Comment l'open data remodèle la gouvernance urbaine
Dans un livre intitulé « Quand la donnée arrive en ville - Open data et gouvernance urbaine », Antoine Courmont, chercheur et enseignant à Sciences Po, explore les multiples façons dont l'open data recompose la gouvernance urbaine, en considérant la donnée dans tous ses aspects : techniques, mais aussi sociaux et politiques.
PublicitéParu en janvier 2021, « Quand la donnée arrive en ville - Open Data et gouvernance urbaine » se situe à la croisée de l'essai et de l'enquête sociopolitique. Son auteur, Antoine Courmont, est chercheur associé au Centre d'études européennes de Sciences Po et responsable scientifique de la chaire Villes et Numérique de l'Ecole urbaine de Sciences Po. Dans cet ouvrage, il a choisi d'explorer les manières dont les données recomposent la gouvernance urbaine. Pour cela, il s'appuie sur une enquête ethnographique menée pendant plusieurs années dans une collectivité, en l'occurrence la Métropole de Lyon, où il était chargé de mission open data.
« La prolifération des données interroge les modes de gouvernement de la ville », écrit Antoine Courmont en introduction. Il rappelle ensuite que les données sont politiques, « parce qu'elles proposent une représentation du monde à partir de laquelle les acteurs vont se coordonner, agir, prendre des décisions », mais aussi, car elles « sont insérées dans et recomposent des relations de pouvoir entre et au sein des organisations. » Si les données rendent certaines choses visibles, elles sont « dans le même temps, porteuses de fortes invisibilités, et peuvent générer de l'ignorance et influer sur l'action publique. » Leur circulation, notamment à travers des démarches d'open data ou de smart cities, transforme les relations de pouvoir. « Cette circulation est à la fois un risque et une opportunité pour la régulation publique des territoires », estime l'auteur. « Les données peuvent participer à la construction d'une capacité d'action collective au‑delà des frontières de l'institution publique. L'ouverture des données renforce alors le pouvoir sémantique de l'institution publique, sa capacité à définir et imposer une représentation de la réalité à partir de laquelle des acteurs vont s'appuyer pour agir. À l'inverse, l'open data peut conduire à fragiliser le pouvoir de l'institution publique si les données sont transformées et utilisées dans un sens contraire à celui souhaité par l'acteur public. »
Détacher les données de leur environnement initial
Pour examiner ces différents enjeux, le livre est organisé autour de trois parties, intitulées attachement, détachement et réattachement. Dans la première, Antoine Courmont commence par interroger la notion même de donnée, qui est selon lui indissociable d'une infrastructure informationnelle - constituée des personnes, des pratiques, des technologies et institutions qui produisent les données. Il s'appuie pour cela sur de nombreux exemples, allant des données de circulation aux SIG (systèmes d'information géographiques). Il examine ensuite comment l'open data impose de détacher les données de leur environnement initial et les requalifie en ressources économiques, en retraçant les origines et la construction de la démarche open data de la Métropole.
PublicitéUn chapitre est notamment consacré à la question des licences. Un autre porte sur la fabrication de ces données ouvertes, processus qui nécessite de les identifier au préalable, mais aussi de tenir compte des réticences des producteurs de données et de bien d'autres problématiques, comme la qualité, la standardisation et la documentation. Pour finir, Antoine Courmont s'intéresse à la manière dont les données se réattachent à de nouveaux utilisateurs, modifiant la gouvernance urbaine. Il souligne que la route peut être difficile pour que l'offre de données ouvertes rencontre sa demande. L'arrivée d'acteurs privés utilisant ces données peut susciter des tensions, avec des rapports de force pouvant être défavorables aux pouvoirs publics - l'auteur mentionne par exemple les effets délétères d'outils comme Waze sur les reports de trafic, avec un impact sur la politique de mobilité. Il invite en conclusion à considérer les données urbaines dans une perspective de sociologie politique, pour mieux appréhender les batailles de légitimité et « parvenir à imposer sa représentation du monde pour agir et faire agir. »
Article rédigé par
Aurélie Chandeze, Rédactrice en chef adjointe de CIO
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