Convention USF : le licencing de SAP reste la cause majeure de litiges
A l'occasion de la Convention de l'USF, son président a tenu une conférence de presse commune avec le tout nouveau DG de SAP France le 8 octobre 2015. Les sujets d'accord comme de désaccord ont été admis sans faux fuyant. Et le licencing est clairement un sujet chaud.
Publicité« Nous avons des sujets de friction mais aussi de nombreux sujets de collaboration sereine et constructive » a avoué sans détour Claude Molly-Mitton, président de l'USF (Utilisateurs de SAP francophones), en ouvrant sa conférence de presse commune avec Marc Genevois, le tout nouveau DG France de SAP. Celle-ci se tenait le 8 octobre 2015 dans le cadre de la Convention de l'USF à Lyon.
Le licencing fait clairement partie des points de friction entre SAP et ses clients. En particulier deux sujets sont visiblement très chauds : la question des accès indirects et celle des audits de licence. Ces deux sujets ont été vus en fin de conférence de presse pour leur laisser une large place. Même s'il s'agissait surtout de dresser un constat de désaccords. Claude Molly-Mitton a admis : « nous avons sorti la question des accès indirects de notre livrable commun sur l'explication des tarifs SAP afin de pouvoir avancer sur le reste. »
L'autre sujet chaud du moment est la base de données Oracle dont SAP représente le premier parc de déploiement au monde. Mais, sur ce sujet-là au moins, il existe une certaine convergence entre l'éditeur allemand et ses clients.
L'USF va créer des commissions pour Concur et Ariba
Les livrables sont aujourd'hui à la fois nombreux et appréciés des adhérents de l'association. Ils sont issus, le plus souvent sous forme de livres blancs, des travaux des commissions du club. Pour accompagner l'évolution du groupe SAP, deux nouvelles commissions vont d'ailleurs voir le jour, consacrées à Concur et Ariba, récemment rachetés par l'éditeur allemand.
Contrairement à Oracle qui joue le hussard en la matière, SAP intègre lentement ses nouvelles acquisitions. « Nous aimerions d'ailleurs avoir une plus grande visibilité de la roadmap des intégrations » a souhaité Claude Molly-Mitton. Le président de l'USF a cependant noté que les clients appréciaient de ne pas être bousculés.
Marc Genevois a confirmé : « plus SAP rachète des entreprises avec des modèles différents des nôtres, plus les effets peuvent être lourds à gérer. Mais on ne rachète pas un acteur six milliards de dollars pour le casser. Pour l'instant, l'idée est plus celle d'une collaboration commerciale et technique entre les équipes SAP et celles de Concur, pas encore celle d'une intégration totale. » La roadmap du produit est souvent vue comme peu claire mais le DG de SAP France a voulu lever quelques ambiguïtés. L'intégration est bien voulue à terme et le module concurrent de SAP n'est plus commercialisé.
Des problèmes de riches pour la Convention USF comme pour SAP
Pour Marc Genevois, le simple fait qu'un éditeur soit racheté par SAP enclenche une croissance des attentes des clients en matière de support. Selon lui, le support de SAP serait en effet réputé comme un des meilleurs. Et une difficulté est donc, après un rachat, de monter le niveau du support du produit acquis au standard SAP.
Claude Molly-Mitton a nuancé en indiquant que certains clients constataient une baisse de niveau probablement en lien avec l'affectation de ressources au développement de S/4 Hana. Marc Genevois a contesté toute réaffectation de ressources mais a concédé que les produits jeunes étaient, de toute évidence, moins matures que les modules bien rodés depuis des années. Les ateliers de la Convention USF ont d'ailleurs permis de constater que certaines nouveautés donnaient satisfaction à des clients réels.
Si des livrables ont été présentés lors de la Convention USF, la plupart des ateliers permettaient des retours d'expérience. Ceux-ci ont été largement appréciés par les participants. Le seul soucis a été que plusieurs se sont retrouvés complets.
Autre problème de riche pour la Convention USF : plusieurs partenaires ont dû être refusés faute de place pour leur attribuer un stand. « Pourtant, nous avions plus de place que l'an passé » a soupiré Claude Molly-Mitton.
PublicitéSafe Harbor : pas forcément une bonne nouvelle
Grosse actualité impromptue du moment, la dénonciation du Safe Harbor par la Cour de Justice Européenne devrait être une bonne nouvelle pour un des seuls éditeurs de PGI européens pour très grands comptes et possédant des offres cloud. Mais la réaction de Marc Genevois a été très nuancée.
« Nous comptons offrir des plates-formes dans toutes les zones géographiques pour tous nos produits » a-t-il confirmé. Mais « cela va compliquer les opérations » et « une telle décision peut avoir un impact sur les affaires ». Au final, « ce n'est donc pas forcément une bonne nouvelle ».
Hana et l'hypothèque Oracle
Si le Safe Harbor s'est imposé brutalement dans l'actualité, le premier sujet chaud identifié depuis des mois est celui des bases de données. SAP est premier revendeur au monde de runtimes Oracle. Mais, si les contrats trisannuels entre les deux éditeurs se renouvelaient jadis sans difficulté, Oracle a indiqué en 2015 que le contrat qui venait d'être signé serait le dernier. Et le taux de maintenance annuel est alors passé de 11 à 19%, évolution répercutée sur les clients. « Nos relations avec Oracle deviennent de plus en plus rugueuses et, malheureusement les clients ne peuvent que le constater » a regretté Marc Genevois.
Toute la question est donc de savoir ce qui se passera en 2018, dans un peu plus de deux ans. Beaucoup de clients seraient approchés par Oracle pour passer sur un contrat direct sans l'intermédiaire de SAP. Un certain nombre possèdent déjà des bases Oracle pour d'autres usages que SAP et pourraient donc simplement étendre leurs contrats. Bien évidemment, la sortie de la base de données en colonne et en mémoire SAP Hana est à l'origine des tensions.
Si d'autres bases de données sont supportées par SAP (DB2, MS SQL...), quitter Oracle semble ne se faire qu'au bénéfice d'Hana.
Pas de fol enthousiasme pour Hana
Pourtant, l'enthousiasme pour Hana n'est guère au rendez-vous. Marc Genevois a tenu à nuancer les résultats obtenus par le club utilisateur allemand autour de ce manque d'enthousiasme : « la vitesse d'adoption d'une nouvelle technologie varie selon les pays, c'est autant vrai pour le Cloud que pour Hana. Mais les clients ne refusent pas Hana. Ils se demandent simplement quelles réponses pertinentes apporter à trois questions : quand, combien ça va me coûter et comment je migre ? »
La maintenance serait garantie « au moins » jusqu'en 2025 pour la version R/3 actuelle sur bases traditionnelles. Mais la signification du « au moins », qui n'a pas toujours été présent dans la communication de SAP, a été l'objet de discussions entre Claude Molly-Mitton et Marc Genevois. Face aux inquiétudes du premier, le second a tenu à rassurer : « SAP ne laisse jamais tomber ses clients et nous avons supporté -avec des contrats spécifiques- du R/2 pendant des années. » De toute évidence, le « au moins » sera plus ou moins maintenu selon la rapidité de migration de la base installée vers Hana.
Premier combat : les audits de licence
Si l'inquiétude autour des bases de données fait converger les discours de SAP et du club utilisateur, ce n'est pas pareil pour les deux sujets qui fâchent beaucoup. Le désaccord « n'est pas total » sur le premier combat, selon les mots de Claude Molly-Mitton, à savoir les audits de licence.
Nul ne conteste la légitimité des audits. De même, sous quelques petites réserves (notamment concernant le contrôle des licences Business Object), les outils fournis par SAP semblent ne pas poser de problème.
Même si Marc Genevois conteste tout à fait cette accusation, Claude Molly-Mitton estime que, aujourd'hui, les audits de licence sont dénaturés et sont utilisés par les commerciaux de SAP à des fins mercantiles. La pression commerciale viserait à menacer d'un redressement conséquent pour forcer la vente de produits complémentaires. « Avant, l'USF ne recevaient jamais d'appel au secours de membres concernant des audits de licences, maintenant c'est un par semaine » a dénoncé Claude Molly-Mitton. Si, dans quelques cas, le client est clairement en tort, dans tous les autres cas le club préconise désormais de prendre un avocat et de refuser le chantage.
Deux points d'amélioration faisant consensus
Plusieurs « points d'amélioration » ont, semble-t-il, été relevés de manière consensuelle. Tout d'abord, il s'agit pour SAP d'être beaucoup plus clair et pédagogique sur les règles appliquées et sur les processus de contrôle. Trop souvent, des clients ne se rendent compte d'un problème induit par un projet que lorsqu'il est beaucoup trop tard. Et la régularisation peut alors être très onéreuse sans jamais avoir été budgétée. Marc Genevois a cependant remarqué que « en Allemagne, les clients achètent les licences en amont des usages, en France en cas de contrôle. »
Le deuxième point d'amélioration est la trace écrite du résultat d'un audit. Une telle attestation a été obtenue par les clients allemands. Marc Genevois n'a pas vu de raison de procéder autrement en France. Cet engagement a amené une nette satisfaction de Claude Molly-Mitton.
Un blocage des usages au nombre d'utilisateurs acheté ne semble pas, par contre, pertinent tant pour l'éditeur que pour ses clients. Une certaine souplesse est en effet nécessaire dans le cadre des projets pas encore en production. Et certains modèles de facturation sont complexes, introduisant par exemple un nombre d'établissements ou un montant indexé sur le chiffre d'affaires.
Second combat : les accès indirects
Dans certains cas, les audits de licences se passent très mal car clients et éditeur sont en réel désaccord sur les bases de facturation. C'est le cas des fameux « accès indirects » dont l'existence même est niée par Marc Genevois. La définition de l'accès indirect est le fait de connecter des données gérées dans SAP à un outil tiers. Les utilisateurs de cet outil tiers doivent ils être facturés comme utilisateurs SAP ? Claude Molly-Mitton a alors cité un rapport du cabinet Forrester pour lequel « facturer l'accès indirect est une extorsion ».
Marc Genevois a défendu une autre position : « l'accès indirect n'existe pas : il y a accès ou pas d'accès selon les termes de la licence standard de SAP. Si certains contrats spécifiques ont pu utiliser ce terme, c'est parce que c'est un terme classique sur le marché. » Pour l'éditeur, dès lors qu'un utilisateur exploite une fonction de SAP, par un quelconque moyen, il est utilisateur SAP.
Pour Claude Molly-Mitton, une telle position est intenable car SAP a l'obligation de garantir l'interopérabilité de ses produits. La frontière est en effet parfois ténue entre l'import-export (non-facturable) et la connexion directe (facturable selon SAP). « L'ambiguïté n'est l'alliée de personne, il faut que les règles soient claires » a martelé Claude Molly-Mitton, qui a parié sur une retraite prochaine de SAP dans ce combat.
La question devient en effet très gênante à l'heure des objets connectés. Si chaque client connecté au SI de l'entreprise via tel ou tel objet devient un utilisateur nommé facturable, le coût de SAP risque de s'accroître considérablement pour certaines entreprises. Marc Genevois a voulu rassurer en indiquant qu'il était possible de négocier pour trouver un modèle de facturation raisonnable, pourvu que cette négociation ait lieu en amont. Voilà qui semble peu compatible avec l'innovation agile...
Selon Claude Molly-Mitton, « au moins deux entreprises ont renoncé à SAP pour ce motif ».
Article rédigé par
Bertrand Lemaire, Rédacteur en chef de CIO
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire