Juridique

Covid-19 et dématérialisation : comment l'acte authentique passe le confinement

Covid-19 et dématérialisation : comment l'acte authentique passe le confinement
Me Marie-Hélène Pero, porte-parole du Conseil supérieur du notariat et notaire à Chevreuse, indique que la grande majorité des actes authentiques est aujourd’hui dématérialisée.
Retrouvez cet article dans le CIO FOCUS n°181 !
Ce que le Covid-19 a appris aux DSI

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Pendant la crise sanitaire, le business continue. Indubitablement, la crise sanitaire du Covid-19 aura eu et va continuer d'avoir un impact, probablement durant plusieurs années, sur l'économie. Plutôt que de se replier sur soi, c'est le moment de remettre à plat les processus. C'est le moment...

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Les notaires ont dématérialisé l'acte authentique depuis des années. L'enjeu est aujourd'hui, à cause du confinement lié à la crise sanitaire du Covid-19, de se passer de la présence physique des parties dans les études. L'expérimentation limitée en cours s'appuie sur une déjà longue histoire et permettra probablement des développements demain au service des citoyens comme des entreprises dans toute l'Europe.

PublicitéL'intervention des notaires résulte souvent d'une obligation légale, notamment en matière immobilière, et elle est parfois préférable. Les « actes authentiques » qui résultent de leur intervention (par opposition aux « actes sous seing privé ») peuvent concerner les ventes immobilières comme les contrats de mariage, les donations ou les testaments. Classiquement, l'acte est conclu dans une étude, en présence physique de chaque partie et du notaire. Le notaire, officier public, est en effet le garant non seulement de la régularité de l'acte, de sa fiabilité, de sa confidentialité mais aussi de la volonté non-équivoque et éclairée de chaque partie, ce qui inclut le contrôle des identités. Les contraintes de l'acte authentique pèsent donc évidemment sur sa dématérialisation.

Suite à la pression des professionnels de l'immobilier, qui s'inquiétaient de la paralysie de leur marché à cause du confinement lié à la crise sanitaire Covid-19, rendant impossible un déplacement dans une étude pour une signature, un décret a permis de mettre en place des actes authentiques sans présence physique des parties, en utilisant une solution de vidéoconférence agréée par le CSN (Conseil Supérieur du Notariat). Il s'agit expressément d'une expérimentation temporaire mais qui vient s'inscrire dans une histoire déjà ancienne ayant déjà ses acquis. La dématérialisation des actes authentiques est en effet mise en place depuis douze ans et il existe une solution de vidéoconférence agréée, basée sur LifeSize. « En tant qu'expérimentation, il faut en attendre un retour d'expérience qui pourra déboucher sur, d'une manière ou d'une autre, quelque chose de plus pérenne » explique Me Marie-Hélène Pero, porte-parole du CSN.

La dématérialisation classique avec présence physique, la première étape

La première étape, il y a douze ans, a donc été de dématérialiser l'acte authentique. Mais, à ce moment là, il s'agit bien d'avoir toutes les parties prenantes présentes dans l'étude. La signature s'effectue sur tablette en présence du notaire, ce qui facilite l'archivage dans le minutier central, mais il n'y a aucune révolution dans la pratique réelle. « A ce jour, ce sont 90 % des études qui sont équipées pour réaliser de tels actes authentiques dématérialisés et la très grande majorité des actes sont effectivement dématérialisés » affirme Me Marie-Hélène Pero. Certains actes, pour des raisons pratiques, échappent encore à la dématérialisation comme des opérations portant sur des documents très complexes de plusieurs centaines de pages.

PublicitéLa deuxième étape a supposé la mise en oeuvre d'une solution de visio-conférence, agréée par le CSN. Me Marie-Hélène Pero raconte : « la profession a mis en place un système de visioconférence sécurisé. Le déploiement de l'équipement a commencé en 2017 permettant ainsi la mise en place de l'acte authentique à distance, présenté à la profession lors de notre congrès annuel qui s'est tenu à Lille en Juin 2017 sur la thématique suivante : '#Familles #Solidarités #Numérique, le notaire au coeur des mutations de la société'. Le premier acte authentique à distance a été signé en octobre 2018. » Cette visio-conférence repose sur LifeSize avec une 'pieuvre' agréée, les deux outils étant fournis et intégrés par l'ADSN (Association pour le Développement du Service Notarial). L'agrément permet de certifier que les échanges vont bénéficier de la confidentialité, de la sécurité et de la fiabilité des échanges. « L'échange en visio-conférence fait pleinement partie de l'acte et une interruption, par exemple un problème réseau, interdit de parfaire l'acte » insiste Me Marie-Hélène Pero. Elle ajoute : « l'équipement des études avec ce matériel est une priorité même si certaines études se situent dans des zones blanches en matière d'accès Internet haut-débit. »

La vidéoconférence est possible mais reste rare

La deuxième étape permettait à chaque partie d'être présente dans une étude notariale près de son domicile, mais tout de même dans une étude notariale en présence chacun d'un notaire. Vient alors la troisième étape, celle qui est actuellement expérimentée. Cette fois, les parties sont en visio-conférence en dehors de l'étude notariale, donc ils ne sont pas physiquement en compagnie d'un notaire. Si le système de visio-conférence agrée Lifesize reste de rigueur, il faut également recourir à une signature qualifiée, reconnue comme telle par l'ANSSI. Or la seule à l'être aujourd'hui est fournie par DocuSign, un acteur dont un des sièges est en Californie, aux Etats-Unis. Me Marie-Hélène Pero s'offusque : « en tant qu'officier public, il est nécessaire que le notaire soit une autorité agréé par l'ANSSI pour émettre des certificats de signature électronique qualifiée ».

Cette procédure avec certificat fourni par DocuSign implique une lourdeur considérable. « On verra le retour des clients mais nous cherchons la procédure la plus simple possible. Son usage implique que les clients soient eux-mêmes familiarisés avec le numérique » souligne Me Marie-Hélène Pero. Si le CSN ne dispose par à ce jour de retours chiffrés sur l'usage réel de l'autorisation expérimentale, il est avéré que des signatures ont bien eu lieu pour des ventes immobilières sur plan (en état futur d'achèvement). Mais cela reste visiblement anecdotique (voir encadré). « Les notaires sont en bout de chaîne et la constitution des dossiers reste évidemment la même. La procédure dérogatoire n'a servi qu'à apurer des actes qui étaient prêts » explique Me Marie-Hélène Pero.

Un avenir qui ne demande qu'à être tracé

Depuis le 1er janvier 2019, les consuls de France à l'étranger ne sont plus habilités à réaliser certains actes normalement confiés à des notaires. Certes, cette capacité relevait de l'anecdote. Mais, même à raison d'un acte tous les quatre ou cinq ans, une situation personnelle délicate d'un citoyen français résidant à l'étranger pouvait être réglée plus aisément. Qu'il s'agisse d'un achat immobilier en France mais aussi d'un acte de donation, d'un contrat de mariage... sans avoir à revenir pour quelques heures sur le territoire français, dans une étude de notaire, pour une simple signature.

Quel avenir peut donc être réservé à cette procédure, au-delà de l'expérimentation ? La réponse sera sans doute européenne. Le droit continental est globalement partout similaire sur le rôle du notaire comme officier public et les discussions sont donc courantes entre organisations professionnelles des différents pays. Le Brexit a eu cet effet d'exclure le principal pays de tradition juridique anglo-saxonne de l'Union Européenne... Il y a malgré tout des différences notables de préoccupations selon les pays. Par exemple, en Allemagne, les notaires ont un monopole sur les actes constitutifs de sociétés. Et la dématérialisation les intéresse surtout dans ce cadre. En France, le sujet est plutôt pour l'immobilier et ses accessoires relevant du droit de la famille (donations, contrats de mariage, démembrement d'une propriété entre parents et enfants...). La signature électronique qualifiée est également définie au niveau européen. Que le notaire obtienne la capacité à émettre de tels certificats de signature électronique qualifiée pourrait donc bien venir de l'Europe.

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