Comment la branche grand public et numérique de La Poste travaille sur sa performance métier

La branche grand public et numérique du groupe La Poste, en collaboration avec sa direction administrative et financière (DAF), s'est appuyée sur un diagnostic réalisé par les cabinets PMP et Lucernys pour engager une démarche d'amélioration de la performance, de manière quantifiable et mesurée.
PublicitéLa branche numérique du groupe La Poste a été créée fin 2014 avec une double ambition : opérer la transformation numérique du groupe et créer des produits purement digitaux, comme l'Identité numérique ou Digiposte. Depuis sa création, elle a connu un développement accéléré, passant d'une douzaine de collaborateurs à près d'un millier en 2021. Dans ce contexte de transformation à la fois profonde et rapide, la direction générale de la branche a souhaité qualifier la performance de la direction technique en construction, sollicitant conjointement cette dernière et la DAF. Pour engager une démarche de mesure et d'amélioration de la performance, les deux directions ont fait appel à PMP, cabinet de stratégie et de conseil en transformation auprès des DAF et Lucernys, cabinet de conseil auprès des DSI, qui proposent une méthodologie commune de diagnostic, de benchmark et d'objectivation de la performance des DSI. Lors d'un webinaire organisé par la DFCG (association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion), le 20 octobre 2021, Jean-Marc Steffann, directeur technique de la branche grand public et numérique du groupe La Poste, est revenu sur cette collaboration.
En 2020, la branche numérique comptait déjà 600 collaborateurs. Début 2021, lors de l'annonce du plan stratégique 2025-2030 du groupe La Poste, le regroupement de la branche avec le réseau La Poste a débouché sur la création d'une branche grand public et numérique représentant près de 1000 employés. « Nous nous sommes questionnés sur notre capacité à gérer cette croissance tout en restant agiles et performants », a confié Jean-Marc Steffann. Le rapprochement avait également introduit une certaine hétérogénéité au niveau des équipes, dont certaines travaillaient encore avec des cycles en V ou en W, tandis que d'autres étaient complètement agiles en intégration. Il existait donc un enjeu d'homogénéisation des pratiques, auquel s'est ajoutée la question posée par la direction générale sur la performance. « Il ne s'agissait pas d'une simple analyse technique, mais d'une démarche conjointe entre la DAF et la branche technique en train de se construire, pour qualifier et mesurer la performance », précise Jean-Marc Steffann. « Quand on passe de 10 à 600 personnes en cinq ans, on change sans arrêt les moteurs de l'avion pendant le vol. C'est un questionnement permanent pour quelqu'un qui est à la tête d'une DSI », a-t-il souligné. « Nous sommes obligés de rester humbles, de nous demander tout le temps si nous sommes bien organisés, s'il ne faut pas regrouper des éléments ou au contraire les séparer pour donner plus de liberté sur un sujet ou un autre... » Ces questions sont démultipliées au niveau de la DAF, qui n'a pas forcément la vision détaillée des projets, mais constate les budgets alloués chaque année, les résultats et les questionnements des métiers.
PublicitéUn regard externe pour renforcer le diagnostic
Afin d'illustrer la difficulté à mesurer la performance IT, Jean-Marc Steffann a ensuite passé en revue quelques indicateurs. Pour qualifier la performance, la première métrique qui vient à l'esprit est la productivité. « Se baser sur le nombre de lignes de code par développeur est un peu court », a objecté le directeur technique. « En effet, si on produit de manière très efficace, mais sur un temps très long, le délai de mise sur le marché n'est pas bon, surtout dans un contexte de transformation, où l'on invente de nouveaux produits, dans une démarche d'essai et d'apprentissage. » La capacité à accélérer le time-to-market constitue donc une autre dimension importante de la performance. Toutefois, même si les deux critères sont réunis, si les projets s'éloignent de la préoccupation des métiers, la performance n'est toujours pas au rendez-vous. « Les modèles Lean permettent de répondre à cet enjeu, à travers le développement en mode produit, qui rapproche les donneurs d'ordres de ceux qui font les produits. La performance, c'est donc aussi la capacité à avoir un alignement fort et pertinent entre les demandes et besoins métiers, nombreux, et la force technique qu'on est capable de fournir pour développer ces projets et produits », a expliqué Jean-Marc Steffann.
Pour s'attaquer à cette question sur la performance, la direction technique a réalisé dans un premier temps un auto-diagnostic, grâce auquel six chantiers ont été identifiés, portant sur la stratégie, la gouvernance, l'organisation et l'agilité, les ressources et capacités, l'architecture et l'usine logicielle. « Il subsistait un biais, car nous étions à la fois juges et parties, et par ailleurs il était difficile de chiffrer les gains potentiels », a pointé le directeur technique. Par exemple, la direction technique promouvait l'agilité, mais l'une des questions posées par la DAF était de savoir si c'était réellement pertinent, de mesurer si cela contribuait à la performance globale ou si les gains ne portaient que sur l'un des axes identifiés. « Solliciter un regard externe nous permettait de renforcer le poids de cet auto-diagnostic, mais aussi d'introduire la notion de benchmark, pour laquelle la direction financière avait une forte appétence », a souligné Jean-Marc Steffann. La direction technique et la DAF ont donc décidé de faire appel à la double expertise de PMP et Lucernys, afin de consolider le diagnostic et d'apporter ce point de vue extérieur.
Mesurer pour structurer le plan d'amélioration
La mise en oeuvre d'une telle démarche présentait certains défis. D'abord, il fallait qu'elle soit acceptée par les équipes : pas uniquement les équipes techniques, mais toutes celles qui sont autour d'un produit, incluant notamment la finance et le marketing. « L'auto-diagnostic avait créé un contexte favorable, en mettant en évidence des axes d'amélioration et en donnant un premier plan de bataille », a souligné Jean-Marc Steffann. Une deuxième contrainte était que le diagnostic devait se faire dans un délai court, avec un démarrage en novembre 2020 et l'objectif d'avoir fini pour la fin d'année. « Quand on fait une mesure, il ne faut pas que ça traîne. Il faut une photographie plus qu'un film », a pointé le directeur technique. Ce délai serré s'est finalement révélé un facteur de réussite, car la démarche, menée en grande partie à distance, a pris moins de temps aux équipes, et a permis de revenir rapidement vers les métiers avec des chiffres et un plan d'action, ce qui a été très apprécié selon Jean-Marc Steffann. Le fait d'avoir associé les métiers et la DAF a également eu un impact bénéfique. « Une démarche purement DSI n'aurait pas eu la même signification à la fin. Là, les métiers étaient impliqués dans l'analyse, pour certains cela a été un révélateur du rôle qu'ils pourraient jouer à l'avenir », a observé le directeur technique. Enfin, il importait de trouver le bon niveau de granularité pour choisir les projets à analyser dans un portefeuille qui en comptait plus de 200. Des projets ni trop gros, ni trop petits, suffisamment représentatifs de l'activité et au bon niveau de qualité, sans forcément chercher ceux qui donneront le plus de pistes d'amélioration ou à l'inverse ceux qui assureront la meilleure note de performance.
Le bilan de l'exercice s'est révélé très positif. « Un adage dit que tout ce qui ne se mesure pas n'existe pas. Là, nous avons fait exister beaucoup de choses qui n'étaient pas mesurées. En créant des chiffres et en mettant des actions sur des axes d'amélioration, nous avons considérablement structuré le travail », s'est réjoui Jean-Marc Steffann. Sur l'un des projets analysés, le benchmark a permis de voir que le coût était dans les standards du marché, mais qu'il fallait plutôt retravailler l'objet que les façons de faire. « Cela a permis de déplacer le débat et d'avoir une discussion plus constructive », a illustré le directeur technique. Sur un autre projet récent, mené en mode agile, le niveau de performance s'est révélé très inférieur à ce qui était attendu. « Le diagnostic a permis de voir que le problème venait de changements de direction trop fréquents, même si l'équipe était très productive et la méthode parfaite. Nous avons donc retravaillé sur une roadmap », a expliqué Jean-Marc Steffann. La démarche a également aidé à réorienter un projet en mode agile pour un métier qui était habitué aux cycles en V, en s'appuyant sur le gain d'efficacité espéré, qui a été obtenu. « À la fin, nous avons entendu deux phrases en sortie de réunion : « Tous les projets devraient être faits comme ça » et « J'ai enfin compris à quoi ça servait de travailler en agilité », a apprécié Jean-Marc Steffann. Le directeur technique a également souligné le fort intérêt de la DAF sur les deltas que la direction technique était capable de combler. « Cela a permis de réorienter les budgets pour gagner tant ou tant en performance. Tout le monde y a trouvé son compte, nous les premiers », a-t-il confié.
Suivre les progrès réalisés
Au-delà de la DAF, la démarche a été une façon différente et efficace de faire de la pédagogie auprès des métiers. « Il ne s'agissait pas uniquement de décrire les modèles agiles et ce qu'ils peuvent apporter, mais d'avoir une pédagogie contextualisée, mesurée et donc porteuse d'espoir », a pointé le directeur technique. « Nous avons vraiment réussi à faire jouer la complémentarité des compétences, à la fois chez nous, entre la DAF et les équipes techniques, mais aussi avec les deux cabinets qui nous ont accompagnés », a-t-il constaté. Pour l'avenir, la branche envisage de transformer ce point de rencontre qu'a représenté le diagnostic en rendez-vous annuel récurrent. « Le benchmark nous a positionnés, mais notre performance se mesure aussi sur notre capacité à nous améliorer, à progresser », a conclu Jean-Marc Steffann.
Article rédigé par

Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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