Comment les DSI utilisent l'IA pour améliorer l'expérience client
D'abord testée pour améliorer l'efficacité interne, l'IA générative s'immisce peu à peu dans l'expérience client. Avec de vrais apports, mais sans toutefois remettre en cause la place centrale de la compétence humaine.
PublicitéLes chercheurs spécialisés en informatique estiment que l'impact le plus important de l'IA générative cette année concernera l'expérience client (CX), les organisations utilisant de vastes quantités de données pour communiquer avec les consommateurs et résoudre les problèmes plus rapidement.
L'éditeur Salesforce rapporte que plus de deux tiers des professionnels des services pensent que l'IA générative les aidera à mieux servir leurs clients, tandis que le cabinet Forrester estime qu'elle va donner un énorme coup d'accélérateur aux équipes CX durant 2024. Selon le cabinet, les entreprises utiliseront davantage d'outils basés sur l'IA pour renforcer les capacités des agents du service client. Plutôt que de rechercher des informations dans des bases de données, ceux-ci poseront des questions en langage naturel à l'aide d'outils alimentés par l'IA et recevront des réponses aux questions des clients en temps réel.
Certaines entreprises ont déjà réalisé des progrès significatifs sur ce terrain. Le fournisseur britannique de solutions de santé Simplyhealth utilise Salesforce Einstein for Service pour améliorer l'efficacité de ses agents grâce à l'IA conversationnelle. Le personnel peut répondre aux demandes de renseignements par courrier électronique avec une réponse compatible GPT et s'assurer que les bonnes informations sont envoyées aux clients en temps voulu.
Des embryons de réponses pour gagner du temps
Dan Eddie, directeur du service clientèle chez Simplyhealth, explique que les réponses aux courriels de l'entreprise basées sur l'IA se concentrent sur trois questions fréquemment posées : comment changer de dentiste ? ; comment changer la date de mon prélèvement automatique ? ; et comment changer d'adresse ou de coordonnées personnelles ? Le système GPT effectue des recherches dans les bases de données de l'entreprise et génère des réponses automatiques que les agents de service peuvent utiliser comme socle pour répondre plus rapidement aux questions des clients.
« La technologie accélère l'ensemble du processus, explique Dan Eddie. Un courriel auquel un agent mettrait normalement 12 minutes à répondre ne prend plus qu'une minute et demie. Vous voyez donc l'intérêt d'avoir 10 minutes de libre pour effectuer des tâches complexes à valeur ajoutée au sein de notre entreprise ». Le personnel peut utiliser ce temps supplémentaire pour traiter les demandes d'indemnisation plus rapidement, ce qui permet aux clients de récupérer l'argent qui leur est dû dans un délai de deux à trois jours. En conséquence, jusqu'à 92 % des clients se disent très satisfaits du processus de réclamation, selon les données de Simplyhealth, et 84 % des réclamations des clients sont résolues dans les trois jours, ce qui est bien supérieur aux taux moyen du secteur, qui est de 46 %.
Publicité« Au quotidien, la technologie aide notre personnel à se concentrer sur le travail qui a le plus de valeur, reprend le directeur du service clientèle. Cette concentration signifie que nous obtenons de bons résultats pour nos clients plus régulièrement qu'il y a 12 ou 18 mois. Nous atteignons aujourd'hui des sommets en matière de satisfaction de la clientèle ».
L'IA pour l'hyper-personnalisation
Kavin Mistry, responsable du marketing numérique et de la personnalisation chez TSB Bank (Tunisian Saudi Bank), est un autre dirigeant qui explore la manière dont l'IA et l'apprentissage automatique (ML) peuvent améliorer l'expérience client. Pour créer ce qu'il appelle une stratégie d'hyperpersonnalisation, il utilise la technologie et les données pour développer une compréhension plus approfondie des expériences que les consommateurs ont avec TSB.
La banque utilise Adobe Automated Personalization Activity pour élaborer sa stratégie basée sur les données, et étudie également comment l'outil Firefly d'Adobe, qui est un modèle d'IA générative, peut contribuer à améliorer la CX. Dans le cadre de ce travail, l'équipe de Kavin Mistry développe un Money Confidence Hub, qui permettra aux clients de suivre et de tracer leurs objectifs hyper-personnalisés via l'application de banque en ligne de TSB. « Nous voulons nous assurer de l'engagement de nos clients, explique-t-il. Les clients ne pensent pas en termes de produits bancaires. Ils réfléchissent en termes d'achat de maison, à la possibilité d'effectuer des travaux d'aménagement ou à leur départ en vacances. Nous voulons offrir à chaque client une expérience bancaire personnalisée. »
Ne pas succomber au buzz
Alors que le battage autour de tout ce qui touche à l'IA semble suggérer que le potentiel des technologies génératives est illimité, Caroline Carruthers, Pdg du cabinet de conseil Carruthers and Jackson, estime que les initiatives pionnières en matière de CX doivent être replacées dans leur contexte. Selon elle, l'IA est encore un buzzword. « Peu de gens en démontrent encore la valeur », dit-elle.
L'indice de maturité sur les données récemment publié par son cabinet suggère que de nombreuses organisations souffrent d'une paralysie induite par l'IA. Seules 5% des entreprises peuvent se targuer d'avoir atteint un niveau élevé de maturité en matière d'IA, d'avoir mis en place des départements d'IA ou d'avoir défini des processus clairs autour de la technologie. Et la plupart des responsables des données (87 %) affirment que l'IA n'est utilisée que par une petite minorité d'employés, voire pas du tout.
Selon Caroline Carruthers, la clé de la réussite en matière de CX consiste à trouver le bon outil parmi un ensemble disparate de technologies. « Je pense que nous risquons de nous éloigner de la question : "Quel est le problème que nous avons et quel est le bon outil pour résoudre ce problème ? La solution pourrait être l'IA générative, mais peut-être pas ».
Quand les chips croustillent trop
Pour le géant de l'alimentation et des boissons PepsiCo, l'utilisation des technologies émergentes ne se limite pas à l'exploitation de l'IA générative. L'utilisation par l'entreprise de systèmes basés sur des données vise simplement à garantir la satisfaction de ses clients. Prenons l'exemple des gamers qui mangent les chips tortilla de l'entreprise, les Doritos.
« Nos études montrent que l'une des choses les plus ennuyeuses pour un joueur est d'entendre d'autres personnes manger des snacks - et les Doritos sont croustillants », explique Nigel Richardson, vice-président et DSI Europe chez PepsiCo. L'étude de la société montre que près de la moitié des joueurs britanniques n'aiment pas les bruits de nourriture. La solution de PepsiCo à ce problème ? Un système basé sur l'intelligence artificielle appelé Doritos Silent, qui utilise une technologie d'annulation des craquements développée en partenariat avec le spécialiste du design interactif Smooth Technology. Les deux sociétés ont analysé 5 000 bruits de craquement sur une période de six mois et ont créé une application que les joueurs peuvent télécharger pour les annuler.
« Nous sommes toujours à la recherche de moyens d'utiliser la technologie pour renforcer notre engagement auprès de nos consommateurs, explique Nigel Richardson. Ce type d'outils établit un lien direct entre nos clients et nos produits. Ils favorisent l'engagement des clients et la croissance de l'entreprise. »
Le DSI affirme par ailleurs que l'IA générative a le potentiel d'améliorer l'expérience des clients, en particulier via des chatbots. Toutefois, PepsiCo veille à ce que toutes les questions relatives à l'IA responsable, telles que les préjugés, la protection des droits d'auteur et la confidentialité des données, soient au coeur de tout développement. « Nous agissons d'abord en interne, indique-t-il. Nous avons un partenariat important avec Microsoft, qui a débuté en 2020. Nous travaillons beaucoup avec cet éditeur et d'autres entreprises technologiques, mais nous constatons que le service à la clientèle est un domaine où l'IA générative pourrait améliorer considérablement les expériences. »
Réunir le bon écosystème
Le cabinet Gartner suggère que la plupart des DSI se trouvent dans une position similaire : 2024 sera l'année de la planification de la mise en oeuvre de l'IA générative, tandis que 2025 sera l'année de l'exécution. Les entreprises qui commencent à explorer la technologie cette année doivent réfléchir soigneusement aux fournisseurs auxquels elles font appel.
Hakan Yaren, DSI d'APL Logistics (une société de logistique d'environ 7000 personnes), explique que son entreprise explore l'IA et le ML depuis plusieurs années, notamment pour affiner les processus de la chaîne d'approvisionnement. À mesure que ces développements se poursuivent et que l'entreprise commence à explorer la manière dont l'IA peut améliorer la CX, le DSI s'attend à ce que son département informatique travaille avec un large éventail de partenaires. Outre les grands opérateurs technologiques tels que Microsoft, Oracle et le spécialiste de l'intégration Axway, Hakan Yaren indique qu'APL Logistics est susceptible d'exploiter les solutions de fournisseurs spécialisés. « L'autre domaine que nous continuons d'étudier, parce que les barrières à l'entrée y sont beaucoup plus faibles, c'est celui des start-ups, précise-t-il. Il y a des entreprises qui se créent et qui essaient de résoudre des problèmes spécifiques. »
Ben Elms, directeur des revenus chez le spécialiste de la connectivité Internet Expereo, est un autre dirigeant dont la société cherche à développer une vision approfondie des besoins de ses clients. Ceux-ci peuvent déjà utiliser une interface appelée expereoOne pour analyser les performances du réseau mondial, et Ben Elms souhaite renforcer les efforts en matière de CX grâce à l'IA. L'entreprise étudie les technologies ServiceGPT et Einstein de Salesforce, et construit également une base de connaissances sur la plateforme Sales Cloud du fournisseur.
Dans ses précédentes fonctions chez Vodafone, Ben Elms a dirigé l'une des premières mises en oeuvre d'Einstein, utilisé en test auprès de ses équipes soit environ 1 500 personnes dans le monde entier. « Nous avons suivi tout le parcours d'apprentissage de Salesforce sur Einstein, avec ses bons et ses mauvais côtés. Aujourd'hui, ma tâche pour cette année est de mettre en oeuvre cette technologie chez Expereo. »
La base de connaissances d'Expereo, alimentant GPT, sera utilisée pour répondre plus rapidement aux demandes de renseignements, mais les clients qui préfèrent parler à un être humain pourront bénéficier d'une approche multicanal. Dans tous les domaines de la prestation de services, Ben Elms souhaite fournir aux clients des informations plus approfondies : « j'investis énormément dans l'application de l'IA à expereoOne afin d'offrir aux clients une certaine prévisibilité. Grâce à notre intelligence, nous voulons être en mesure de suggérer des infrastructures et architectures de réseau alternatives. C'est très orienté vers l'avenir, mais c'est le genre d'investissement que je fais. »
L'avenir ? Non, mais un rôle dans l'avenir
Ce type d'approches innovantes suggère que l'IA aura un impact important et durable sur la CX. Cependant, Bev White, Pdg du cabinet de recrutement Nash Squared, estime que l'IA ne doit pas être considérée comme une solution miracle aux problématiques du domaine. Comme Ben Elms d'Expereo, elle souligne l'importance de l'action humaine. « Lorsque nous achetons des produits en ligne, nous ne voulons pas toujours être pris en charge par un chatbot. Parfois, nous avons besoin de parler à un être humain. Si vous achetez une chose compliquée ou chère, comme une voiture, vous ne voulez pas vous contenter d'interagir avec une technologie. »
Selon Bev White, une CX de haute qualité impliquera toujours un mélange judicieux d'interactions entre l'IA et des professionnels qualifiés - une approche qui trouve un écho chez Dan Eddie de Simplyhealth. Alors que son entreprise bénéficie déjà de l'IA dans les services aux clients, il affirme que la technologie ne stimule la CX que si elle est utilisée pour renforcer les aptitudes des agents. « Je ne pense pas que l'IA soit l'avenir ; je pense qu'elle jouera un rôle à l'avenir, résume-t-il. Le succès dépend toujours de l'implication de l'homme dans la compréhension de la complexité des besoins du client. »
En complément :
- Chez la Fintech Klarna, l'IA remplace avantageusement les téléconseillers
- Cdiscount met l'IA générative au service du conseil aux internautes
Article rédigé par
Mark Samuels, CIO (adapté par Reynald Fléchaux)
Commentaire
INFORMATION
Vous devez être connecté à votre compte CIO pour poster un commentaire.
Cliquez ici pour vous connecter
Pas encore inscrit ? s'inscrire