Coûts du cloud : peut-on se fier aux métriques du FinOps ?
Le FinOps utilise habituellement des unités de mesure génériques pour relier les coûts du cloud à la valeur générée pour l'entreprise. Une approche inadaptée à des usages métiers complexes et variés.
PublicitéSi l'évolution constante du cloud et son intégration dans les opérations des entreprises nous ont appris quelque chose, c'est que les indicateurs génériques sont rarement efficaces pour mesurer le succès d'un tel virage. Ne vous méprenez pas, les métriques du cloud valent mieux que l'absence de mesures. La plupart des entreprises n'en utilisent aucune, même si elles ne l'admettent pas.
Comprendre les métriques FinOps
Le concept de métriques cloud a vu le jour avec le FinOps, démarche visant à optimiser les investissements dans ces environnements. Ces métriques sont conçues pour relier les coûts et les ressources à une unité standardisée de valeur métier, telle que le coût par utilisateur, par transaction ou par application. L'objectif ? Rendre l'économie du cloud compréhensible par les chefs d'entreprise. À première vue, il s'agit d'une excellente idée. Après tout, dans un monde où les directeurs financiers ne savent plus où donner de la tête face à des factures AWS qui fluctuent énormément, le fait d'associer des résultats concrets aux dépenses permet de clarifier les choses. Du moins, c'est ce que l'on nous dit.
En réalité, ces mesures ne sont pas à la hauteur dans la plupart des scénarios du monde réel. Pourquoi ? Elles réduisent les écosystèmes complexes et dynamiques du cloud à des mesures trop simplistes qui ne tiennent pas compte des priorités et objectifs stratégiques propres à chaque entreprise. Ce qui commence comme une mesure standard pour aligner plus efficacement l'informatique et le métier finit souvent par n'être qu'une distraction au quotidien - ou pire, un mauvais outil pour le travail.
Une méthode plus adaptée consiste à mesurer la valeur du cloud à l'aide d'indicateurs qui s'adaptent aux besoins spécifiques de votre entreprise et évoluent avec eux. Par exemple, une plateforme de commerce électronique peut mesurer le coût d'exécution d'une commande unique. Cela permet aux dirigeants de mieux analyser les dépenses liées à l'infrastructure, à la lumière des résultats opérationnels.
Là où les métriques cloud échouent
L'approche générique peut être bénéfique pour les équipes qui commencent leur parcours d'exploitation du cloud, mais elle tient rarement la route à grande échelle ou lorsque les contextes métiers deviennent plus complexes (comme c'est le cas sur tous les projets cloud sur lesquels j'ai travaillé au cours des sept dernières années).
Rappelons ce qui est douloureusement évident : les environnements cloud sont intrinsèquement chaotiques. Les entreprises exécutent parfois des milliers de workloads sur des centaines de services, répartis sur plusieurs régions cloud, voire entre différents fournisseurs. Cette complexité rend presque impossible la réduction d'un écosystème cloud entier à un coût unitaire unique. Un modèle trop simpliste entraîne souvent plus de confusion que de clarté.
PublicitéPar exemple, supposons que votre métrique cloud centrale soit le coût par transaction. Si ce coût augmente, qu'est-ce que cela signifie ? Les inefficacités sont-elles à l'origine de cette hausse ou est-ce le signe d'investissements supplémentaires dans la mise à l'échelle de l'infrastructure lors d'une augmentation saisonnière de la demande ? Les mesures classiques n'offrent pas ce niveau de granularité. Au lieu de cela, elles peignent à grands traits, ce qui facilite les interprétations erronées. Un investissement stratégique peut ainsi rapidement être lu comme un gaspillage.
Tenir compte du contexte spécifique
Certaines entreprises se concentrent sur l'expérience client. D'autres consacrent des ressources à la création de produits innovants. Et nombre de modèles économiques n'entrent pas dans un moule standard. Pourtant, les métriques cloud partent du principe que tous les workloads doivent être mises en correspondance avec les mêmes unités : le coût par transaction, le coût par gigaoctet ou le coût par heure d'instance.
Par exemple, un organisme de santé qui tente de calculer le coût du stockage sécurisé des dossiers des patients ne devrait pas être placé dans le même schéma qu'un service de streaming vidéo mesurant les coûts par spectateur. De même, une entreprise d'intelligence artificielle qui forme des modèles d'apprentissage automatique ne trouvera pas de valeur dans les mesures du coût par utilisateur, du fait de ses objectifs métiers spécifiques.
Les métriques cloud ne tiennent pas compte des spécificités des entreprises et de leurs objectifs. Elles obligent les entreprises à s'aligner sur une mesure au lieu d'aligner la mesure sur le contexte. Elles sont donc mal adaptées aux entreprises qui ne s'inscrivent pas parfaitement dans leurs contraintes.
Les bénéfices du cloud ne sont pas que financiers
Et c'est là que les métriques standards se heurtent à un obstacle encore plus important : la valeur du cloud n'est pas toujours financière. Certes, la réduction des coûts unitaires est essentielle, mais qu'en est-il des gains stratégiques ? Les entreprises attendent de leurs investissements dans le cloud une plus grande agilité, une accélération de l'innovation ou une plus grande satisfaction de leurs clients. Des avantages difficiles à quantifier à l'aide des mesures standardisées proposées habituellement.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui investit massivement dans l'analyse en temps réel. Les résultats immédiats peuvent faire apparaître des coûts relativement élevés, sans mettre en lumière les avantages concurrentiels à long terme, tels qu'une meilleure prise de décision ou une amélioration de la fidélisation des clients. Ou encore le cas d'une organisation qui construit des systèmes de reprise après sinistre basés sur le cloud : la valeur de son offre réside dans la garantie de la résilience, et non dans la réduction des coûts unitaires. Les indicateurs doivent refléter ces avantages intangibles afin que les entreprises appréhendent la situation dans son ensemble.
Personnaliser les KPI du cloud
Maintenant que nous avons pointé les limites des métriques standards, parlons de ce qui fonctionne mieux : les KPI sur mesure. Précisément ce que la plupart des professionnels du FinOps tentent d'éviter. C'est pourquoi je soupçonne que mes opinions vont susciter beaucoup de réactions négatives.
Au lieu de forcer chaque application ou département de l'entreprise à entrer dans un moule générique, les métriques personnalisées reflètent les besoins de votre organisation. Une entreprise de médias pourrait suivre le coût par flux, les opérations de vente au détail et le coût par commande exécutée. Une démarche bien plus pertinente que d'essayer de faire entrer les dépenses liées au cloud dans un cadre général de mesure.
Ces KPI permettent aussi d'équilibrer les coûts tangibles et les avantages intangibles. Par exemple, les améliorations du délai de mise sur le marché associées au déploiement du cloud, la satisfaction des clients liée à la réduction de la latence des applications ou la croissance du chiffre d'affaires directement liée aux projets d'innovation pilotés par l'IA. Là où les métriques standards lissent les détails en une valeur globale, les KPI sur mesure permettent une analyse plus approfondie. Vous pouvez suivre des workloads individuellement, des équipes applicatives ou des régions géographiques, en identifiant les domaines d'optimisation sans perdre de vue les tendances plus générales. Cette précision permet de prendre des décisions fondées sur des données plus complètes.
Les limites de la démarche FinOps
Je tiens à être clair : il est essentiel d'utiliser des mesures pour déterminer la valeur du cloud. Ce qui me préoccupe, c'est que la communauté FinOps simplifie à l'extrême un champ par nature complexe, ce qui conduira à une compréhension erronée de la valeur du cloud. Je veux aussi éviter que des entreprises dotées d'excellentes mesures de cette valeur la voient s'évaporer sans savoir comment cela se produit. C'est ce que je constate aujourd'hui, et même s'il ne s'agit que d'un simple désagrément, cela pourrait devenir un véritable problème car les FinOps les conduisent dans une mauvaise direction.
En tant qu'architecte, je m'efforce d'apporter le plus de valeur possible à l'entreprise en configurant correctement la technologie. C'est parfois plus difficile que ce que beaucoup comprennent, et si je poursuis des moulins à vent appelés métriques cloud, je ne peux pas faire en sorte que cela fonctionne. Equipes FinOps, il est temps de commencer à repenser ce sujet !
Article rédigé par
David Linthicum,
David S. Linthicum est un expert du secteur et un leader d'opinion internationalement reconnu. Il est l'auteur de 13 ouvrages sur l'informatique, dont le dernier est An Insider's Guide to Cloud Computing. David a été directeur technique et directeur général de plusieurs sociétés de logiciels prospères, et il a occupé des postes de direction de haut niveau dans des sociétés du Fortune 100. Il anime des conférences technologiques sur le cloud, l'architecture SOA, l'intégration des applications d'entreprise et l'architecture d'entreprise. David rédige le blog Cloud Computing de nos confrères d'InfoWorld.
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