 ans la majorité de nos infrastructures vers un cloud public complètement sécurisé.
Cette transition implique un travail en profondeur sur nos métiers d'informaticien et un accompagnement important auprès de nos équipes.
CIO : Comment évolue votre budget ?
Daniel Dupuy : Nous faisons partie des assureurs généralistes qui ont les budgets informatiques les plus faibles, ramenés aux montants de leurs chiffres d'affaires. Notre challenge est de faire en sorte que nos coûts de Run baissent pour les transformer en Change, et cela passe par exemple par la renégociation des coûts avec les sociétés de logiciels, les opérateurs télécoms, le développement des aspects de massification ainsi que des politiques de sourcing. Nous souhaitons également améliorer le ratio des applications informatiques de nos plateformes afin de disposer d'une seule plateforme par grande gamme de produit, ce qui conduit à des effets d'échelle importants tout en améliorant notre efficacité globale.»
Article rédigé par

Didier Barathon, Journaliste
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