Comment la Société Générale répond aux enjeux RH de sa filière IT
Pour le groupe Société Générale, les métiers IT sont stratégiques à plus d'un titre. Le groupe a donc confié à un binôme le soin de piloter les différentes actions mises en oeuvre pour répondre aux enjeux RH rencontrés dans sa filière IT, du recrutement à la diversité. Alain Voiment, CTO du groupe, et Claire Gathier-Caillaud, DRH de la filière IT et directrice des ressources et de la transformation numérique du groupe, reviennent sur ces sujets dont ils partagent la responsabilité.
PublicitéAccroître la diversité, développer l'expertise, attirer les jeunes diplômés, mais aussi élargir le recrutement à des profils plus variés... Le groupe Société Générale rencontre de nombreux enjeux dans ses métiers IT. Pour répondre à ces sujets, dont beaucoup sont partagés par d'autres entreprises, la Société Générale met en oeuvre des actions à tous les niveaux de sa filière IT. Cette stratégie est portée par un binôme, constitué de Claire Gathier-Caillaud, directrice des ressources humaines de la filière IT et de la direction des ressources et de la transformation numérique, ainsi que d'Alain Voiment, directeur des technologies du groupe, en charge des infrastructures. Tous deux sont co-sponsors des sujets RH sur l'IT.
Pour bien appréhender ce que la filière IT représente pour la Société Générale, un premier chiffre donne un ordre de grandeur : « L'IT du groupe, ce sont 25 000 collaborateurs », pointe Alain Voiment, qui souligne que tous les métiers de la banque reposent aujourd'hui sur un usage intensif de l'informatique. Parmi les équipes IT, certaines sont rattachées aux métiers - quelques-uns d'entre eux possèdent d'ailleurs leur propre DSI, telle la banque d'investissement. Toutefois, l'année passée, la banque a nommé un DSI groupe, Carlos Gonçalves, en vue de piloter un certain nombre de sujets au niveau global : en font partie la sécurité, le réglementaire, mais aussi les questions RH.
Alain Voiment, directeur des technologies du groupe Société Générale, en charge des infrastructures : « Aujourd'hui, nous avons de très beaux parcours d'expertise. »
Concilier le run et la transformation
Les besoins RH de la filière IT sont déterminés par deux grands impératifs, parfois délicats à concilier. « Nous devons assurer le fonctionnement de la banque et sécuriser les données des clients, mais dans le même temps, nous devons accompagner la transformation du groupe, et donc être à la pointe de la technologie, afin de fournir les solutions nous permettant de rester compétitifs », résume Alain Voiment. Ces objectifs se retrouvent dans la plupart des projets structurants sur lesquels travaillent les équipes IT. À l'heure actuelle, trois d'entre eux dominent la feuille de route. Le premier est le rapprochement avec le Crédit du Nord, avec deux grandes vagues de bascule des systèmes d'information, dont la première vient juste d'avoir lieu. Dans le même temps, les travaux démarrent en vue de l'acquisition de LeasePlan par ALD Automotive, une filiale du groupe spécialisée dans la location de longue durée (LLD) de véhicules. Enfin, une joint-venture avec AllianceBernstein est en cours de mise en place pour la banque d'investissement. En parallèle, la banque cherche à capter les technologies de demain, notamment à travers son laboratoire de réflexion interne. « Nous menons différentes recherches sur le quantique, la blockchain, le métavers... Nous regardons ces sujets avec notre oeil d'informaticien, mais en association avec les métiers, afin de voir ce qu'il serait possible d'en faire demain », commente le CTO.
PublicitéÀ ces sujets d'actualité et de prospective s'ajoutent des travaux de fond, notamment autour de la responsabilité sociétale de l'entreprise (RSE). Au niveau de l'IT, ces enjeux se déclinent à la fois sur le volet environnemental (voir à ce sujet notre Grand Théma Green for IT) et sur la diversité - en particulier la mixité. « L'IT reste encore un domaine où les femmes sont peu présentes, déplore ainsi le CTO. Nous avons progressé sur ce point, pour atteindre aujourd'hui entre 25 et 30% de femmes selon les départements, mais nous devons continuer. » La stratégie IT du groupe comporte également un objectif d'efficacité, en vue de diminuer le poids des dépenses IT par rapport aux revenus. « Nous sommes aujourd'hui autour de 17%. Nous visons un ratio compris entre 14 et 15% à l'horizon 2025, en trouvant des leviers pour être plus efficaces dans nos dépenses IT », indique Alain Voiment.
Une grande variété de métiers
Pour adresser ces différents enjeux et les décliner dans la politique RH, « la proximité avec l'IT est essentielle », selon Claire Gathier-Caillaud. Et inversement, comme le souligne Alain Voiment : « les RH sont une fonction totalement intégrée à mon métier. » Les décisions importantes sont ainsi prises par un comité dédié qui rassemble les deux points de vue, afin de bénéficier de leur complémentarité. « Ce qui compte, c'est ce qu'on veut faire et ce qu'on est capable de faire », résume la DRH de la filière IT. Et l'un des premiers sujets communs concerne le recrutement. Étant donné la variété et l'ampleur des sujets IT, le groupe a en effet très régulièrement besoin d'accueillir de nouveaux collaborateurs. « En 2022, le groupe Société Générale a recruté près de 4000 personnes en CDI dans le monde, dont environ 600 en France », indique Claire Gathier-Caillaud. Une grande partie de ces recrutements - entre 40 et 45% - concernent les métiers du développement, « mais ce sont loin d'être les seuls métiers IT que nous proposons », précise la DRH de la filière IT. Comme la plupart des entreprises, la banque a été confrontée à des pénuries de compétences dans certains domaines, notamment les métiers liés à la data et à la cybersécurité. « Mais cela tend à s'améliorer aujourd'hui », nuance le CTO, pour qui les tensions actuelles concernent plutôt les métiers liés au cloud.
Pour répondre à ses besoins, le groupe a élargi depuis plusieurs années sa politique de recrutement. « Nous menons une politique très volontariste auprès des jeunes, sans nous focaliser uniquement sur quelques écoles, mais en cherchant à étendre au maximum notre champ de contact, ce qui répond aussi à notre enjeu de diversité, affirme Claire Gathier-Caillaud. L'année dernière, nous avons accueilli environ 250 alternants. Un pourcentage non négligeable de nos employés en CDI a d'ailleurs démarré par un stage ou en alternance. » Pour se doter des compétences recherchées, la banque mise également sur le reskilling et la formation en interne. « Nous avons développé une capacité à faire monter en compétences les profils, ainsi que des parcours internes pour accompagner les reconversions dans l'IT », déclare Claire Gathier-Caillaud. Le groupe accueille également des candidats externes en reconversion, à travers des partenariats avec des associations comme les DesCodeuses ou des écoles comme Simplon - avec qui le groupe a monté son IT School. « Plutôt que de nous attacher aux écoles, nous regardons les compétences, celles techniques, mais aussi, et de plus en plus, les soft skills », commente la DRH de la filière IT.
Valoriser le rôle des experts
Dans le même temps, le groupe recrute aussi des profils plus expérimentés sur l'ensemble de ses technologies. Avec un enjeu qui les concerne plus particulièrement, celui de la valorisation de l'expertise. « Nous avons des programmes pour identifier les experts, créer des communautés et surtout, faire en sorte que les experts participent aux processus de décision », explique Alain Voiment. Pour le CTO, il est essentiel que les experts puissent être autour de la table, afin que leur rôle soit reconnu. Il s'agit d'offrir une alternative aux schémas d'évolution de carrière managériaux, qui ont longtemps été les seuls proposés. « Aujourd'hui, nous avons de très beaux parcours d'expertise, avec des rôles qui permettent d'avoir une influence sur l'organisation », souligne Alain Voiment. « C'est aussi dans cette optique que nous insistons sur les soft skills, comme la pédagogie, le partage, ajoute Claire Gathier-Caillaud. Les experts doivent pouvoir transmettre leur expertise. Nous valorisons leur capacité à partager leur savoir avec d'autres personnes de l'organisation IT, à simplifier leur discours pour dialoguer avec les métiers. »
Revenant ensuite sur l'enjeu e diversité, la DRH souligne que le manque de femmes dans l'IT est un problème de fond, d'autant plus lorsqu'il s'agit de servir des métiers et des clients où les femmes sont en revanche bien présentes. « Nous avons lancé des actions communes entre les RH et les managers : la diversité n'est pas un sujet RH, c'est un sujet d'entreprise », insiste Claire Gathier-Caillaud. Le groupe a également mis en place un programme de mentoring dans les métiers IT pour les jeunes femmes à potentiel. « Celui-ci s'inscrit dans une démarche de mentoring réciproque : ces jeunes femmes nous disent ce qu'elles observent, ce qui les dérange et ce qu'elles voudraient, relate la DRH. Il est important de savoir écouter, de prendre soin de nos collaborateurs et collaboratrices durant le temps passé avec nous ». Pour certains sujets, comme les nominations à des postes d'encadrement, le groupe a également instauré des processus équitables, en imposant de présenter plusieurs candidats, d'avoir parmi eux des femmes et des profils de cultures différentes et d'en faire de même du côté des assesseurs qui évaluent les candidatures. Ainsi, « la décision est prise de manière collégiale et non plus par un seul manager », pointe Alain Voiment, qui souligne que cette approche favorise des choix basés sur des critères objectifs, comme les compétences du candidat.
Flexibilité et diversité des sujets
Pour attirer et retenir les collaborateurs, le groupe Société Générale met notamment en avant la diversité des sujets proposés. « Nous pouvons proposer à nos collaborateurs de travailler durant deux ans sur un projet pour la banque de détail, puis ensuite de participer à un autre projet sur la LLD », illustre Alain Voiment. Les équipes IT travaillent aussi sur l'amélioration des parcours pour la banque digitale, sur l'utilisation de la data pour générer des revenus et améliorer l'efficacité ou encore sur la sécurité, un sujet sur lequel la banque investit beaucoup. « Nous avons aussi beaucoup travaillé pour les collaborateurs, car des parcours plus fluides, la possibilité de télétravailler sont des facteurs d'engagement et de rétention », ajoute le CTO.
Depuis début 2021, la banque a notamment opté pour une organisation du travail flexible, avec 2,5 à 3 jours de télétravail par semaine. « Le fait de ne pas proposer du 100% télétravail n'est pas un frein au recrutement, observe Claire Gathier-Caillaud. Cela n'empêche pas un nombre important de collaborateurs d'habiter dans d'autres régions. C'est un choix de notre part, nous ne recrutons pas des personnes qui ne souhaitent pas venir au bureau. Nous recherchons à la fois les connaissances techniques et des soft skills de partage, c'est notre culture. Pour les jeunes employés en particulier, c'est important de se voir, c'est une attente de leur part. » Mais pour que ce compromis soit bien accepté, la DRH souligne un aspect clef : « Si on se voit moins, il faut faire en sorte que lorsqu'on se voit, c'est parce qu'on a envie d'être là. » Dans ce but, le groupe a accordé un soin particulier à l'aménagement de ses sites, notamment le récent immeuble Sakura et le campus des Dunes, à Fontenay-sous-Bois. Mais surtout, selon la DRH, « pour bien articuler télétravail et travail, il faut trouver un intérêt à être ensemble, à se réunir, savoir pourquoi on le fait plutôt que de faire des tâches que l'on pourrait aussi bien faire chez soi. »
Article rédigé par
Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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